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Hymne pour Ahmedle flou

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    Hymne pour Ahmed le flou

    « …Pas d'issue Ahmed. Tu votes, c'est le FLN ; tu ne votes pas, c'est le FLN. C'est ton père malgré toi, ton avenir sans toi, l'urne ou la valise. Ton passé qui se passe de toi. Ton présent surtout. C'est vieux, mou, sans os, mais coriace, dur et teigneux et persistant comme une tâche. Tu veux le changer ? Il s'écrase puis, lentement, se recompose, ramasse ses pièces et ses boulons et ses pancartes, glisse derrière ton dos, ne dit rien un moment puis doucement commence à parler, s'excuser, élever la voix, crier puis hurler, menacer et, enfin de cycle, reprendre le pouvoir que tu lui a arraché en Octobre 88. A l'époque, tu avais 20 ans. Aujourd'hui tu en as moins. Je te dis qu'il n'y pas d'issue Ahmed. Pas de trou dans le ciel ni dans le temps. Rien, tu es là et tu tournes en rond. C'est son pays à lui le FLN. Il l'a repris aux colons et y a mis son nom, en lui collant son histoire et en l'obligeant à avoir ses enfants à lui. Tu crois Ahmed que tu peux te débarrasser du FLN en courant ? En votant ? En marchant sur l'eau ? En espérant ? Que non ! On ne peut pas tuer un mort et le FLN est un mort vivant qui est là, que les balles traversent et que les émeutes ne déstabilisent pas. C'est son pays, c'est ton problème.

    Ailleurs ? Impossible : même ailleurs, le FLN est là : on te voit à travers ce parti : on te voit vieux, rancunier, rusé, brun Aflou, mou, glissant, bavards et vieux vétéran qui se teint les cheveux. Tu as la nationalité FLN, pas la nationalité algérienne Ahmed, car le pays n'est pas encore venu au monde et tu es venu avant ton monde. Ahmed sans issue, Ahmed la défaite, a chanté Mahmoud, Darwich. Comme tu es seul mon ami, comme tu es seul ! T'a même pas participé à la guerre, ni connu la paix. 220 sièges, contre ton banc Ahmed. Dix ministres de 70 ans, contre toutes dents Ahmed. Il ne sert à rien de voter pour changer, ni de s'armer pour tuer, ni de travailler pour manger. Tout vient du ciel tout vient du passé, rien ne vient de tes mains. Le FLN l'a chanté à ton oreille pendant des semaines et tu n'as rien compris Ahmed : «Mazal Wakfine», nous sommes encore debout. Il ne s'agissait pas de toi ni du peuple. C'est la chanson disco des plus de 70 ans qui te disent qu'ils sont encore debout, sans prothèses ni béquilles et que tu dois rester assis. N'as-tu rien compris Ahmed ? N'as-tu pas vu venir ? C'est l'équation nationale : 75% de jeunes contre la règle 75 ans de vie politique. Qui gagne ? Le plus rusé pas le plus nombreux. Le FLN a tout dit et tout promis mais l'essentiel est là, sous les yeux : il ne lâchera jamais le pays qui est là lui selon lui. Il trouvera toujours une formule pour te faire attendre Ahmed. Il a 220 sièges et toi un banc. Il n'y a pas d'issue sauf mâcher en regardant, prendre au plus faible, partir, travailler durement pour s'anesthésier, prier pour espérer et arracher les arbres. Il n'y pas d'issue Ahmed car il n'y en a qu'une seule : faire ce qu'avait le FLN quand il était jeune et que tu n'étais qu'une étoile qui cherchait une allumette dans le noir du cosmos. En attendant, tu vieillis Ahmed, tu prends de l'âge et l'eau de la mer, tu tournes en rond et tu ne sais plus quoi faire d'autre que toi-même, tous les jours Ahmed. Ailleurs, les jeunes se sont vus voler leur printemps par des islamistes. Ici, chez toi, c'est pire : C'est le FLN qui le vole aux islamistes qui l'ont volé aux jeunes d'octobre. Voler un voleur n'est pas voler, dit justement le FLN pour expliquer sa légitimité. Mais voler une libération ? Tu n'es pas un idiot Ahmed, c'est seulement qu'il n'y a pas d'issue et tu ne sais par quoi commencer pour libérer un pays sans tuer ni te brûler. Tu ne sais pas quoi faire et personne ne te dis comment le faire. Il n'y pas de livres sur le courage, que des gémissements Ahmed. «Mazal Gâadine» chantent ceux qui ne peuvent pas partir. Ahmed, sois tu vieillis, sois tu pars. Tout est flou. Même à Aflou».



    par Kamel Daoud

    Le Quotidien d'Oran

    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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