La campagne électorale pour les législatives a été cruelle. Pour l’état des technologies de l’information et de la communication, les TIC, en Algérie. Une majorité de partis politiques sans sites web. Une infime minorité en mode page facebook. Une communication numérique en berne pour les listes par wilaya. Un système de partage de l’information primaire basé sur l’affiche. Au mieux recourant au SMS. L’Algérie des jeunes et celle des politiques ne se rencontrent pas.
Les premiers arrivent timidement sur les nouveaux médias. Les seconds vivent toujours à l’heure de l’ENTV de Chadli Bendjedid. Le paysage est tragique. Une caricature d’archaïsme dans un monde où l’économie digitale a doublé de poids, en seulement une année, entre 2010 et 2011. La valeur économique d’internet est en effet passée de 2300 milliards de dollars en 2010 à 4200 milliards un an plus tard, selon une étude du Boston Consulting Group.
Se tenir à l’écart de cette tectonique mondiale de la valeur ajoutée par le Net n’est nulle part perçue comme mortel dans le discours électoral local. Le village se ferme au monde. Il y a dix ans, l’Algérie ouvrait sa téléphonie mobile à la concurrence pour combler un retard de six-sept ans sur les pays similaires. Processus gelé à l’étage du transport de la voix. Le tournant manqué du web-économie en Algérie est d’abord une affaire de tuyaux, ensuite de management des tuyaux, enfin de code de la route sur l’autoroute numérique.
Handicap de départ, un taux de pénétration d’internet toujours inférieur à 20% en Algérie en 2012, à comparer aux 38% du Maroc. Comme les grandes industries de contenus que sont la télévision et la radio, la connectivité des Algériens est restée en définitive un grand monopole économique de l’Etat. Avec Algérie Télécom. Les deux principales expériences qui ont allégé l’opérateur historique de son fardeau, Lacom entre 2005 et 2007, et EPAAD jusqu’en 2009, ont capoté. Une licence téléphonique du fixe et un opérateur ADSL perdus. Sans rémission. Incidence plus grave que le scandale Khalifa. Car c’est toute la compétitivité de l’économie algérienne par l’apport du web qui s’en est trouvée retardée. Faute de remèdes au grand homme malade de la décennie, Algérie Télécom. Des licences WIMAX pour des niches d’entreprises ont bien été accordées. Tout comme des clés EDGE des opérateurs de téléphonie mobile apportent un appoint d’accès. Le désert numérique est pourtant là.
Que les officiels feignent ne pas regarder. Le nouveau DG de l’opérateur historique a tiré d’entrée le signal d’alarme. AT n’est pas financièrement viable. Avec près de 30 000 salariés et un portefeuille de produits et de services inélastique, les comptes tombent dans le rouge. Et les missions programmées sont menacées. Le MSAN, solution miracle pour le très haut débit, est en retard d’un an dans son programme de déploiement. Le ministre de «tutelle» aussi a admis qu’AT ne pouvait plus demeurer l’acteur unique qui tient entre ses mains le sort numérique du pays. Mais les partenariats public-privé souhaités n’arrivent pas à se mettre en place. Gouvernance ligotée. Si le monopole politique sur la Télévision nationale reste le dernier marqueur archéologique de la vision présidentielle datée de la «guerre froide», celui sur Algérie Télécom est la carotte glaciaire de l’approche sécuritaire des télécommunications.
Ministère des NTIC, ARPT, Algérie Télécom : rien ne bouge sans le feu vert du ministère de la Défense. Le préjudice en valeur-travail, c’est-à-dire en emplois avortés, est le plus grand scandale politique de la conjoncture. Absent d’une campagne électorale, elle-même, à la lisière de l’ère numérique. Algérie Télécom a connu un grand trou d’air avec l’arrivée de Djezzy et la démocratisation de l’accès au mobile en 2003-2005. Le monopole restauré sur le fixe, et donc sur le haut débit internet, aurait dû donner de l’air au seul opérateur historique du monde arabe qui n’est pas resté leader de son marché après l’ouverture de la téléphonie à la concurrence. Au lieu de cela, une crise sans fin.
Officiellement, le lancement de la 3G en Algérie est retardé à cause de l’incertitude sur le sort de Djezzy. Officieusement, la succession des délais supplémentaires, ordonnés par une tutelle grise sur la tutelle visible, veut donner un répit à Algérie Télécom. Une opération 3G réussie, avec des tarifs accessibles, peut conduire à ce qui s’est produit au Maroc. L’internet mobile supplante l’Internet lié au fixe. Algérie Télécom perdrait son dernier gisement d’affaires, alors même que le réseau physique – backbone - est toujours de sa seule responsabilité. Dans la campagne électorale qui vient de s’achever, les slogans pour émanciper l’économie de la pression des groupes d’intérêts ont fleuri.
Le groupe d’intérêt le plus dévastateur en 2012 est celui qui maintient Algérie Télécom à l’état végétatif, incapable de payer son personnel pléthorique, d’offrir un service de base aux standards, et plus insensé que tout, incapable d’assumer la mission de rattrapage du gap numérique algérien qu’elle a elle- même créé. Ce groupe d’intérêt n’est pas privé au sens traditionnel. Il l’est par son appropriation privative de l’Etat. Il sera toujours là au-delà du 10 mai.
