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Au Pays basque, on a voté Le Pen et on a honte

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  • Au Pays basque, on a voté Le Pen et on a honte

    Nolwenn Le Blevennec | Journaliste


    Ici, ni insécurité, ni immigration. A première vue, la France-qui-ne-souffre-pas. Le Pen y a obtenu jusqu’à un quart des voix, mais les habitants ne veulent pas en parler.


    À Ainhoa, en avril 2012 (Audrey Cerdan/Rue89)

    Les Basques de la campagne vivent dans des grosses maisons aux volets rouges de trois étages. Quand ils regardent loin, ils voient des collines vert pomme, et parfois un cheval musclé qui s’étire gracieusement. « On n’est pas des malheureux », disent-ils.

    A Ainhoa, classé parmi les plus beaux villages de France, à 30 km de Biarritz, les habitants se connaissent tous : trois grandes familles peuplent en partie la ville. Les rues sont propres, on peut s’asseoir par terre. Les jeunes trouvent du boulot, dit-on. Seule nuisance : les milliers de voitures en direction de l’Espagne, son essence et ses cigarettes à cinq minutes de là.

    Bosser dans le vide ou pour les autres

    Un peu plus loin, dans les terres, le village d’Etcharry. Un lieu beaucoup moins touristique qu’Ainhoa, plus paisible, où résident des retraités, des employés, et encore quelques agriculteurs.

    Dans ces communes très calmes, l’une périurbaine et l’autre rurale, le vote FN a explosé. Les habitants ont l’impression de bosser dans le vide ou pour les autres (assistés, immigrés). Et Nicolas Sarkozy n’a rien fait pour eux.


    À Etcharry, en avril 2012 (Audrey Cerdan/Rue89)

    Au Pays basque, les habitants veulent bien parler de François Bayrou et de sa chute le 22 avril dernier, autant qu’on veut. L’homme du pays a été lâché comme une vieille chaussure crevée. Normal, disent-ils, il fait de la politique « par intermittence » et son discours « a manqué de violence » en période de crise. Ils peuvent aussi expliquer la poussée de la gauche dans la région.

    Le sujet FN est lui beaucoup moins bien accueilli. C’est honteux d’avoir voté pour Marine Le Pen, dans une région imprégnée de catholicisme, de nationalisme, qui a accueilli les Basques du sud lors de la guerre civile espagnole. Où la structure familiale, très forte, a longtemps été perçue comme un antidote au vote FN.

    Les Basques disent seulement, pour clore le sujet : soit le FN est autorisé et on laisse tranquilles les gens qui ont voté pour lui. Soit on interdit le parti une fois pour toutes.


    Affiches électorales à Ainhoa (Audrey Cerdan/Rue89)

    A Etcharry, où Marine Le Pen est arrivée en tête avec plus de 24% des voix, France Bleu Pays basque a voulu faire un reportage. Le journaliste a été confronté au silence des habitants, nous prévient le maire.

    Le soir du premier tour, les habitants ont bu un verre pendant le dépouillement. Tous ceux qui ont voté Le Pen pensaient qu’il n’y aurait peut-être que leur propre voix. Ils ont été surpris de voir que non. Ils ont scruté les visages pour reconnaître leurs alliés politiques, mais ils n’ont pas réussi. Selon une habitante, tous les villageois ont pris un air étonné de circonstance et tous disaient :

    « Bah quand même, vous avez vu le vote FN, c’est dingue. »

    A Ainhoa, le lendemain du premier tour, des journalistes de France 3 sont passés (Marine Le Pen a atteint 18% des voix, soit dix points de plus qu’en 2007). Les habitants sont fiers de dire qu’ils « sont repartis bredouilles ». René, jardinier de 52 ans dont le prénom a été changé, lance :

    « Celui qui vous dira qu’il a voté FN est un bargeot. Ce sera un pur et dur. Vous n’en trouverez pas ici. »

    « Nous, on paye. Eux, ils se soignent »

    Puis agacé, René veut défendre son village et expliquer pourquoi certains ont (légitimement) voté FN. « Attention, ce n’est pas ce que je pense moi, c’est ce que j’entends », répète-t-il tout le temps. Mais, quand on lui demande de critiquer le programme du FN, un grand vide, il ne trouve pas grand-chose à dire.

    C’est le premier à nous parler d’un fort sentiment d’injustice, de l’impression quotidienne de se faire rouler.

    Pour lui, la vie d’adulte, exigeante, a commencé tôt. Il travaille depuis qu’il a 14 ans. Depuis trente ans, il est employé à Ainhoa.


