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Ils financent leur campagne avec «Dieu», l’Etat et le système D

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  • Ils financent leur campagne avec «Dieu», l’Etat et le système D

    Le coût d’une campagne ? Sujet tabou ! Nous avons suivi quatre candidats qui ont accepté - à condition de rester anonymes - de chiffrer leurs dépenses. Bref aperçu du fonctionnement de partis qui réclament la transparence dans la gestion des affaires publiques.


    Au MSP, le parti de Mohamed, la solidarité entres frères est une règle d’or. «Les musulmans doivent s’entraider ! Mes frères me soutiennent et avec l’aide de Dieu, nous remporterons les législatives !», assure-t-il, optimiste. Nous l’accompagnons lors de sa «sortie de proximité» cette semaine à Boufarik. Trois voitures sont du voyage. Pour l’instant, le coût de l’opération est de… 0 DA, car ses amis l’accompagnent bénévolement. «Nous soutenons notre frère Mohamed, nous sommes à sa disposition pour lui permettre d’entrer au Parlement», confie l’un d’entre eux. Quatre jeunes étudiants sont aussi de sortie, pris en charge par notre candidat. «Mohamed paie les sandwichs et les cafés pour nous», avoue l’un des jeunes. A raison de 120 DA le sandwich, 35 DA la limonade et 20 DA la bouteille d’eau, Mohamed a déboursé pour le déjeuner 1120 DA.

    La tournée se poursuit, à la rencontre des fellahs, pour qui notre candidat multiplie les promesses. Les jeunes distribuent les flyers présentant le programme de l’Alliance verte, la liste des candidats et l’affiche de la tête de liste. Coût d’un flyer : 1 DA . «Nous avons distribué quelque 200 flyers de notre programme électoral et 150 autres de nos candidats», comptabilise un des jeunes. «Mais grâce à nos amis imprimeurs, nous n’avons rien payé. Ils nous ont été offerts grâce à Dieu», précise Mohamed. La petite délégation poursuit son chemin et profite de la sortie de l’école pour discuter avec des lycéens remontés contre la surcharge des programmes scolaires. Là encore, Mohamed promet de militer pour l’allégement des programmes, notamment pour les classes d’examen. Une cinquantaine de flyers plus tard, pause-café. Mohamed passe encore à la caisse : trois cafés, trois crèmes, deux millefeuilles, trois croissants et trois limonades. Total : 305 DA. Un militant doit téléphoner pour informer son camarade de leurs activités afin qu’il les publie sur facebook en temps réel. Mohamed lui charge son téléphone, 200 DA. Dans le centre-ville, quelque 300 autres flyers sont distribués. Coût total de cette journée (hors écharpes, tee-shirts et casquettes) : 2 175 DA.

    Oui et non. Mustapha hésite entre nous livrer le coût réel de sa campagne ou nous en cacher une bonne partie. «Je suis transparent, mais il y a des choses que je ne peux pas vous dire…», annonce d’emblée ce candidat à la députation. Au regard des autres partis, sa campagne se fait presque dans le luxe. Entouré par des militants du FLN, il a loué trois clandestins (voitures) «à raison de 2000 DA l’après-midi, mais ils nous ont habitués à mieux que cela, révèle l’un d’eux en faisant allusion aux dépenses des candidats FLN lors des précédents scrutins. Avant, j’étais payé 4000 DA ! Cette année, les affaires marchent plutôt mal…» Mustapha, en chef de file du cortège, guide de sa voiture de service ses accompagnateurs à l’aide de son téléphone. «C’est le téléphone de son travail, payé par l’Etat», reconnaît un des accompagnateurs. Au cours de sa tournée dans les cafés du chef-lieu où il fait campagne, accompagné par un député sortant et deux autres candidats, il se montre confiant. «Nous allons remporter ces élections ! La population croit toujours au FLN !» Pour convaincre, il n’hésite pas à payer une tournée dans un café, loin de nos regards.

    «Il m’a donné 500 DA !», avoue, heureux, le propriétaire du café. Après un tour de passe-passe et quelques échanges courtois, mais brefs avec les citoyens, le candidat se presse pour rejoindre sa table dans un restaurant de la ville. «J’ai rendez-vous avec des industriels et des commerçants de la ville, argumente-t-il. Nous allons débattre des problèmes économiques et du programme de notre part.» Les jeunes accompagnateurs, eux, se contenteront d’un fast-food. «On vous invite à manger !», nous lance le candidat. Huit sandwichs chawarma à 140 DA, huit limonades et 4 tranches de pizza. Coût du repas : 1420 DA. Au restaurant, il aurait payé quelque 12 000 DA. Le caissier insiste : «Votre repas vous a été offert par Mustapha.» Hormis le coût du téléphone, non chiffrable, des flyers et des bons d’essence fournis par la kasma du FLN, la journée est revenue à 21 220 DA.

