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Islam : le trouble jeu de*Nicolas Sarkozy

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  • Islam : le trouble jeu de*Nicolas Sarkozy

    Après avoir organisé l’islam de France, puis misé sur l’Union des organisations islamiques pour gagner le vote musulman, le candidat a adressé, mardi, une mise en garde très politique à ses dirigeants.

    Entre les polémiques politiques et les descentes policières dans les milieux islamistes, le rassemblement annuel de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF, lire page 5) où sont attendus, demain, plusieurs milliers de musulmans, est au cœur de la campagne présidentielle. Déjà sonnée par l’interdiction de la venue de six conférenciers, l’organisation a même reçu, mardi, une sévère admonestation de la part de Nicolas Sarkozy. «Je ne tolérerai pas que puissent s’exprimer au cours d’une manifestation publique organisée sur le sol français les porteurs d’appels à la violence, à la haine, à l’antisémitisme, qui constituent des attaques insupportables contre la dignité humaine et les principes républicains», écrit-il, dans une lettre rendue publique mardi, à Ahmed Jaballah, le président de l’UOIF. Retour sur dixans de relations tumultueuses entretenues par le président-candidat avec les milieux musulmans, tentant d’abord de les séduire avant de privilégier un discours sécuritaire pour couper l’herbe sous le pied de l’extrême droite.

    2002-2005 : la lune de miel

    Dès qu’il prend ses fonctions de ministre de l’Intérieur après la réélection de Jacques Chirac en 2002, Nicolas Sarkozy s’attelle au chantier de l’islam de France. Rien de bien neuf, car ses prédécesseurs Place Beauvau avaient aussi manifesté la volonté de doter la communauté musulmane d’instances représentatives. Depuis les années 80, l’islam est la deuxième religion de France et commence à susciter les polémiques. Pour arriver à ses fins et créer, en2003, le Conseil français du culte musulman (CFCM), Nicolas Sarkozy se cherche des alliés au sein de la communauté musulmane. Politique et pragmatique, parfois brutal - il «séquestre» les représentants de l’islam pendant deux jours en décembre2002 au château de Nainville-les-Roches (Essonne) pour un accord sur le futur CFCM -, il contourne surtout la puissante Grande Mosquée de Paris et son influent recteur, Dalil Boubakeur, tête de pont de l’Algérie en France, très liés à Jacques Chirac et aux réseaux de ce dernier.

    Sarkozy fait alors le constat que la seule organisation à dimension nationale tenant la route, est l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). «C’est une sorte de Parti communiste de l’islam, très structuré et gardien de l’ordre», souligne un ancien responsable du ministère de l’Intérieur. Du coup, une véritable lune de miel commence entre Nicolas Sarkozy et l’UOIF.
    L’harmonie culmine, le 19 avril 2003, avec l’intervention du ministre de l’Intérieur au rassemblement du Bourget, devant une assemblée où hommes et femmes ont été soigneusement séparés, assis chacun de leur côté. Sur le fond, l’UOIF et Nicolas Sarkozy partagent une vision conservatrice de l’ordre social et du rôle singulier des religions en la matière. Mais le ministre se cherche aussi des relais politiques. Il rêve à un vote des mosquées pour contrer le vote beur, réputé acquis à la gauche. Il promet à l’UOIF qu’elle aura, un jour, la présidence du CFCM (cela n’arrivera jamais), marque, en 2004, ses réticences à l’égard de la loi qui interdit le port du voile islamique à l’école, voulue et soutenue par Jacques Chirac. «Il ne faut pas croire que Nicolas Sarkozy a été complaisant à l’égard de l’UOIF, soutient cependant l’anthropologue Dounia Bouzar, qui a siégé un temps au CFCM. Il leur a arraché, par exemple, cette*déclaration sur le fait que le voile n’était pas une prescription religieuse.»