    À l’entrée du village d’Ainhoa (Audrey Cerdan/Rue89)

    Son salaire plafonne à 1 100 euros par mois. Il aurait pu gagner davantage dans une ville plus importante, mais il assume ce « choix de vie ». Sa femme infirmière, qui a eu de graves problèmes de santé, se lève tous les matins pour aller bosser. Ils remboursent, tous les deux, un emprunt pour leur maison (600 euros par mois). « Je partirai peut-être avant d’avoir fini de payer. »

    René s’en sort parce qu’il fait « des choses à côté ». Il aide son frère à la ferme en échange de nourriture.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Percée de Marine Le Pen au Pays basque
    En Pyrénées-Atlantiques, Marine Le Pen a réalisé une percée. Elle a fait mieux que son père, avec 12,1% des voix, quand Jean-Marie Le Pen avait fait 6% en 2007 et atteint les 10% en 2002. Le démographe Hervé Le Bras décrit, dans Le Monde, le vote FN au sud et à l’ouest de la France.

    Le périurbain est tenté de soutenir le FN, mais ce soutien reste à un niveau inférieur à la moyenne nationale. Ce sont dans les marges « hypo-urbaines » (rurales) qui constituent les forces de l’extrême droite. Au nord et à l’est, le périurbain choisit plus franchement Marine Le Pen.

    Tout cela explique sa rancœur contre « les assistés ».

    « Je connais une fille qui trime comme moi et qui n’a plus un rond le 20 du mois. Ses voisins ne foutent rien et vivent mieux qu’elle. Ce sont des Français, blancs, des pique-assiettes. Nous on paye, on paye. Et eux, ils sont au RSA et ils ont tous leurs soins médicaux remboursés. »

    Alors, il faudrait ne plus les soigner ? René répond à côté. Il explique qu’à partir de deux refus d’emploi, toutes les aides devraient être supprimées.

    « Sarkozy avait dit qu’il aiderait les travailleurs debout à 5 heures du matin. Il ne l’a pas fait. Au contraire, il a triplé son salaire en arrivant au pouvoir [son salaire a augmenté de près de 170%, ndlr]. »

    Ce qui l’agace aussi : les hordes de flics qui assurent la sécurité des hommes politiques, alors que personne ne veut les tuer.

    Près de la boulangerie, Nicole, Bordelaise de 52 ans, nous confie que son fils chauffeur routier a voté FN (comme elle). Les immigrés sont cette fois les premiers visés. Son fils, « qui a des amis martiniquais », en a marre des étrangers « qui vivent aux dépens de la société ». « On leur donne tout », dit-elle.

    « Mon fils est très dur, quand il parle de ça. Beaucoup plus que moi. »


    À Ainhoa (Audrey Cerdan/Rue89)

    Etcharry est un village rural perdu à la frontière avec le Béarn. Le maire, Jean-Pierre Charo, petit homme méfiant :

    « J’ai du travail. Je suis fâché que des journalistes viennent ici ou que des gens du coin nous critiquent. Je me demande de quel côté est le racisme. »

    « Ce n’est pas un vote raciste, aucune raison »

    Puis, il décrit le même sentiment d’injustice que René. Selon lui, les habitants n’arrivent plus à « joindre les deux bouts ».

    « Ils ne sont pas en train de crever, mais la vie est plus dure. D’habitude, ils sont quatre ou cinq à voter FN, par idéologie. Là, c’est passé à 21 d’un coup. Ce n’est pas un vote raciste, aucune raison ici. C’est un vote contestataire. Les gens se sont lâchés.

    Ils auraient pu voter Mélenchon, mais vous les médias, vous ne l’auriez pas pris aussi mal. »


    À Etcharry (Audrey Cerdan/Rue89)

    Le familles « qui gagnent le smic », ont de plus en plus de mal à payer la cantine. Elles n’en peuvent plus des outrances d’en haut et des aides en bas. Elles ont l’impression d’être les seules à payer.

    C’est vrai, dans le village, plusieurs familles interrogées pestent contre les « cas sociaux » ou les « marginaux ». Selon elles, Saint-Palais, le « chef lieu du canton », est envahi par des chômeurs qui s’installent dans des logements sociaux (ils fuient les villes côtières, trop chères). Les gens du coin les regardent avec dégoût. « Ils traînent dans les bars », disent-ils. Le vote FN les soulage.

