Passant du simple au double, le prix supposé de la cession a de quoi troubler les experts, lesquels n’hésitent pas à mettre en cause la naïveté des autorités mal préparées dans la gestion de ce dossier. Le désaccord entre les deux parties sur le montant de la transaction est susceptible de mener à l’arbitrage international et l’Algérie risque d’y laisser des plumes.
Présentée comme l’impératif devant cristalliser le sacro-saint «patriotisme économique», la récupération de Djezzy tarde à se concrétiser. Force est de constater que les commentaires fusent à propos des motivations d’une telle opération. Une question de souveraineté pour certains, qu’il s’agisse de nationaliser «les écoutes téléphoniques» ou encore qu’il soit nécessaire de rectifier les malfaçons du processus d’introduction de cet opérateur privé sur le marché, il ne faut pas perdre de vue que toutes ces pérégrinations du dossier Orascom risquent de coûter très cher.Un processus de négociations tronqué, laissant entrevoir les prémices d’un arbitrage dont ne risque-t-il pas de rééditer un scénario Anadarko-Sonatrach ? Certes, le nouveau propriétaire russe accepte de céder une participation majoritaire de Djezzy pour un prix qu’il veut «acceptable», lequel flirte d’ailleurs avec les 7 milliards de dollars depuis le début du litige. Mais il n’est pas certain qu’il reflète une évaluation des plus pertinentes de l’opérateur. Le différentiel existant entre la première estimation sommaire de la Deutsch Bank au début du conflit à 3,5 milliards de dollars et celle commandée par le gouvernement algérien au cabinet d’affaires international Shearman and Sterling LLP-France à 6,9 milliards de dollars est frappante.
Passant du simple au double, le prix supposé de la cession a de quoi troubler les experts, lesquels n’hésitent pas à mettre en cause le sérieux des autorités mal préparées dans la gestion du dossier de par l’opacité qu’elles s’évertuent à cultiver. Ali Mebroukine, professeur en droit des affaires, avoue qu’aucun expert «ne peut comprendre que le gouvernement algérien doit débourser quelque 7 milliards de dollars pour l’acquisition d’OTA (…) à un moment où les risques opérationnels, juridiques et financiers qui pèsent sur les entreprises de télécommunications sont de plus en plus grands». Le juriste persiste en affirmant que le montant de 7 milliards de dollars imposé par Vimpelcom n’est pas raisonnable et qu’à la limite «il importe peu qu’OTA ait pu pénétrer le marché captif que représentent 35 millions de consommateurs algériens en déboursant seulement 850 millions de dollars».
Au-delà de l’erreur de départ qui a estropié les conditions d’accès au marché, M. Mebroukine trouve curieux que les démêlés de Djezzy avec le fisc et la Banque d’Algérie, autant d’éléments à charge, «n’aient pas été utilisés par le gouvernement algérien pour justifier mieux qu’il ne l’a fait, et le rachat d’OTA et le refus de payer un prix aussi élevé». Il se dit, aussi, interloqué devant le fait que l’administration n’ait pas estimé «devoir retirer sa licence à OTA devant une telle accumulation de délits prétendus, qui plus est contre la réglementation la plus impérative qui soit (fiscale et des changes)».
Quelles chances pour un arbitrage favorable ?
Un point de vue qu’il partage d’ailleurs avec l’avocat d’affaires et praticien en arbitrage international, Nasreddine Lezzar, lequel pense que «la licence d’exploitation ne doit pas être incluse dans le patrimoine d’OTA, car elle est propriété de l’Etat algérien et acheter OTA avec la licence d’exploitation est le plus grand cadeau fait par les décideurs en charge de ce dossier à Vimplecom au détriment du trésor public». Et d’ajouter : «L’Algérie est en droit de revoir le patrimoine d’OTA extirpé de la licence, du droit d’exploitation, de tout ce qui constitue son patrimoine commercial immatériel.» Néanmoins, M. Lezzar considère que le gouvernement algérien s’est largement fait dépasser par les russes de Vimpelcom dans cette affaire et aborde mal l’arbitrage international qui se profile à l’horizon, bien qu’il soit tout à fait dans son droit.
Le fait est qu’en premier lieu, les Algériens se soient «considérablement affaiblis en acceptant de parler de négociations pour le rachat de Djezzy (…) et qu’ils accepte Vimpelcom, comme interlocuteur légal», concédant ainsi au russe le droit de refuser la cession, alors qu’on devrait s’arrêter à une «négociation sur le prix après une expropriation». Les Algériens ont également laissé, selon lui, la possibilité à Vimpelcom «d’aller à l’arbitrage pour l’évaluation de la valeur des actions et non pour contester la validité de l’acquisition, par ce dernier, d’OTA». M. Lezzar dit craindre dans ce contexte «un accord à l’amiable qui, comme dans le précédent Sonatrach, transférera des sommes colossales indues à des entités étrangères».
Un pessimisme analogue caractérise les prévisions d’Ali Mebroukine quant à l’issue d’un arbitrage. Il estime que si Vimpelcom menace de recourir à un arbitrage et qu’il conteste les dispositions de la LFC 2010, il peut s’appuyer sur l’article 9 de la convention d’investissement du 5 août 2001 entre l’Etat algérien et OTH. OTA bénéficiant en ce sens des clauses de stabilisation. Et au juriste de conclure : «Devant un tribunal international qui ferait une stricte application des dispositions de la convention précitée, il est exclu que l’Etat algérien obtienne gain de cause.»
