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Boeing-Airbus, bagarre d'image

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  • Boeing-Airbus, bagarre d'image

    L'article du quotidien "Le Monde" décrit parfaitement la lutte au sommet de l'aviation civile que se livrent les deux champions du monde de la discipline : Boeing et Airbus. Pendant que l'européen Airbus se fait malmener par les investisseurs en raison des retards annoncés dans la production des A380, l'américain Boeing s'apprête à reprendre sa place de leader mondial...

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    Boeing-Airbus, bagarre d'image

    Selon le magazine The American Thinker ("le penseur américain"), il s'agit de la plus "fascinante bataille commerciale de la planète". Elle oppose Boeing, le constructeur aéronautique américain, à son grand rival européen Airbus, qui lui a ravi, depuis 2003, la première place mondiale, mais qui semble aujourd'hui sur le point de la perdre. La bataille ne porte pas seulement sur les prix des appareils, leurs qualités, les retards de production, les subventions publiques plus ou moins déguisées, le rôle des diplomaties américaine et européennes pour contribuer à engranger les commandes, mais aussi sur l'image des avionneurs.

    Airbus vient d'en faire la redoutable expérience après la panique boursière provoquée par l'annonce de retards de livraison de l'A380. Par un effet mécanique, Boeing profite des malheurs de son concurrent et reprend des couleurs après des années de crise marquées par une fusion difficile avec McDonnell Douglas en 1997 et une série de revers commerciaux et de scandales qui se sont étalés dans la presse américaine jusqu'à l'année dernière.

    Il y a eu d'abord le vol de documents au concurrent Lockheed Martin afin de remporter un contrat de lanceurs de satellites en 1998, la corruption en 2001 de membres de l'administration pour obtenir un marché de plus de 20 milliards de dollars d'avions ravitailleurs militaires et, enfin, la démission en juillet 2005 du PDG Harry Stonecipher à la suite d'une aventure extraconjugale au sein de la société. Boeing semblait alors, il n'y a même pas un an, au fond du trou.

    Le groupe venait de changer trois fois de PDG en l'espace de quelques mois. Le nouveau patron, James McNerney, à peine arrivé, faisait face à une grève de trois semaines sur les chaînes de production.

    De l'autre côte de l'Atlantique, Airbus semblait alors irrésistible et les médias américains étaient obligés de saluer, avec quelques réticences, le lancement de l'A380. Les télévisions montraient abondamment les images du premier vol de l'appareil, surnommé "Superjumbo" par les présentateurs en référence au Boeing 747, le "Jumbo".

    La tonalité des commentaires était parfois ambiguë. D'un côté, ils saluaient "une date dans l'histoire de l'aviation, le premier vol du plus grand avion commercial jamais construit cent un ans après le premier vol des frères Wright" et, de l'autre, se portaient au secours de Boeing, dont la suprématie était remise en cause.

    "Avec l'A380, le consortium européen espère se doter d'un atout supplémentaire et décisif dans sa bataille contre Boeing", soulignait Fox News. "Il est conçu pour mettre fin à la domination sans partage depuis quatre décennies dans les gros porteurs du 747", expliquait un journaliste de CNN. "Il y a deux ans, Airbus est devenu le premier vendeur d'avions de ligne au monde et maintenant il vient de rafler un autre trophée à son rival", ajoutait-il. Les médias insistaient aussi sur les aides publiques des gouvernements européens ayant permis à cet appareil de voir le jour, et la difficulté de le rentabiliser.

    "Airbus a encore à prouver qu'il peut transformer en profit un investissement dont le tiers provient des contribuables européens", écrivait le Wall Street Journal. Le Washington Post rappelait le succès technique du Concorde, "dont le premier vol à Toulouse remonte à trente-six ans", et son retentissant échec commercial. "Nous sommes contents pour eux, mais il s'agit d'un très grand avion pour un petit marché", déclarait sur CNN James Bell, le PDG par intérim de Boeing qui tentait de faire bonne figure. "Plus grand n'est pas meilleur", avait-il ajouté.

