Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Enquête les Echos : France-Algérie, quand la politique parasite le climat des affaires

Réduire
Cette discussion est fermée.
X
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Enquête les Echos : France-Algérie, quand la politique parasite le climat des affaires

    Cinquante ans après la signature des accords d'Evian, la France, bien que premier partenaire économique de l'Algérie, vit avec celle-ci une relation « chahutée ». En cause, le poids du passé mais aussi une réglementation contraignante pour l'investisseur étranger.

    « Les pleurnicheries sur le passé ne vont pas construire le présent et encore moins l'avenir de l'Algérie »... Ce commentaire, le 7 janvier, du Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia, acte-t-il le début d'une nouvelle ère entre Paris et Alger ? Annonce-t-il la fin des turbulences de ce « couple infernal » (1) depuis les accords d'Evian de 1962, qui marquent la fin de la guerre d'Algérie ? Les deux pays sont-ils prêts à « ne plus regarder dans le rétroviseur », comme l'a souhaité en mai 2011 le secrétaire d'Etat français au Commerce extérieur Pierre Lellouche, en visite à Alger, « afin de mettre nos relations au niveau de ce qu'elles devraient être » ?
    Les propos, mal reçus à Alger, du ministre français de l'Intérieur Claude Guéant sur la valeur des civilisations et ceux du président Nicolas Sarkozy, le 9 mars, affirmant que la France « ne peut se repentir » d'avoir conduit la guerre d'Algérie, amènent à tempérer une telle hypothèse. « Leurs auteurs ne mesurent pas les réactions épidermiques sur des Algériens très sourcilleux et susceptibles », commente l'économiste Abdelmadjid Bouzidi. Cet ancien conseiller du président Liamine Zéroual le regrette d'autant plus qu'entre une France en crise et une Algérie prospère pourrait naître « un vrai partenariat » au lieu d'une relation constamment « chahutée ». Il se souvient d'un forum organisé en mai 2011 à Alger par Ubifrance, qui avait réuni 700 entreprises des deux pays. « On s'est dit ‘‘ça y est, la mayonnaise prend''. Puis ça a pataugé et les promesses, on n'en entend plus parler », soupire-t-il.

    L'ombre de la Chine

    L'économiste français Jean-Louis Levet, né en Algérie et fortement imprégné de sa relation à ce pays (2), déplore une « instrumentalisation de la guerre d'Algérie de part et d'autre depuis cinquante ans ». Et il espère que le cinquantième anniversaire des accords d'Evian, célébré il y a dix jours, conduira « Paris et Alger à arrêter de se regarder en chiens de faïence ». « Chacun a intérêt à une Méditerranée occidentale prospère », estime-t-il. En s'inquiétant de voir la Chine prendre pied en Algérie et « transformer l'économie en mettant la main sur les infrastructures et en lui faisant importer des produits à bas coûts... jusqu'au couscoussier ». Cela risque, dit-il, « de déstabiliser le commerce local et d'accroître la concurrence pour les entreprises françaises qui délocalisent des sites de production au Maghreb ».
    « La préférence cachée de l'Algérie est d'aller en couple avec la France », assure Abdelmadjid Bouzidi. En regrettant « ces résistances qui poussent parfois l'Algérie à conclure des contrats avec des entreprises chinoises plutôt que françaises ». Patrons et officiels accusent, eux, la France de ne pas investir assez. « Nos interlocuteurs algériens nous reprochent d'avoir ‘‘laissé entrer les Chinois'' », reconnaît le dirigeant d'une grande entreprise française.
    Bien que premier fournisseur de l'Algérie avec 15,1 % de parts de marché, devant l'Italie et la Chine (9,9 % chacune), premier investisseur hors hydrocarbures (finance, pharmacie, agroalimentaire, automobile...) et avec des exportations qui ont doublé entre 2000 et 2011 (grâce au secteur céréalier), Paris s'inquiète de l'avenir. Notre pays « demeure l'un des tout premiers partenaires économiques de l'Algérie (mais) nul acquis n'est définitif », écrivait ainsi en septembre 2010 le président Sarkozy dans sa lettre de mission à l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, chargé de relancer les relations économiques bilatérales.

    Un arsenal réglementaire de plus en plus dur

    Les entreprises françaises justifient leur prudence à investir par la difficulté de travailler en Algérie. « Il n'y a pas de tribunaux de commerce, les problèmes liés au foncier sont permanents, le droit du travail change constamment et le système financier est peu moderne, observe Jean-Louis Levet. Les structures administratives archaïques et centralisées freinent les implantations de groupes européens. Quant aux patrons de PMI, lorsqu'ils ne savent toujours pas au bout de dix-huit mois s'ils pourront s'implanter à l'est ou à l'ouest de Sétif, ils craquent ! » Or, l'arsenal réglementaire s'est durci en décembre 2011 avec un nouveau code des marchés publics sanctionnant le conflit d'intérêt. Sont notamment visées les entreprises étrangères associées à un partenaire algérien public dans une société commune. « Le dirigeant d'une filiale qui s'approvisionne auprès de sa maison mère s'expose au conflit d'intérêt en étant à la fois représentant du fournisseur étranger et dirigeant de la société algérienne, prévient un juriste. Les entreprises étrangères prennent donc des risques considérables car il y a là désormais une infraction pénale. »


