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Le politique et la pensée politique en Algérie !

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  • Le politique et la pensée politique en Algérie !

    C’est la lutte (la guerre de Libération nationale) pour la renaissance d’un Etat algérien sous la forme d’une République démocratique et sociale et non la restauration d’une monarchie ou d’une théocratie révolue.»
    Congrès de la Soummam


    Un simple observateur constatera que certains débats dans les médias publics, en particulier dans les médias d’Etat, sont vides de discours politique. Les animateurs de cette campagne sont divisés entre ceux qui soutiennent le projet de l’actuel Président et ceux qui critiquent le gouvernement, mais qui soutiennent toujours le Président ! Un double discours ! Que sera la finalité de ce charivari sans auditeurs ? L’absence du dialogue creuse l’abîme qui sépare le peuple de la classe politique et aussi entre une élite productrice et une élite abrutissante. Quelques partis de l’opposition brillent par leur absence, à force de laisser le terrain aux idées pauvres, le pays se prive d’un débat de société porteur d’un réel changement. Les citoyens qui aspirent aux valeurs républicaines et démocratiques se sentent orphelins, sans leadership. Cependant, les valeurs républicaines ne sont pas encore ancrées dans notre société, elles sont fragiles, voire en état «de gestation embryonnaire», dans l’espace public et privé.

    L’appauvrissement de ces valeurs est de la responsabilité de l’Etat en premier lieu, car la politique poursuivie par l’actuel, et les précédents gouvernements, autrement dit les orientations politiques depuis l’indépendance, n’encourage guère l’enracinement de ces valeurs ni dans l’espace public, ni dans l’espace privé. Il ne peut pas exister de classe politique dans un pays où il n’existe pas de champ politique ouvert durablement, écrit l’éditorialiste du Quotidien d’Oran(1), et non le temps des campagnes pour les postes de députés, poursuit-il. Les citoyens, cibles présumées de ces campagnes, ne se rendent même pas compte de leur existence. Et ce n’est pas la «mobilisation» factice et rémunérée de jeunes, ce que nous verrons prochainement, selon toute probabilité, qui va changer y quelque chose, conclut l’éditorialiste du Quotidien d’ Oran. En second lieu, cette absence est de la responsabilité de chacun : des partis politiques, y compris l’opposition, à la société civile et tout citoyen. Les débats entamés par le parti du FFS, qui ont pris fin le 2 mars 2012, sont un bel exemple pour consulter la base afin de faire une opinion qui s’enracine et s’imprègne des idées de la base. Espérons que les débats entamés ont été réellement décisifs dans la décision finale. Néanmoins, l’expérience de ce parti pourra-t-elle relancer le débat politique ? Tirera-t-il vers le haut les autres partis ?

    La pauvreté du discours politique reflète également l’impécuniosité de certains partis politiques de proposer des débats qui susciteront l’intérêt des citoyens. J’ai lu la chronique d’Amine Zaoui dans le quotidien Echourouk, où il s’est interrogé sur les lectures des hommes politiques en Algérie, intéressant comme interrogation ; cependant, les auteurs cités dans la chronique ne sont pas forcément les penseurs de la politique, disons qu’ils sont d’autant plus dans la pensée identitaire et nationale que dans la pensée politique.
    Les références de la philosophie politique moderne se trouvent dans la philosophie occidentale et ce n’est pas dans l’histoire nationale, celle-ci pourrait être un moteur et un socle commun qui mobiliseraient les citoyens à espérer à un nouveau projet de société en tirant les leçons des expériences antérieures et également ancreraient les acquis démocratiques dans l’identité nationale. Néanmoins, l’histoire nationale ne pourrait en aucun cas faire évoluer les institutions, mais elle peut les consolider par l’appartenance à une histoire commune.

