Reportage. Ce Rif si rebelle…
Malgré la fin des violences qui ont secoué la région en ce début d’année, les tensions sociales sont toujours palpables et la révolte n’est pas près de s’éteindre à Beni Bouayach, Imzouren et Boukidaren. Road-movie.
Destination, le triangle des Bermudes marocain. Nous sommes sur la Nationale 2, qui relie Taza à Al Hoceïma, la seule route qui permet de s’immerger dans le Rif profond. Cette région reculée du nord du Maroc était un véritable coupe-gorge pour l’armée d’occupation, au temps du protectorat. Les maquisards rifains donnaient tellement de fil à retordre aux bataillons français, lors du soulèvement de 1955, que ces derniers ont fini par surnommer cette zone, située entre Aknoul, Tizi Ousli et Kassita, “le triangle de la mort”.
Cinquante ans plus tard, cette province, au climat dur et au relief accidenté, dispose toujours de peu d’infrastructures. Pour ses habitants, les moyens de subsistance sont limités : l’agriculture est quasiment la seule source de revenus. Ils sont d’ailleurs nombreux à l’avoir désertée depuis les années 1960, en immigrant massivement vers les Pays-Bas et l’Espagne.
En témoignent ces demeures à l’allure cossue, presque luxueuses, appartenant à ceux qui résident désormais à l’étranger. Elles dénotent à côté des bâtisses dénuées du confort le plus élémentaire où vivent la majorité des Rifains. Bienvenue au pays des paradoxes.
Une place libérée
Après deux heures sur cette route sinueuse et cabossée, nous parvenons à Kassita, point de jonction entre Taza, Al Hoceïma et Nador. C’est le fief des tribus Izenayane, qui ont largement contribué à forger la légende de la résistance dans la région. Le centre de la localité ressemble à n’importe quel village de bord de route : des commerces et des petits restaurants, disséminés des deux côtés de l’artère principale et animés par un interminable ballet de véhicules et de bêtes. Rien qui mérite vraiment de s’attarder.
Les paysages qui défilent le long de la voie qui longe l’oued Nekour sont d’une beauté renversante. A proximité du village de M’noud, lieu de naissance d’Ilias El Omari —l’homme fort du PAM et relais du Palais dans la région—, un premier barrage de la gendarmerie est établi. En plus du contrôle de routine, les gendarmes consignent les immatriculations des véhicules. Malgré leur sourire, la tension est palpable sur les traits des agents d’autorité, Beni Bouayach n’étant plus très loin.
Nous arrivons au centre de cette bourgade encore inconnue de la majorité des Marocains, jusqu’aux évènements qui ont fait l’actualité ces dernières semaines. En cause, une série de heurts violents qui ont opposé les jeunes de la ville aux forces de l’ordre. Aujourd’hui, la place devant la Bachaouia (Pachalik) est calme. Aucune trace du dispositif des brigades anti-émeutes qui, pendant plusieurs jours, sont restées mobilisées sur place. “Elles ont quitté la ville hier tard dans la nuit, c’est une place libérée maintenant”, nous lance un jeune d’un air victorieux et fier, tel un guerrier de l’espace qui aurait remporté une bataille sur les Martiens. Il nous parle à demi-mots, dans un arabe teinté d’un fort accent amazigh. Dans cette zone du pays, dès qu’on aborde quelqu’un en darija, on est estampillé “étranger” et la méfiance s’installe.
Malgré la fin des violences qui ont secoué la région en ce début d’année, les tensions sociales sont toujours palpables et la révolte n’est pas près de s’éteindre à Beni Bouayach, Imzouren et Boukidaren. Road-movie.
Destination, le triangle des Bermudes marocain. Nous sommes sur la Nationale 2, qui relie Taza à Al Hoceïma, la seule route qui permet de s’immerger dans le Rif profond. Cette région reculée du nord du Maroc était un véritable coupe-gorge pour l’armée d’occupation, au temps du protectorat. Les maquisards rifains donnaient tellement de fil à retordre aux bataillons français, lors du soulèvement de 1955, que ces derniers ont fini par surnommer cette zone, située entre Aknoul, Tizi Ousli et Kassita, “le triangle de la mort”.
Cinquante ans plus tard, cette province, au climat dur et au relief accidenté, dispose toujours de peu d’infrastructures. Pour ses habitants, les moyens de subsistance sont limités : l’agriculture est quasiment la seule source de revenus. Ils sont d’ailleurs nombreux à l’avoir désertée depuis les années 1960, en immigrant massivement vers les Pays-Bas et l’Espagne.
En témoignent ces demeures à l’allure cossue, presque luxueuses, appartenant à ceux qui résident désormais à l’étranger. Elles dénotent à côté des bâtisses dénuées du confort le plus élémentaire où vivent la majorité des Rifains. Bienvenue au pays des paradoxes.
Une place libérée
Après deux heures sur cette route sinueuse et cabossée, nous parvenons à Kassita, point de jonction entre Taza, Al Hoceïma et Nador. C’est le fief des tribus Izenayane, qui ont largement contribué à forger la légende de la résistance dans la région. Le centre de la localité ressemble à n’importe quel village de bord de route : des commerces et des petits restaurants, disséminés des deux côtés de l’artère principale et animés par un interminable ballet de véhicules et de bêtes. Rien qui mérite vraiment de s’attarder.
Les paysages qui défilent le long de la voie qui longe l’oued Nekour sont d’une beauté renversante. A proximité du village de M’noud, lieu de naissance d’Ilias El Omari —l’homme fort du PAM et relais du Palais dans la région—, un premier barrage de la gendarmerie est établi. En plus du contrôle de routine, les gendarmes consignent les immatriculations des véhicules. Malgré leur sourire, la tension est palpable sur les traits des agents d’autorité, Beni Bouayach n’étant plus très loin.
Nous arrivons au centre de cette bourgade encore inconnue de la majorité des Marocains, jusqu’aux évènements qui ont fait l’actualité ces dernières semaines. En cause, une série de heurts violents qui ont opposé les jeunes de la ville aux forces de l’ordre. Aujourd’hui, la place devant la Bachaouia (Pachalik) est calme. Aucune trace du dispositif des brigades anti-émeutes qui, pendant plusieurs jours, sont restées mobilisées sur place. “Elles ont quitté la ville hier tard dans la nuit, c’est une place libérée maintenant”, nous lance un jeune d’un air victorieux et fier, tel un guerrier de l’espace qui aurait remporté une bataille sur les Martiens. Il nous parle à demi-mots, dans un arabe teinté d’un fort accent amazigh. Dans cette zone du pays, dès qu’on aborde quelqu’un en darija, on est estampillé “étranger” et la méfiance s’installe.
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