En moins d’un an, la guerre mondiale contre le terrorisme (islamiste) a brusquement frappé jusque dans nos foyers. Elle se passe si loin de chez nous que nous n’en réalisions plus l’existence. Elle dure depuis si longtemps qu’on ne peut plus imaginer comment vivre sans. Mais, d’abord au Nord de l’Europe en juillet 2011, puis au Sud en mars 2012, elle a atteint le territoire européen.
Anders B. Breivik (32 ans) et Mohamed Merah (23 ans) sont l’expression des deux camps en lutte. Ils ne se sont pas contentés de placer une bombe anonyme quelque part. Tous deux ont reçu un entrainement militaire. Ils ont abattu et achevé leurs cibles, personnellement, systématiquement et froidement, comme de vrais professionnels militaires. Oui, on l’avait oublié, les petites nouvelles dans la presse sur 10, 100, 1000 morts en Irak, en Afghanistan ou à Gaza, femmes et enfants inclus, n’ont plus aucune signification ni aucun effet, mais elle est comme ça, la guerre : horrible, cruelle, méthodique, d’une souffrance inouïe pour les victimes et leurs familles. Après, il y a eu l’efficacité de nos services de police pour nous assurer que tout était sous contrôle et que tout allait reprendre son semblant de normalité. Breivik a été arrêté le jour même. Merah a été abattu le jour suivant, après trente-deux heures de siège de sa maison, au son des rafales des mitraillettes. À suivre en direct à la télévision, comme une vraie scène de guerre.
Les Templiers.
Le procès de Breivik, le tueur d’Oslo-Utoya qui a abattu 77 personnes, commencera le 16 avril prochain. Le 7 mars dernier, Breivik a été formellement inculpé pour « acte de terrorisme » et « homicides volontaires » par le Parquet norvégien.
Breivik se déclare « commandant militaire du mouvement de résistance norvégien et des Templiers de Norvège ». Il veut épurer l’Europe de la gauche multiculturaliste et de l’islam (1). Il considère Israël comme la ligne de front de « la civilisation occidentale contre la barbarie musulmane », et comme le pays qui a « reconquis » un territoire sur l’islam. Breivik est l’expression de l’alliance guerrière entre l’extrême droite européenne, Israël et les Etats-Unis. Tout indique qu’au nom de sa « schizophrénie paranoïde », tout ce qui a inspiré, nourri et créé Breivik restera un livre fermé et ne sera pas mis en cause. Il échappera à un procès - et à la prison - au profit de soins psychiatriques.
Depuis l’affaire Breivik, l’actualité prouve pourtant que Breivik n’est plus un « fait isolé » sur le sol européen, comme on a voulu le présenter. D’abord parce que nous vivons bel et bien dans un climat politique et social, raciste et islamophobe, sur un fond de crise économique et de guerre antiterroriste, dans lequel de tels actes de barbarie deviennent un phénomène social. Puis, de l’arrestation en Norvège de deux extrémistes nazis armés et en possession d’explosifs en septembre 2011, à la découverte en Allemagne des assassins néonazis d’immigrants turcs à la mi-novembre 2011, au meurtre de deux vendeurs ambulants sénégalais par un militant d’extrême droite en Italie en décembre 2011, la question du terrorisme d’extrême droite, niée par les autorités et glissant parmi les mailles du filet sécuritaire pendant toute une décennie, se pose dans tout son ampleur.
En mars 2012, à Toulouse-Montauban, des tueries racistes ont fait sept morts, en 14 jours de temps. L’auteur, qu’on surnommait d’ores et déjà le Breivik français, s’est avéré par la suite comme étant Mohamed Merah, un jeune homme de 23 ans, condamné quinze fois pour des délits pendant sa jeunesse, converti en prison et qui se revendique de la marque Al Qaida. Il semble avoir dit qu’il a agi pour venger les enfants de la Palestine, l’intervention française en Afghanistan et contre l’interdiction du port du voile intégral en France. Sur ses motivations, Mohamed Merah n’aura pas la possibilité de nous en dire plus.
Maladie mentale ?
