Les péripéties vécues par les Algériens lors de la Coupe du monde 2006 ont fait découvrir un des aspects de la face cachée de la stratégie du propriétaire du bouquet ART.
La fête du foot mondial en a été le révélateur, car les objectifs visés vont au-delà de cette manifestation. Ils s’inscrivent dans la durée pour la conquête de marchés en termes d’audience, pour d’énormes recettes publicitaires et aussi pour ancrer dans les esprits des décideurs et des citoyens arabes des marques, des banques, des entreprises et des services des pays du Moyen-Orient et du Golfe. Le foot en a été une tête de pont dans une stratégie globale, très cohérente et scientifiquement élaborée.
On a presque oublié que l’abonnement au bouquet ART a été proposé aux Algériens bien avant la Coupe du monde. Le résultat premier, incroyable et impensable dans aucun pays, a été qu’un secteur public (la poste), dans un pays souverain, s’est mis à vendre un service pour le compte d’une entreprise privée étrangère ! Tous les ultra-libéraux du monde l’ont rêvé, M. Salah l’a réussi.
Au mépris des grands principes internationaux, s’agissant d’une manifestation a portée mondiale, le bouquet ART s’est arrogé un monopole sur le monde arabe, avec assurément des complicités et une forte dose de méconnaissances. Dans le lot, la FIFA et des responsables arabes ont leur part de responsabilités indiscutables, car des événements mondiaux se négocient au moins deux ans à l’avance, à partir de concertations, de pressions et de ripostes éventuelles. Contre un monopole illégal, on aurait pu interdire l’entrée d’ART en Algérie. Mais il y a l’OMC, le libre-échange et... la fureur des téléspectateurs. Les propriétaires du bouquet ART savent tout cela et ont agi en conséquence. Toute l’Algérie a donné une prime au racket et à une forme de commerce illicite. Des leçons seront tirées sans doute pour les prochaines Coupes du monde dont les droits sont déjà achetés par M. Salah, qui n’est cheikh en rien du tout, à part des affaires juteuses, y compris en Algérie.
Au-delà de la Coupe du monde, ART et un bouquet de qualité comme El-Djazira qui taille des croupières chaque jour aux chaînes d’information européennes et américaines, révèlent le sous-développement et la fermeture hors du temps des chaînes publiques dans tout le Maghreb, comparées à celles des pays du Golfe qui n’ont rien à envier à l’Europe et aux USA. Ces pays ont compris tôt la séduction que propage la TV, l’importance des retombées financières, l’ancrage d’une langue, de moeurs, de modes vestimentaires qui syncrétisent le voile et les robes de grands couturiers. Ces chaînes servent mieux que tous les gouvernements le tourisme de leur pays, leurs banques et leurs entreprises à travers des plages publicitaires d’une très grande qualité, grâce à une maîtrise de son et d’image au top niveau. C’est là des axes d’une grande importance étudiés par les patrons du bouquet ART qui est en passe de conquérir l’Algérie, au détriment d’abord des chaînes francophones.
Celles-ci, à travers les bouquets (Canal Sat et TPS), n’ont pas encore saisi à sa juste valeur (culturelle, économique, linguistique, politique) le marché maghrébin et par extension celui de la francophonie. La logique du côté algérien, pour éviter les monopoles dans tous les domaines, aurait été d’ouvrir de larges négociations avec tous les bouquets (arabophones et francophones) pour aller vers la normalité universelle. Des terminaux et des abonnements seraient vendus en Algérie, laissant jouer le libre arbitre des téléspectateurs et le marché. Du côté des bouquets francophones et arabophones, la tendance première a été de laisser les Algériens pirater, se servir de démodulateurs importés de mille et une façon. Voulue ou non, cette tendance a permis d’ancrer une foule de chaînes satellitaires. Socialisées et choisies par un acte volontaire (financier, linguistique et culture), ces fenêtres qui satisfont de nombreuses demandes, tous les âges et les sexes, se sont transformées indiscutablement en de véritables chaînes nationales. Elles le sont parce qu’elles couvrent un territoire sur lequel des consommateurs engagent des dépenses en plus de la redevance payée pour voir l’ENTV. Une redevance inégalitaire, forfaitaire intégrée dans la facture SONELGAZ, qui met sur un même pied d’égalité le riche et le pauvre, celui qui a petit téléviseur en noir en blanc et celui qui a un home cinéma dans chaque pièce.
La deuxième tendance, une fois que les chaînes étrangères sont devenues nationales, a été articulée sur le cryptage de Canal Plus et, depuis la Coupe du monde, de TPS. L’erreur des bouquets français a permis l’entrée en force, par le racket, du bouquet ART qui a de l’avenir en Algérie devant la démission des gouvernants, l’incompétence et l’indifférence du Parlement face aux problèmes de l’audiovisuel, du cinéma et de l’insertion inévitable d’un puissant secteur privé dans ces domaines. Ce qui n’exclut pas l’émergence d’un grand groupe public avec des chaînes autonomes, différenciées et exerçant un véritable magister de service public, s’éloignant du rôle gouvernemental, sans attrait, sans impact social et politique, fédérateur par la libre expression de toutes les représentativités nationales.