El watan
Les premiers arrivent timidement sur les nouveaux médias. Les seconds vivent toujours à l’heure de l’ENTV de Chadli Bendjedid. Le paysage est tragique. Une caricature d’archaïsme dans un monde où l’économie digitale a doublé de poids, en seulement une année, entre 2010 et 2011. La valeur économique d’internet est en effet passée de 2300 milliards de dollars en 2010 à 4200 milliards un an plus tard, selon une étude du Boston Consulting Group.
Se tenir à l’écart de cette tectonique mondiale de la valeur ajoutée par le Net n’est nulle part perçue comme mortel dans le discours électoral local. Le village se ferme au monde. Il y a dix ans, l’Algérie ouvrait sa téléphonie mobile à la concurrence pour combler un retard de six-sept ans sur les pays similaires. Processus gelé à l’étage du transport de la voix. Le tournant manqué du web-économie en Algérie est d’abord une affaire de tuyaux, ensuite de management des tuyaux, enfin de code de la route sur l’autoroute numérique.
Handicap de départ, un taux de pénétration d’internet toujours inférieur à 20% en Algérie en 2012, à comparer aux 38% du Maroc. Comme les grandes industries de contenus que sont la télévision et la radio, la connectivité des Algériens est restée en définitive un grand monopole économique de l’Etat. Avec Algérie Télécom. Les deux principales expériences qui ont allégé l’opérateur historique de son fardeau, Lacom entre 2005 et 2007, et EPAAD jusqu’en 2009, ont capoté. Une licence téléphonique du fixe et un opérateur ADSL perdus. Sans rémission. Incidence plus grave que le scandale Khalifa. Car c’est toute la compétitivité de l’économie algérienne par l’apport du web qui s’en est trouvée retardée. Faute de remèdes au grand homme malade de la décennie, Algérie Télécom. Des licences WIMAX pour des niches d’entreprises ont bien été accordées. Tout comme des clés EDGE des opérateurs de téléphonie mobile apportent un appoint d’accès. Le désert numérique est pourtant là.
Que les officiels feignent ne pas regarder. Le nouveau DG de l’opérateur historique a tiré d’entrée le signal d’alarme. AT n’est pas financièrement viable. Avec près de 30 000 salariés et un portefeuille de produits et de services inélastique, les comptes tombent dans le rouge. Et les missions programmées sont menacées. Le MSAN, solution miracle pour le très haut débit, est en retard d’un an dans son programme de déploiement. Le ministre de «tutelle» aussi a admis qu’AT ne pouvait plus demeurer l’acteur unique qui tient entre ses mains le sort numérique du pays. Mais les partenariats public-privé souhaités n’arrivent pas à se mettre en place. Gouvernance ligotée. Si le monopole politique sur la Télévision nationale reste le dernier marqueur archéologique de la vision présidentielle datée de la «guerre froide», celui sur Algérie Télécom est la carotte glaciaire de l’approche sécuritaire des télécommunications.
Ministère des NTIC, ARPT, Algérie Télécom : rien ne bouge sans le feu vert du ministère de la Défense. Le préjudice en valeur-travail, c’est-à-dire en emplois avortés, est le plus grand scandale politique de la conjoncture. Absent d’une campagne électorale, elle-même, à la lisière de l’ère numérique. Algérie Télécom a connu un grand trou d’air avec l’arrivée de Djezzy et la démocratisation de l’accès au mobile en 2003-2005. Le monopole restauré sur le fixe, et donc sur le haut débit internet, aurait dû donner de l’air au seul opérateur historique du monde arabe qui n’est pas resté leader de son marché après l’ouverture de la téléphonie à la concurrence. Au lieu de cela, une crise sans fin.
Officiellement, le lancement de la 3G en Algérie est retardé à cause de l’incertitude sur le sort de Djezzy. Officieusement, la succession des délais supplémentaires, ordonnés par une tutelle grise sur la tutelle visible, veut donner un répit à Algérie Télécom. Une opération 3G réussie, avec des tarifs accessibles, peut conduire à ce qui s’est produit au Maroc. L’internet mobile supplante l’Internet lié au fixe. Algérie Télécom perdrait son dernier gisement d’affaires, alors même que le réseau physique – backbone - est toujours de sa seule responsabilité. Dans la campagne électorale qui vient de s’achever, les slogans pour émanciper l’économie de la pression des groupes d’intérêts ont fleuri.
Le groupe d’intérêt le plus dévastateur en 2012 est celui qui maintient Algérie Télécom à l’état végétatif, incapable de payer son personnel pléthorique, d’offrir un service de base aux standards, et plus insensé que tout, incapable d’assumer la mission de rattrapage du gap numérique algérien qu’elle a elle- même créé. Ce groupe d’intérêt n’est pas privé au sens traditionnel. Il l’est par son appropriation privative de l’Etat. Il sera toujours là au-delà du 10 mai.
El watan
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