    A bord de sa voiture personnelle, Naïma sillonne les quartiers d’Alger à la recherche de voix, accompagnée de deux militantes de son parti, le FFS, et quatre jeunes militants. «Vous savez, il est difficile de mener campagne quand on est une femme, les jeunes sont devenus violents, chose que je comprends, par ailleurs. Ils nous prennent pour des officiels, nous confondent avec ‘les autres’», confie la candidate. Naïma avoue ne pas avoir un budget précis pour sa campagne. «Je milite dans le parti depuis très longtemps et au FFS, on ne parle jamais argent. Nous faisons avec les moyens du bord», explique-t-elle. Alors, de temps à autre, Naïma tape dans son propre portefeuille. A la rencontre des femmes qui l’interpellent davantage sur la participation du FFS, elle les sensibilise pour aller voter.

    Naïma tente de les convaincre de la sincérité de la démarche du FFS et accentue son discours sur l’épanouissement de la femme et de la menace des islamistes, en concluant par le serment des candidats FFS à défendre au mieux les Algériennes et les Algériens à l’APN. Ce jour-là, les militants du FFS ont distribué quelque 300 flyers et quelque 30 autocollants à l’effigie de Hocine Aït Ahmed «pour les plus sympathiques des citoyens, explique un des jeunes, car ça coûte un peu cher». Information prise auprès d’un imprimeur, le coût d’un autocollant serait de 2 DA. Pour l’instant, Naïma en a dépensé 360 DA pour. Elle poursuit sa visite de proximité, harcelée par des passants turbulents et d’autres curieux. Parfois des jeunes l’interpellent violemment. Déterminée, elle entre dans les cafés «pour hommes».

    Les jeunes veulent prendre leur goûter. Naïma glisse, loin de regards, un billet de 200 DA dans la poche de l’un des militants. Elle en profite pour passer quelques coups de fil. «Le téléphone me coûte assez cher, environ 400 DA par jour et parfois mes camarades utilisent mon téléphone», reconnaît-elle. En dehors du coût de l’essence, cet après-midi de campagne a coûté à Naïma environ 960 DA.Sid Ali, le candidat du Front national pour la justice sociale (FNJS), nouvellement agréé, précise que s’il est candidat pour la députation «ce n’est pas pour la rémunération mensuelle du député (estimée à 300 000 DA, ndlr)». «Je ne cours pas derrière l’argent, j’ai une bonne situation, je ne manque de rien, sauf d’une chose : le bien de mon pays qui traverse une période difficile.» Ses mots préférés : «Les jeunes», «l’argent sale», «la hogra» et «la corruption» dont il tente de faire un programme. Pour convaincre les jeunes du bien-fondé de sa détermination et de son engagement, il ne lésine pas sur les moyens. Les siens.

    «Oui, je loue des voitures et c’est tout à fait normal, nous sommes un nouveau parti politique, nous tentons de construire une bonne assise dans la société, nous visons potentiellement les jeunes», nous explique-t-il. Pour cela, il n’hésite pas à payer des cafés, des casse-croûtes et des cigarettes à ces jeunes «dépourvus de tout». «Si je peux aider, pourquoi pas ? Il faut avoir les moyens de sa politique !», avoue-t-il, tout fier. Autour d’une table, sur une terrasse, Sid Ali improvise un meeting. Un des jeunes qui assistait au happening demande gentiment au candidat s’il est possible de prendre un café. Sourire oblige, Sid Ali accepte. D’autres jeunes profitent pour en passer commande à leur tour. «Je n’achète pas les voix, mais quand vous faites dans les relations publiques, vous êtes parfois obligés de payer... Notre objectif au FNJS est d’attirer le maximum de militants. Des jeunes viennent me voir en aparté et me parlent de leurs problèmes, je les invite à dîner dans un restaurant chaâbi, car moi-même je suis du peuple et proche de lui. Nous militons pour une justice sociale, alors je partage avec eux !» Pour cette sortie de proximité, Sid Ali estime avoir dépensé 2000 DA. En moyenne, ses frais tournent entre 3000 et 5000 DA par jour.



    *Les noms de nos interlocuteurs ont été changés.

    Zouheir Aït Mouhoub
    el watan
    There's nothing wrong with being shallow as long as you're insightful about it.

  • #2
    Une caricature du journal EL Khabar :

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