Le dynamisme de nombreuses chaînes arabes n’est pas un accident, mais bel et bien la conséquence de facteurs habilement conjugués. Le premier a été de combiner pour fédérer des publics arabes, des journalistes et des animateurs issus de plusieurs nationalités. On a pris les meilleurs de l’ENTV, de la Tunisie, du Liban, de l’Egypte, etc. Le deuxième facteur stratégique en politique a été l’extra-territorialité des maisons mères et de certaines rédactions disséminées dans le monde. Le troisième facteur qui fidélise «les masses arabes» est la liberté de ton à l’égard des régimes arabes à part «l’Etat parrain». El-Djazira ignore la politique intérieure du Qatar et les autres oublient de critiquer l’Arabie Saoudite.
Après avoir été longtemps un pays pirate, le temps est venu de négocier des tarifs conformes au SMIC algérien pour que les citoyens puissent avoir les bouquets «officiels» qu’ils choisiront, avec le matériel adéquat et garanti. La récente et humiliante leçon donnée par le groupe ART, qui s’installe devant la mollesse et l’absence de capacités de négocier de toutes les parties algériennes concernées. Bien évidemment, si l’ENTV a des responsabilités parce qu’elle n’a pas anticipé au moment où les négociations se faisaient pour la Coupe du monde (au moins un ou deux ans à l’avance), il est trop facile de tout lui faire endosser. Il y a la TV, les pouvoirs publics, la diplomatie, le donnant-donnant, etc. M. Salah a fait et continue de faire de belles affaires en Algérie, mais la rapacité des «frères en religion» n’a pas de limite.
Grâce à ART, la preuve, faite depuis longtemps, crève aujourd’hui les yeux. A quoi ont servi l’URTNA et l’ASBU depuis qu’elles existent. Il n’y a pas un groupe qui aurait négocié au nom des Arabes et des Africains avec la FIFA émanant de ces deux bureaucraties. La première leçon visible à l’échelle du monde est qu’il ne faut compter que sur soi. Les grandes nations ont un audiovisuel national public/privé qui résiste à tous les monopoles, satisfait des demandes, fait fructifier la démocratie et assure, sous le contrôle d’instance indépendante, le sacro-saint service public au profit de tous.
Par Le Quotidien d'Oran
La fête du foot mondial en a été le révélateur, car les objectifs visés vont au-delà de cette manifestation. Ils s’inscrivent dans la durée pour la conquête de marchés en termes d’audience, pour d’énormes recettes publicitaires et aussi pour ancrer dans les esprits des décideurs et des citoyens arabes des marques, des banques, des entreprises et des services des pays du Moyen-Orient et du Golfe. Le foot en a été une tête de pont dans une stratégie globale, très cohérente et scientifiquement élaborée.
On a presque oublié que l’abonnement au bouquet ART a été proposé aux Algériens bien avant la Coupe du monde. Le résultat premier, incroyable et impensable dans aucun pays, a été qu’un secteur public (la poste), dans un pays souverain, s’est mis à vendre un service pour le compte d’une entreprise privée étrangère ! Tous les ultra-libéraux du monde l’ont rêvé, M. Salah l’a réussi.
Au mépris des grands principes internationaux, s’agissant d’une manifestation a portée mondiale, le bouquet ART s’est arrogé un monopole sur le monde arabe, avec assurément des complicités et une forte dose de méconnaissances. Dans le lot, la FIFA et des responsables arabes ont leur part de responsabilités indiscutables, car des événements mondiaux se négocient au moins deux ans à l’avance, à partir de concertations, de pressions et de ripostes éventuelles. Contre un monopole illégal, on aurait pu interdire l’entrée d’ART en Algérie. Mais il y a l’OMC, le libre-échange et... la fureur des téléspectateurs. Les propriétaires du bouquet ART savent tout cela et ont agi en conséquence. Toute l’Algérie a donné une prime au racket et à une forme de commerce illicite. Des leçons seront tirées sans doute pour les prochaines Coupes du monde dont les droits sont déjà achetés par M. Salah, qui n’est cheikh en rien du tout, à part des affaires juteuses, y compris en Algérie.
Au-delà de la Coupe du monde, ART et un bouquet de qualité comme El-Djazira qui taille des croupières chaque jour aux chaînes d’information européennes et américaines, révèlent le sous-développement et la fermeture hors du temps des chaînes publiques dans tout le Maghreb, comparées à celles des pays du Golfe qui n’ont rien à envier à l’Europe et aux USA. Ces pays ont compris tôt la séduction que propage la TV, l’importance des retombées financières, l’ancrage d’une langue, de moeurs, de modes vestimentaires qui syncrétisent le voile et les robes de grands couturiers. Ces chaînes servent mieux que tous les gouvernements le tourisme de leur pays, leurs banques et leurs entreprises à travers des plages publicitaires d’une très grande qualité, grâce à une maîtrise de son et d’image au top niveau. C’est là des axes d’une grande importance étudiés par les patrons du bouquet ART qui est en passe de conquérir l’Algérie, au détriment d’abord des chaînes francophones.