    2005-2010 : du désintérêt à la rancœur

    En 2005, Nicolas Sarkoère un virage très net dans ses relations avec les musulmans. Il a acquis la certitude que le vote musulman lui échappe. A-t-il conscience d’avoir commis une erreur en s’appuyant sur l’UOIF ? Toujours est-il qu’avant et après les émeutes en banlieues de l’automne 2005, Nicolas Sarkozy durcit son discours sécuritaire, promet de nettoyer les quartiers difficiles au Kärcher et fustige les immigrés qui égorgent les moutons dans leur baignoire. L’UOIF ne lui pardonne pas. En avril2007, elle appelle implicitement à voter François Bayrou.

    Glacial, Nicolas Sarkozy devenu président de la République règle ses comptes en octobre 2007 lorsqu’il se rend à la Grande Mosquée de Paris pour un repas de rupture de jeûne de ramadan. Il apostrophe publiquement Fouad Alaoui, secrétaire général de l’UOIF, en lui demandant des nouvelles de son ami Bayrou…

    Malgré ses relations très peu cordiales avec Nicolas Sarkozy, l’inamovible Dalil Boubakeur a réussi, lui, à garder la main et à se maintenir comme président du CFCM, une institution dont il n’a pourtant jamais voulu.

    En 2008, l’heure du Maroc a sonné. La présidence du CFCM passe à Mohammed Moussaoui. En fait, le projet de l’islam de France a échoué. Censée donner une autonomie aux musulmans de France par rapport à leurs pays d’origine, la création du CFCM a produit l’effet inverse. Surtout pour le Maroc, qui, après les attentats de Madrid en 2004, se préoccupe de sa diaspora en Europe. Les communautés marocaines y sont suspectées d’être des bases arrières pour l’islamisme et le jihadisme. En 2006, le Rassemblement des musulmans de France (RMF), proche du Maroc, est créé et devient la force dominante au CFCM, qui connaît des crises à répétition. Paris privilégie alors l’axe avec Rabat.

    2010-2012 : l’agenda de Marine Le Pen

    A l’approche de l’élection présidentielle de 2012, les relations entre Nicolas Sarkozy et la communauté musulmane continuent à se dégrader. Sur la scène politique en Europe et en France, l’islamophobie gagne du terrain. Les Pays-Bas en sont une sorte de laboratoire. En 2010, Geert Wilders et son Parti de la liberté (PVV), fers de lance du discours antimusulman, deviennent la troisième force politique en raflant 16% des voix aux élections législatives. En France, le site internet Riposte laïque et le Bloc identitaire orchestrent cette montée de l’islamophobie. À la tête du Front national, Marine Le Pen a retenu la leçon néerlandaise. Aux élections régionales de 2010, elle inaugure un discours très antimusulman qui va diffuser à droite… Ainsi, souvent contre l’avis de l’Elysée, le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé, monte le ton, impose la loi contre la burqa, organise en avril 2011 une journée d’études très controversée sur la laïcité.

    Lancées par Marine Le Pen, les polémiques se succèdent : prières de rue, halal et, la semaine dernière, la charge contre l’UOIF avec, en ligne de mire, les relations que Sarkozy a entretenues par le passé avec l’organisation. A l’Intérieur, Claude Guéant joue les pompiers. Préventivement, le ministère avait lancé une réforme du CFCM qui devait aboutir avant la présidentielle. Projet plus que compromis…

    En campagne, Sarkozy est contraint de répliquer jusqu’à interdire, la semaine dernière, l’entrée du territoire à de prestigieux conférenciers du monde musulman - comme Youssef al-Qaradawi, le théologien le plus réputé des Frères musulmans - conviés régulièrement au rassemblement annuel de l’UOIF au Bourget avant la lettre très ferme du Président à Ahmed Jaballah. Au même moment, le gouvernement multiplie les opérations contre les milieux salafistes.

    En 2007, les électeurs musulmans avaient voté majoritairement à gauche. Selon Jérôme Fourquet, directeur adjoint de l’Ifop et spécialiste du vote religieux, le scénario devrait se reproduire en 2012 et prévoit que 80% des électeurs musulmans soutiendront le candidat socialiste, François Hollande, au second tour. Depuis longtemps, la partie est perdue pour Nicolas Sarkozy. L’islam de France, lui, s’apparente désormais à un champ de ruines.

    Libération (édition du jour)
    Dernière modification par Dandy, 05 avril 2012, 18h02.
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