Pendant toutes les heures où j’ai suivi le long siège de sa maison, je n’ai pas entendu dans la bouche des commentateurs le diagnostic d’une éventuelle « schizophrénie paranoïde » » de Mohamed Merah. Bien sûr, on dira que c’est parce qu’on ne lui avait pas encore parlé (ce qui n’arrivera en tout cas plus).
Quand il s’agissait de Breivik, on a ressenti un sentiment de reniement, d’écartement, de mal à l’aise. L’horreur de Breivik, homme blanc d’extrême droite, qui avait agi en notre nom et au nom d’une vision politique de plus en plus commune en Europe, ne pouvait pas être la nôtre. Il devait nécessairement être fou. L’acte de Merah par contre nous semble correspondre à quelque chose de bien plus réel et reconnaissable. Merah est la confirmation de nos peurs. Pour nous, les actes de Merah sont présents, potentiellement ou en germes, dans les communautés musulmanes. Ils correspondent mieux à notre imaginaire sur le terrorisme. Pour lui, on ne se pose pas la question de la maladie mentale. Pour lui, on pose celle de l’endoctrinement, de la radicalisation, de l’évolution « d’un délinquant de cité devenu djihadiste meurtrier ».
Comme Breivik a été écarté en tant que fou isolé, personne n’a dû se justifier après son massacre, dix fois plus meurtrier que celui de Merah. Personne n’a été inquiété, personne n’a dû se justifier ou n’a dû jurer en public qu’il n’avait rien à voir avec l’idéologie du jihadiste blanc. Les responsables religieux catholiques ou protestants n’ont pas été invité au Palais, ils n’ont pas été sommés de déclarer qu’il ne faut pas faire d’amalgame « entre le christianisme et les actes odieux de Breivik. » Rien de moins vrai pour le jihadiste musulman. On sent déjà que les armes se préparent pour encore frapper plus fort contre les communautés d’origine immigrée, musulmanes ou pro-palestiniennes. Et que la discrimination et la persécution s’annoncent de manière durcie. Toute personne consultant un site jihadiste, toute personne s’entraînant militairement sera poursuivie pénalement, déclare Sarkozy immédiatement après la liquidation de Merah. Il annonce aussi qu’au sein des prisons la lutte contre le prosélytisme sera intensifiée. Rien de tout cela n’a été entendu après les tueries d’Oslo.
Anders B. Breivik (32 ans) et Mohamed Merah (23 ans) sont l’expression des deux camps en lutte. Ils ne se sont pas contentés de placer une bombe anonyme quelque part. Tous deux ont reçu un entrainement militaire. Ils ont abattu et achevé leurs cibles, personnellement, systématiquement et froidement, comme de vrais professionnels militaires. Oui, on l’avait oublié, les petites nouvelles dans la presse sur 10, 100, 1000 morts en Irak, en Afghanistan ou à Gaza, femmes et enfants inclus, n’ont plus aucune signification ni aucun effet, mais elle est comme ça, la guerre : horrible, cruelle, méthodique, d’une souffrance inouïe pour les victimes et leurs familles. Après, il y a eu l’efficacité de nos services de police pour nous assurer que tout était sous contrôle et que tout allait reprendre son semblant de normalité. Breivik a été arrêté le jour même. Merah a été abattu le jour suivant, après trente-deux heures de siège de sa maison, au son des rafales des mitraillettes. À suivre en direct à la télévision, comme une vraie scène de guerre.
Les Templiers.
Le procès de Breivik, le tueur d’Oslo-Utoya qui a abattu 77 personnes, commencera le 16 avril prochain. Le 7 mars dernier, Breivik a été formellement inculpé pour « acte de terrorisme » et « homicides volontaires » par le Parquet norvégien.
Breivik se déclare « commandant militaire du mouvement de résistance norvégien et des Templiers de Norvège ». Il veut épurer l’Europe de la gauche multiculturaliste et de l’islam (1). Il considère Israël comme la ligne de front de « la civilisation occidentale contre la barbarie musulmane », et comme le pays qui a « reconquis » un territoire sur l’islam. Breivik est l’expression de l’alliance guerrière entre l’extrême droite européenne, Israël et les Etats-Unis. Tout indique qu’au nom de sa « schizophrénie paranoïde », tout ce qui a inspiré, nourri et créé Breivik restera un livre fermé et ne sera pas mis en cause. Il échappera à un procès - et à la prison - au profit de soins psychiatriques.