    Et surtout, depuis le 26 juillet 2009, la loi impose aux entreprises étrangères un partenaire local et limite à 49% leur part dans la société commune. « L'Algérie a douché tout le monde ! » se souvient un patron français. Des entreprises allemandes, italiennes et françaises renoncent alors à des projets. Mais dans le même temps, Saint-Gobain peut, lui, mener à bien la reprise à 100% de deux verreries : le projet avait fait l'objet, deux ans plus tôt, d'une décision positive du conseil des participations de l'Etat... « Ce dossier s'est surtout débloqué car il tombait à un moment où il fallait donner des gages de la bonne relation franco-algérienne », nuance une source bien informée. Il s'est dénoué -de même qu'un accord de partenariat faisant entrer l'assureur Axa sur le marché algérien -le 31 mai 2011, lors de la visite à Alger de Jean-Pierre Raffarin et Pierre Lellouche. Le ministre algérien de l'Industrie Mohamed Benmeradi avait alors parlé d'une « certaine confiance retrouvée » entre les deux pays.

    Neuf mois plus tôt, la cour d'appel de Paris avait accordé un non-lieu au diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni, soupçonné d'être impliqué dans l'assassinat de l'opposant Ali Mecili à Paris, en 1987. Son arrestation à Marseille, en août 2008, avait plombé les relations entre Paris et Alger. « Le prononcé de la décision apporte un développement positif pour nos relations bilatérales, dont notre volonté est bien d'en poursuivre l'approfondissement et le développement », avait alors commenté le quai d'Orsay... « La fin de cette affaire a contribué de façon majeure à débloquer des contrats en cours », confie à l'époque un responsable français. Le Conseil national de l'investissement donnera d'ailleurs peu de temps après son feu vert à trois projets français -implantation d'une raffinerie de sucre par Cristal Union et d'une usine pharmaceutique par Sanofi, accord entre Alstom et l'Etat algérien sur une usine d'assemblage et de maintenance de tramways.
    L'Etat, omniprésent dans l'économie algérienne

    Est-ce à dire que la relation économique suit forcément le tempo du couple politique franco-algérien ? « Les très grands dossiers sont tous otages de la relation politique », tranche un proche des milieux d'affaires français. Seules les relations entre PME « échappent au politique et peuvent naviguer entre les gouttes », complète le responsable d'une organisation patronale algérienne. « Le climat politique est important parce que le poids de l'Etat est important dans l'économie algérienne, admet le président du conseil de chefs d'entreprise France-Algérie de Medef international Jean-Marie Dauger. Mais le politique ne surdétermine pas tout. » Conseiller de Jean-Pierre Raffarin, Serge Degallaix préfère évoquer des blocages « souvent dus à une incompréhension entre milieux administratifs algériens et milieux d'affaires français » plutôt que d'envisager la composante politique de cette relation. « Lorsque Jean-Pierre Raffarin s'est attaqué aux dossiers en suspens, explique-t-il, il y avait des choses banales à régler -choix de terrains, questions de procédures, raccordements de lignes électriques, etc. Elles ne relevaient pas de la haute politique mais ont été débloquées en étant portées au plus haut niveau. » « On a bénéficié d'un coup de pouce politique avec l'arrivée de Jean-Pierre Raffarin, mais la situation politique au sens propre n'a pas influé sur notre dossier qui, techniquement, était prêt », confirme le directeur général d'Axa en Algérie, Adelane Mecellem.

    « Les relations économiques pourraient être nettement meilleures s'il n'y avait pas ce climat politique malsain entre nos deux capitales », estime pour sa part l'économiste Abdelhak Lamiri. Citant le cas de l'usine Renault à Tanger (inaugurée en février, elle produira un monospace low cost), il s'emporte : « On aurait dû l'avoir ici puisque le dossier avait été ouvert en Algérie trois ans avant le Maroc ! » Renault a néanmoins un nouveau projet de construction d'une usine de montage en Algérie. Il « avance », explique-t-on dans l'entourage de l'entreprise. « Mais tout irait plus vite si les Algériens mettaient davantage de moyens, juge, agacé, un observateur avisé. Le risque est que les deux parties s'impatientent et que le projet ne se fasse pas. » Deux autres grands contrats sont en suspens. Le projet de vapocraqueur d'éthane de Total a pris du retard et la raison en est, de source bien informée, la tourmente dans laquelle se trouve son partenaire Sonatrach, dont le management a été décimé par des affaires de corruption. Quant au projet de cimenterie de Lafarge avec le Groupe industriel des ciments d'Algérie (Gica), « un protocole ayant été signé, le dossier paraît en bonne voie, mais l'intérêt algérien ne semble pas certain, glisse une source proche des entreprises. Ce projet avancera donc si la France est dans une période politique favorable avec l'Algérie, et non pour des raisons de bonne entente avec Lafarge. » C'est bien là toute l'ambiguïté des relations économiques entre les deux pays.

    Les Echos

    (1) « Paris-Alger, couple infernal », Jean-Pierre Tuquoi, Grasset (novembre 2007)
    (2) « France-Algérie, le grand malentendu », Jean-Louis Levet et Mourad Preure, l'Archipel (janvier 2012)

  • #2
    s'inquiétant de voir la Chine prendre pied en Algérie et « transformer l'économie en mettant la main sur les infrastructures et en lui faisant importer des produits à bas coûts...
    marhabba les chinois !

    Commentaire

    Chargement...
    X