    Sortir de la pensée affective et appauvrie par des idéologies réductrices me semble fondamental pour l’évolution de notre société. Nous trouvons des prémices d’un projet de société dans la déclaration du 1er Novembre(2) et de la plate-forme de la Soummam où l’accès à la citoyenneté est fondé sur les droits et les devoirs, et ce n’est pas sur les bases ethniques. Je désignerai par ethnie les groupes d’hommes qui se vivent comme les héritiers d’une communauté historique et culturelle (souvent formulée en termes d’ascendance commune : les constantes nationales, c’est-à-dire les langues et la religion) et partagent la volonté de la maintenir. Selon Dominque Schnapper(3), l’ethnie se définit par deux dimensions : la communauté historique et la spécificité culturelle. Cependant, la Nation se distingue des groupes ethniques qui, eux, ne sont pas organisés politiquement. La Nation l’a définie «comme toute unité politique, la nation se définit par sa souveraineté qui s’exerce, à l’intérieur, pour intégrer les populations qu’elle inclut et, à l’extérieur, pour s’affirmer en tant que sujet historique dans un ordre mondial fondé sur l’existence et les relations entre nation-unités politiques. Mais sa spécificité est qu’elle intègre les populations en une communauté de citoyens, dont l’existence légitimise l’action intérieure et extérieure de l’Etat.»(4)

    L’attribution de la nationalité est ancrée dans l’intégration à la Nation et pas à l’ethnie. Le cas de Frantz Fanon est parlant, la presse francophone réclame son algérianité, mais quelques titres arabophones ne cessent de le présenter comme un étranger. Frantz Fanon, rappelons-le, a représenté l’Algérie au Congrès panafricain d’Accra en 1958, à la deuxième Conférence des peuples africains en janvier 1960, puis auprès de l’ONU à New York. L’élite francophone formée à la notion « de la Nation » au sens moderne se distingue de certaines élites arabophones qui n’arrivent pas à intégrer dans son évolution le concept «la Nation»(5). Finalement, la déclaration du 1er Novembre et la plate-forme de la Soummam(6) étaient émancipatrices et plus proches d’un projet de société ancré dans les valeurs républicaines desquelles nous sommes loin aujourd’hui.

    Pour en revenir à la chronique de A. Z., on peut s’interroger sur la formation de notre élite et en particulier la place accordée à la philosophie dans la préparation des nouveaux cadres et/ou élites de la nation et aussi dans le débat politique national. Dans un rapport de l’Unesco, en 2009, sur l’enseignement de la philosophie dans la région arabe, qui conclut que la philosophie ne trouve pas sa vraie place dans l’enseignement secondaire, ni universitaire. A ce propos, l’Algérie n’est pas en marge de ces pays, car on constate un vrai recul de l’enseignement de la philosophie dans le secondaire, qui est en réalité un prolongement de l’enseignement religieux, mais aussi à l’université, que parfois absente dans la quasi-totalité des matières scientifiques et sciences humaines. Selon Mahmoud Yakoubi : «Le problème de l’enseignement de la philosophie en Algérie n’est pas d’ordre méthodologique, car il est lié à une faiblesse du niveau de connaissances des enseignants et des étudiants orientés vers cette filière.» Ceci dit, le constat est généralement biaisé par un décalage perceptible au niveau linguistique et au niveau des concepts qui impliquent les choix de projet de la société espéré.
    Pour finir, dans sa «lettre à Gogol» Bielinski a écrit (1847) : «…Vous n’avez pas dit que le salut de Russie résidait non le mysticisme, l’ascétisme, ou le piétisme, mais dans les réussites de la civilisation, de l’éducation, de l’humanitarisme. Ce qu’il faut à la Russie, ce ne sont pas des sermons (elle en a assez entendu), ce ne sont pas les prières (elle n’en a que trop dit), mais que s’éveille dans le petit peuple le sentiment de la dignité humaine, enfoui et appliqués aussi rigoureusement que possible des droits et des lois conformes non aux enseignements de l’Église mais au bon sens et à la justice». Si nous essayons de méditer ce texte et de l’adapter au cas algérien, il sera toujours d’actualité !

    El Watan
    la curiosité est un vilain défaut.
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