Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Malouines : les enjeux économiques au cœur du conflit

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Malouines : les enjeux économiques au cœur du conflit

    Trente ans après la guerre des Malouines, qui a opposé le Royaume-Uni à l'Argentine du 2 avril au 14 juin 1982, l'archipel de l'Atlantique Sud reste parmi les îles les mieux défendues au monde : 1 300 soldats britanniques y patrouillent - pour une population de 3 000 habitants - soutenus par un destroyer lance-missile des plus modernes (le Dauntless), un sous-marin nucléaire et un escadron d'avions de combat Typhoon.

    Depuis quelques mois, cette surenchère militaire s'est vue doublée d'une escalade verbale entre les gouvernements de Londres et Buenos Aires, qui s'accusent réciproquement de "colonialisme" et réaffirment sans cesse leur souveraineté sur ce territoire de 12 173 km2. Point d'orgue à cette guerre des mots : une mission de six semaines du prince Williams dans l'archipel, officiellement en tant que pilote d'hélicoptère de la Royal Air Force, mais perçue comme une provocation supplémentaire par l'Argentine.

    Au-delà du simple anniversaire des trente ans de la guerre, ce regain de tensions entre le Royaume-Uni et l'Argentine s'explique en raison d'un contexte géopolitique très différent de celui de 1982, selon Jorge Castro, analyste politique du quotidien argentin Clarin. Buenos Aires a recouvré une solide influence régionale après avoir été isolé durant les années de dictature militaire : les îles Malouines jouissent d'une autonomie croissante, et surtout, la crise financière de 2008 a changé la donne.

    GISEMENTS PÉTROLIERS

    Car si la question de la souveraineté est depuis trente ans avancée par les deux bords pour faire valoir leur légitimité sur les Malouines, ce sont en réalité des préoccupations économiques qui aiguisent l'appétit des deux pays. L'archipel, d'abord disputé pour ses larges ressources halieutiques - les licences de pêche ont contribué à la moitié de ses revenus, soit 200 millions de dollars en 2011 -, fait maintenant l'objet de toutes les convoitises en raison de la richesse de son sous-sol.

    "Pour la Grande-Bretagne, défendre ce territoire situé à 12 800 kilomètres de sa capitale n'est pas sans logique, note le Sydney Morning Herald. Ces îles constituent une porte d'entrée à l'Antarctique, où Londres conduit des recherches scientifiques, et, surtout, du pétrole a été découvert par cinq compagnies britanniques, qui parlent de gisements d'au moins 450 millions de barils."

    "Derrière le paravent de la question de la souveraineté, les négociations entre le Royaume-Uni et l'Argentine devraient s'orienter autour de la rente pétrolière qui pourrait provenir de la zone", confirme El Mundo. Et le quotidien espagnol de préciser : avec 13 700 barils de pétrole qui pourraient être extraits au minimum par jour à partir de 2016, le revenu des îles augmenterait de plusieurs centaines de millions de dollars, permettant de rembourser les dépenses militaires britanniques (320 millions de dollars chaque année) et pouvant faire envisager à Londres un changement de statut, peut-être celui d'un Etat libre associé, à l'image de Porto Rico.


    DIFFICULTÉS INTERNES

    Autre conséquence de la crise : le conflit autour des Malouines constitue aussi une manière de détourner l'attention des problèmes internes que rencontrent les deux pays. Selon Vincente Palermo, professeur d'histoire interrogé par le Washington Post, "le gouvernement argentin, confronté à une baisse de popularité et des difficultés économiques grandissantes, utilise le conflit avec la Grande-Bretagne pour détourner l'attention".

    Même condamnation dans l'autre camp, où le vice-président argentin Amado Boudou a accusé la Grande-Bretagne de gesticuler pour cacher des problèmes intérieurs : "Il y a des questions de politique intérieure que le Royaume-Uni doit résoudre, comme le chômage ou la question du séparatisme écossais : ils essayent de cacher le manque de mesures d'accompagnement en nourrissant le sentiment colonialiste."

    DÉSARMEMENT DE L'ARGENTINE


    Cette guerre peut-elle passer des mots aux armes, s'interroge, à l'instar d'une partie de la presse britannique, la BBC, qui dresse un tableau comparatif des forces militaires en présence en 2012 par rapport à il y a trente ans. En 1982, le dictateur argentin Leopoldo Galtieri avait en effet envahi les Malouines pour galvaniser son pays confronté à une grave crise économique. "J'espère que nous ferions la même chose si l'Argentine lançait une nouvelle occupation des îles Malouines", témoigne la veuve du lieutenant-colonel Herbert "H" Jones, héros britannique de la guerre dans les colonnes du Telegraph.

    Mais en réalité, le risque d'une nouvelle offensive argentine est minime dans la mesure où le pays a procédé lui-même à son désarmement, assure le Wall Street Journal. "Ces derniers temps, son armée désordonnée peut à peine soutenir une parade décente, ironise-t-il. Mme Kirchner a affamé les 60 000 soldats de son armée, dans une stratégie pour couper court à tout relent militariste afin d'éviter une nouvelle dictature, et la majorité de son aviation s'est écrasée au cours des dix dernières années en raison de son âge avancé et d'un manque de maintenance." Au final, le budget militaire de l'Argentine est tombé de 3 % de son PIB en 1982 à 0,9 % en 2010, selon le centre de recherche pour la paix de Stockholm, cité par le quotidien britannique.

    VOIE DIPLOMATIQUE

    L'Argentine doit donc emprunter la voie diplomatique et juridique pour attaquer la Grande-Bretagne sur l'occupation des Malouines, explique la BBC. Depuis des mois, Buenos Aires incite sa population à boycotter les produits britanniques, et a convaincu ses voisins latino-américains de refuser aux bateaux battant pavillon des Malouines de mouiller dans leurs ports, menacé de poursuites judiciaires les compagnies pétrolières impliquées dans des activités autour de ces îles, multipliant les rencontres au sein des organisations internationales afin de forcer l'Angleterre à rouvrir des négociations sur la souveraineté de l'archipel.

    Malgré tout, au-delà de soutiens rhétoriques en Amérique du Sud, l'Argentine reste seule dans sa lutte, estime la presse. "La dénonciation de la militarisation de la zone par Cristina Kirchner n'a pas reçu de soutien important, note El Mundo. Personne ne s'est proposé de jouer le rôle de médiateur et le département d'Etat américain s'est rangé, comme l'on pouvait s'y attendre, du côté de son principal allié, le Royaume-Uni."
    "L'Argentine pèse plus sur la scène internationale qu'en 1982, mais pas suffisamment pour s'attaquer au Royaume-Uni, poursuit le quotidien espagnol. Si elle le faisait, l'Union européenne, les Etats-Unis, l'OTAN et les grandes puissances asiatiques ne bougeraient pas un doigt pour l'aider, de la même façon qu'ils ne l'ont pas fait il y a trente ans. En offrant aux Malouines un droit à l'auto-détermination, le Royaume-Uni fait, au contraire, d'une pierre deux coups : il se drape dans un habit de démocratie et continue à contrôler un territoire stratégique."

    Par Audrey Garric
Chargement...
X