Depuis l’affaire Breivik, l’actualité prouve pourtant que Breivik n’est plus un « fait isolé » sur le sol européen, comme on a voulu le présenter. D’abord parce que nous vivons bel et bien dans un climat politique et social, raciste et islamophobe, sur un fond de crise économique et de guerre antiterroriste, dans lequel de tels actes de barbarie deviennent un phénomène social. Puis, de l’arrestation en Norvège de deux extrémistes nazis armés et en possession d’explosifs en septembre 2011, à la découverte en Allemagne des assassins néonazis d’immigrants turcs à la mi-novembre 2011, au meurtre de deux vendeurs ambulants sénégalais par un militant d’extrême droite en Italie en décembre 2011, la question du terrorisme d’extrême droite, niée par les autorités et glissant parmi les mailles du filet sécuritaire pendant toute une décennie, se pose dans tout son ampleur.
En mars 2012, à Toulouse-Montauban, des tueries racistes ont fait sept morts, en 14 jours de temps. L’auteur, qu’on surnommait d’ores et déjà le Breivik français, s’est avéré par la suite comme étant Mohamed Merah, un jeune homme de 23 ans, condamné quinze fois pour des délits pendant sa jeunesse, converti en prison et qui se revendique de la marque Al Qaida. Il semble avoir dit qu’il a agi pour venger les enfants de la Palestine, l’intervention française en Afghanistan et contre l’interdiction du port du voile intégral en France. Sur ses motivations, Mohamed Merah n’aura pas la possibilité de nous en dire plus.
Maladie mentale ?
Pendant toutes les heures où j’ai suivi le long siège de sa maison, je n’ai pas entendu dans la bouche des commentateurs le diagnostic d’une éventuelle « schizophrénie paranoïde » » de Mohamed Merah. Bien sûr, on dira que c’est parce qu’on ne lui avait pas encore parlé (ce qui n’arrivera en tout cas plus).
Quand il s’agissait de Breivik, on a ressenti un sentiment de reniement, d’écartement, de mal à l’aise. L’horreur de Breivik, homme blanc d’extrême droite, qui avait agi en notre nom et au nom d’une vision politique de plus en plus commune en Europe, ne pouvait pas être la nôtre. Il devait nécessairement être fou. L’acte de Merah par contre nous semble correspondre à quelque chose de bien plus réel et reconnaissable. Merah est la confirmation de nos peurs. Pour nous, les actes de Merah sont présents, potentiellement ou en germes, dans les communautés musulmanes. Ils correspondent mieux à notre imaginaire sur le terrorisme. Pour lui, on ne se pose pas la question de la maladie mentale. Pour lui, on pose celle de l’endoctrinement, de la radicalisation, de l’évolution « d’un délinquant de cité devenu djihadiste meurtrier ».
Comme Breivik a été écarté en tant que fou isolé, personne n’a dû se justifier après son massacre, dix fois plus meurtrier que celui de Merah. Personne n’a été inquiété, personne n’a dû se justifier ou n’a dû jurer en public qu’il n’avait rien à voir avec l’idéologie du jihadiste blanc. Les responsables religieux catholiques ou protestants n’ont pas été invité au Palais, ils n’ont pas été sommés de déclarer qu’il ne faut pas faire d’amalgame « entre le christianisme et les actes odieux de Breivik. » Rien de moins vrai pour le jihadiste musulman. On sent déjà que les armes se préparent pour encore frapper plus fort contre les communautés d’origine immigrée, musulmanes ou pro-palestiniennes. Et que la discrimination et la persécution s’annoncent de manière durcie. Toute personne consultant un site jihadiste, toute personne s’entraînant militairement sera poursuivie pénalement, déclare Sarkozy immédiatement après la liquidation de Merah. Il annonce aussi qu’au sein des prisons la lutte contre le prosélytisme sera intensifiée. Rien de tout cela n’a été entendu après les tueries d’Oslo.
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