    La « petite copine allemande » de Sarkozy

    Jean et Anna habitent dans le centre d’Etcharry. Ils font partie de ceux qui en ont ras-le-bol. Il sont mariés depuis toujours, mais ils se regardent encore gentiment et ne se contredisent jamais.


    Jean et Anna, devant leur maison à Etcharry (Audrey Cerdan/Rue89)

    Jean a travaillé 42 ans comme routier en Seine-et-Marne. Sa femme a bossé en usine (parfums Guerlain), moins longtemps. Il perçoit 900 euros de retraite, elle 300 euros. Ils ont fait un emprunt sur dix ans pour acheter leur maison basque. Ce qui leur coûte 700 euros par mois.

    Jean et Anna évoquent une jeunesse insouciante. « Avec 5 francs, je tenais trois jours dans une fête foraine », dit Jean. A l’époque, ils pouvaient espérer une retraite sympa. Ce qu’ils vivent est décevant. Ils n’ont même pas de quoi aller passer une nuit à Bordeaux (payer le carburant et l’hôtel).

    « Ce n’est pas la peine de faire entrer des immigrés si on ne peut pas les nourrir. Il n’y a rien ici, que de la misère qui s’installe. Marine Le Pen veut s’occuper des Français. Elle est pour les gens comme nous. »

    Sarkozy ne s’est occupé que de « sa petite copine allemande » [Merkel, ndlr], dit Jean en mari jaloux. Après Le Pen au premier tour, Jean et Anna voteront Hollande au second. « Nous, on veut le changement », répète en boucle Anna, en regardant l’horizon.

    « L’agriculture, c’est la merde »

    A Etcharry, le malaise est plus grand qu’à Ainhoa. Car en zone rurale, il reste quelques agriculteurs et les agriculteurs saturent particulièrement. Le maire d’Etcharry s’occupe avec son frère d’une exploitation (on dirait des jumeaux). Ils ont des vaches blondes et font pousser du maïs. Jean-Pierre Charo :

    « Dans les années 80 et 90, cela donnait envie de travailler. Maintenant, on se demande où passent les marges. On sait combien on vend au départ, et on ne comprend pas la suite. On est aussi consommateurs.

    Et puis, en vieillissant, la passion diminue et on encaisse plus mal, quand deux veaux sont morts. Le suicide est très courant dans le milieu. »

    Il a encore de l’espoir, il évoque sa petite-fille, le vert mouillé des collines et « les belles forêts de chênes ».


    La main de François, devant sa maison à Etcharry (Audrey Cerdan/Rue89)

    Son voisin, François, 62 ans, a un air de Depardieu (les yeux ou la bouche) et des mains d’ours. François complète sa petite retraite de salarié avec les revenus de son exploitation. Les normes européennes l’étouffent. D’ici 2018, il va falloir réduire les phytosanitaires de moitié, par exemple.

    « On a été trop loin, mais ce n’est pas notre faute, personne ne nous a rien donné. On ne veut pas des primes européennes, on veut vendre des produits à leur juste valeur, c’est tout. C’était mieux avant la PAC. L’agriculture, c’est la merde. »

    Il dit ne pas avoir voté FN, mais il pense à peu près tout comme Marine Le Pen.

    Vivre l’insécurité par procuration

    Puis François parle d’insécurité, sujet qu’il maîtrise moins. Il dit, sûr de lui, que dans les grandes villes, les gens n’osent plus sortir de chez eux. Plus tôt, dans la journée, Patrick, un projectionniste de 53 ans qui connaît bien Etcharry, nous avait justement dit :

    « Ici, les gens vivent beaucoup à travers la petite lucarne. Ils vivent l’insécurité par procuration. Ils s’imaginent des choses et se montent la tête. »

    Cécile, une « Basque basquisante » du centre du village, sorte de doyenne qu’on nous conseille d’aller voir, parle aussi de la grande responsabilité des médias.

    Sa fille Maïté et elle aimeraient voir de plus de « belles choses » dans les journaux. Dans la vieille maison, l’horloge basque de Cécile tape les heures très fort. Devant un gâteau au riz, la propriétaire dit :

    « Quant j’ai vu les résultats le soir du premier tour, j’ai eu honte. Mais je suis sûre que c’est un vote d’inconscience. »

    Pour qu’elle ait raison et que le FN retombe à Etcharry, il faudrait que François Hollande ne déçoive pas Jean et Anna.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

    Commentaire


    • #3
      Au pays basque...

      Les gens sont trop identitaires d'ou ce paradoxe du vote lepen.En bearn,non!Les gens sont conservateurs mais tolerants.Le bearnais est courtois de nature.Adichatz!

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