Par Roumadi Melissa -El Watan.
Présentée comme l’impératif devant cristalliser le sacro-saint «patriotisme économique», la récupération de Djezzy tarde à se concrétiser. Force est de constater que les commentaires fusent à propos des motivations d’une telle opération. Une question de souveraineté pour certains, qu’il s’agisse de nationaliser «les écoutes téléphoniques» ou encore qu’il soit nécessaire de rectifier les malfaçons du processus d’introduction de cet opérateur privé sur le marché, il ne faut pas perdre de vue que toutes ces pérégrinations du dossier Orascom risquent de coûter très cher.Un processus de négociations tronqué, laissant entrevoir les prémices d’un arbitrage dont ne risque-t-il pas de rééditer un scénario Anadarko-Sonatrach ? Certes, le nouveau propriétaire russe accepte de céder une participation majoritaire de Djezzy pour un prix qu’il veut «acceptable», lequel flirte d’ailleurs avec les 7 milliards de dollars depuis le début du litige. Mais il n’est pas certain qu’il reflète une évaluation des plus pertinentes de l’opérateur. Le différentiel existant entre la première estimation sommaire de la Deutsch Bank au début du conflit à 3,5 milliards de dollars et celle commandée par le gouvernement algérien au cabinet d’affaires international Shearman and Sterling LLP-France à 6,9 milliards de dollars est frappante.
Passant du simple au double, le prix supposé de la cession a de quoi troubler les experts, lesquels n’hésitent pas à mettre en cause le sérieux des autorités mal préparées dans la gestion du dossier de par l’opacité qu’elles s’évertuent à cultiver. Ali Mebroukine, professeur en droit des affaires, avoue qu’aucun expert «ne peut comprendre que le gouvernement algérien doit débourser quelque 7 milliards de dollars pour l’acquisition d’OTA (…) à un moment où les risques opérationnels, juridiques et financiers qui pèsent sur les entreprises de télécommunications sont de plus en plus grands». Le juriste persiste en affirmant que le montant de 7 milliards de dollars imposé par Vimpelcom n’est pas raisonnable et qu’à la limite «il importe peu qu’OTA ait pu pénétrer le marché captif que représentent 35 millions de consommateurs algériens en déboursant seulement 850 millions de dollars».
Au-delà de l’erreur de départ qui a estropié les conditions d’accès au marché, M. Mebroukine trouve curieux que les démêlés de Djezzy avec le fisc et la Banque d’Algérie, autant d’éléments à charge, «n’aient pas été utilisés par le gouvernement algérien pour justifier mieux qu’il ne l’a fait, et le rachat d’OTA et le refus de payer un prix aussi élevé». Il se dit, aussi, interloqué devant le fait que l’administration n’ait pas estimé «devoir retirer sa licence à OTA devant une telle accumulation de délits prétendus, qui plus est contre la réglementation la plus impérative qui soit (fiscale et des changes)».
Quelles chances pour un arbitrage favorable ?
Un point de vue qu’il partage d’ailleurs avec l’avocat d’affaires et praticien en arbitrage international, Nasreddine Lezzar, lequel pense que «la licence d’exploitation ne doit pas être incluse dans le patrimoine d’OTA, car elle est propriété de l’Etat algérien et acheter OTA avec la licence d’exploitation est le plus grand cadeau fait par les décideurs en charge de ce dossier à Vimplecom au détriment du trésor public». Et d’ajouter : «L’Algérie est en droit de revoir le patrimoine d’OTA extirpé de la licence, du droit d’exploitation, de tout ce qui constitue son patrimoine commercial immatériel.» Néanmoins, M. Lezzar considère que le gouvernement algérien s’est largement fait dépasser par les russes de Vimpelcom dans cette affaire et aborde mal l’arbitrage international qui se profile à l’horizon, bien qu’il soit tout à fait dans son droit.
Le fait est qu’en premier lieu, les Algériens se soient «considérablement affaiblis en acceptant de parler de négociations pour le rachat de Djezzy (…) et qu’ils accepte Vimpelcom, comme interlocuteur légal», concédant ainsi au russe le droit de refuser la cession, alors qu’on devrait s’arrêter à une «négociation sur le prix après une expropriation». Les Algériens ont également laissé, selon lui, la possibilité à Vimpelcom «d’aller à l’arbitrage pour l’évaluation de la valeur des actions et non pour contester la validité de l’acquisition, par ce dernier, d’OTA». M. Lezzar dit craindre dans ce contexte «un accord à l’amiable qui, comme dans le précédent Sonatrach, transférera des sommes colossales indues à des entités étrangères».
Un pessimisme analogue caractérise les prévisions d’Ali Mebroukine quant à l’issue d’un arbitrage. Il estime que si Vimpelcom menace de recourir à un arbitrage et qu’il conteste les dispositions de la LFC 2010, il peut s’appuyer sur l’article 9 de la convention d’investissement du 5 août 2001 entre l’Etat algérien et OTH. OTA bénéficiant en ce sens des clauses de stabilisation. Et au juriste de conclure : «Devant un tribunal international qui ferait une stricte application des dispositions de la convention précitée, il est exclu que l’Etat algérien obtienne gain de cause.»
Par Roumadi Melissa -El Watan.
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