Celles-ci, à travers les bouquets (Canal Sat et TPS), n’ont pas encore saisi à sa juste valeur (culturelle, économique, linguistique, politique) le marché maghrébin et par extension celui de la francophonie. La logique du côté algérien, pour éviter les monopoles dans tous les domaines, aurait été d’ouvrir de larges négociations avec tous les bouquets (arabophones et francophones) pour aller vers la normalité universelle. Des terminaux et des abonnements seraient vendus en Algérie, laissant jouer le libre arbitre des téléspectateurs et le marché. Du côté des bouquets francophones et arabophones, la tendance première a été de laisser les Algériens pirater, se servir de démodulateurs importés de mille et une façon. Voulue ou non, cette tendance a permis d’ancrer une foule de chaînes satellitaires. Socialisées et choisies par un acte volontaire (financier, linguistique et culture), ces fenêtres qui satisfont de nombreuses demandes, tous les âges et les sexes, se sont transformées indiscutablement en de véritables chaînes nationales. Elles le sont parce qu’elles couvrent un territoire sur lequel des consommateurs engagent des dépenses en plus de la redevance payée pour voir l’ENTV. Une redevance inégalitaire, forfaitaire intégrée dans la facture SONELGAZ, qui met sur un même pied d’égalité le riche et le pauvre, celui qui a petit téléviseur en noir en blanc et celui qui a un home cinéma dans chaque pièce.
La deuxième tendance, une fois que les chaînes étrangères sont devenues nationales, a été articulée sur le cryptage de Canal Plus et, depuis la Coupe du monde, de TPS. L’erreur des bouquets français a permis l’entrée en force, par le racket, du bouquet ART qui a de l’avenir en Algérie devant la démission des gouvernants, l’incompétence et l’indifférence du Parlement face aux problèmes de l’audiovisuel, du cinéma et de l’insertion inévitable d’un puissant secteur privé dans ces domaines. Ce qui n’exclut pas l’émergence d’un grand groupe public avec des chaînes autonomes, différenciées et exerçant un véritable magister de service public, s’éloignant du rôle gouvernemental, sans attrait, sans impact social et politique, fédérateur par la libre expression de toutes les représentativités nationales.
Le dynamisme de nombreuses chaînes arabes n’est pas un accident, mais bel et bien la conséquence de facteurs habilement conjugués. Le premier a été de combiner pour fédérer des publics arabes, des journalistes et des animateurs issus de plusieurs nationalités. On a pris les meilleurs de l’ENTV, de la Tunisie, du Liban, de l’Egypte, etc. Le deuxième facteur stratégique en politique a été l’extra-territorialité des maisons mères et de certaines rédactions disséminées dans le monde. Le troisième facteur qui fidélise «les masses arabes» est la liberté de ton à l’égard des régimes arabes à part «l’Etat parrain». El-Djazira ignore la politique intérieure du Qatar et les autres oublient de critiquer l’Arabie Saoudite.
Après avoir été longtemps un pays pirate, le temps est venu de négocier des tarifs conformes au SMIC algérien pour que les citoyens puissent avoir les bouquets «officiels» qu’ils choisiront, avec le matériel adéquat et garanti. La récente et humiliante leçon donnée par le groupe ART, qui s’installe devant la mollesse et l’absence de capacités de négocier de toutes les parties algériennes concernées. Bien évidemment, si l’ENTV a des responsabilités parce qu’elle n’a pas anticipé au moment où les négociations se faisaient pour la Coupe du monde (au moins un ou deux ans à l’avance), il est trop facile de tout lui faire endosser. Il y a la TV, les pouvoirs publics, la diplomatie, le donnant-donnant, etc. M. Salah a fait et continue de faire de belles affaires en Algérie, mais la rapacité des «frères en religion» n’a pas de limite.
Grâce à ART, la preuve, faite depuis longtemps, crève aujourd’hui les yeux. A quoi ont servi l’URTNA et l’ASBU depuis qu’elles existent. Il n’y a pas un groupe qui aurait négocié au nom des Arabes et des Africains avec la FIFA émanant de ces deux bureaucraties. La première leçon visible à l’échelle du monde est qu’il ne faut compter que sur soi. Les grandes nations ont un audiovisuel national public/privé qui résiste à tous les monopoles, satisfait des demandes, fait fructifier la démocratie et assure, sous le contrôle d’instance indépendante, le sacro-saint service public au profit de tous.
Par Le Quotidien d'Oran
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