    Airbus en avait profité pour lancer une offensive de charme aux Etats-Unis et une campagne de publicité. Avec une photographie pleine page de l'A380 dans plusieurs journaux, présenté comme "la plus grande réussite de la technologie aéronautique". Airbus soulignait aussi que les 7 milliards de dollars de contrats passés avec des fournisseurs américains permettent de soutenir plus de 140 000 emplois.

    "C'est incroyable la vitesse à laquelle les choses changent dans cette industrie", souligne John Plueger, PDG du groupe californien ILFC, qui loue des avions aux compagnies. C'est au moment de la présentation en fanfare du A380 que Boeing a commencé à remonter la pente avec son nouveau patron et un coup de pouce de l'administration sous la pression notamment du Congrès et de la centaine de lobbyistes employés en permanence par Boeing à Washington.

    Au lendemain même du rejet du traité constitutionnel européen par la France et de l'affaiblissement de l'Union européenne, Washington saisissait l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour obtenir la suppression des aides remboursables versées à Airbus pour le futur A350, concurrent direct du "Dreamliner" de Boeing, le 787. L'objectif du gouvernement américain, mis en exergue par la presse, est de réduire les ressources d'Airbus et de retarder la sortie de l'A350.

    Les attaques directes ont aussi commencé à se multiplier aux Etats-Unis contre l'A380, son poids, sa consommation et la nécessaire adaptation des aéroports à sa taille. Il a été qualifié par des ingénieurs de Boeing d'"avion traditionnel, un cigare d'aluminium avec des ailes, mais grand", une allusion au fait que le futur Boeing 787 aura un fuselage et des ailes non plus en aluminium mais en matériaux composites. En octobre 2005, l'offensive a franchi une étape, avec une "affaire" sortie par le Wall Street Journal, relais toujours fidèle des entreprises américaines. Elle n'était pas sans rappeler celle des nuisances sonores du Concorde, qui avait fait un tort commercial considérable au supersonique franco-britannique.

    Le quotidien économique a révélé l'existence d'un conflit entre les autorités américaines de l'aviation et leurs homologues européennes sur la distance de sécurité que devront respecter les autres appareils qui suivront le décollage ou l'atterrissage d'un A380. En allongeant les délais et en modifiant les règles uniquement pour cet avion, les autorités américaines compliquent sa gestion par les aéroports et les compagnies et disposent d'un moyen très efficace pour gêner sa commercialisation et son utilisation sur le sol américain. Selon le Wall Street Journal du 12 juin dernier, le conflit n'était toujours pas réglé.

    Parallèlement, en mars 2006, Business Week saluait en "une" "le grand nettoyage" fait chez Boeing par Jim McNerney. Le magazine soulignait l'amélioration de l'outil de production, la fin des retards chroniques, les succès commerciaux qui lui ont permis de reprendre 50 % du marché mondial de l'aviation civile en 2005 grâce à une stratégie judicieuse mettant l'accent sur des appareils économes en carburant.

    Avec les déboires actuels d'Airbus, le Wall Street Journal n'a plus eu qu'à célébrer les malheurs du constructeur européen sur le mode : "on vous l'avait bien dit". Le 15 juin, il titrait un article "Parier sur un avion géant fait trébucher Airbus". Le surtitre était "Descente rapide" et le sous-titre : "Après avoir dépassé Boeing, le concurrent européen pourrait se retrouver derrière pendant des années". Mais qui sait ? Dans quelques mois cela sera peut-être au tour de Boeing d'être à nouveau en difficulté. Business Week écrivait la semaine dernière que l'avionneur faisait face "à des difficultés techniques importantes qui menacent la livraison en 2008 des premiers 787". Cela concernerait notamment la résistance du fuselage en matériaux composites.

    Par Le Monde
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