En annonçant son intention de ne pas se représenter en 2014, le chef de l'État, Abdelaziz Bouteflika, a créé une situation inédite - un futur président sortant qui ne brigue pas de nouveau mandat. Il a aussi ouvert de facto la course à la succession.
Même si le Front de libération nationale (FLN) a largement remporté les législatives du 10 mai (221 sièges sur 462), son secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem, est conscient que ce succès ne lui sera jamais attribué. Pour les observateurs, étrangers ou nationaux, l'unique artisan de la victoire du FLN est Abdelaziz Bouteflika. Deux jours avant le scrutin, le président algérien était à Sétif pour y commémorer les massacres commis par l'armée coloniale française le 8 mai 1945. Appelant les électeurs à se déplacer massivement aux urnes et rappelant, au passage, son appartenance politique (il est président d'honneur du FLN), il a fait entendre un discours déterminant.
"Notre verger est mûr"
Feu Mouammar Kaddafi aura laissé à la postérité la formule zenga zenga (« rue par rue »). D'Abdelaziz Bouteflika, elle gardera sans doute cette métaphore citadine puisée dans le lyrisme andalou : tab J'nenna (« notre verger est mûr »). Dans la culture populaire, le verger représente la descendance. Et quand la descendance est mature, on lui cède la place.
Observateur averti du sérail, cofondateur de la Ligue algérienne des droits de l'homme, l'avocat Miloud Brahimi relève le côté inédit du propos. « Depuis 1962, le discours officiel utilise de manière récurrente le slogan "l'avenir appartient à la jeunesse", une manière de dire "votre présent, on s'en charge". Le discours de Sétif marque une rupture en appelant la jeunesse à s'approprier son présent. » Il y a tout de même loin de la coupe aux lèvres. Car on se souvient qu'en 2004 le même président Bouteflika avait décrété la fin de la légitimité historique au profit de la légitimité des urnes. Il s'était alors engagé à être celui qui transmettrait le flambeau à la nouvelle génération. Huit ans plus tard, le cheptel politique n'a guère été rajeuni. Pérorer sur les constantes nationales, disserter à la gloire de la guerre de libération valent mieux que tous les diplômes de la terre et assurent encore rente et privilèges. Il reste que l'annonce de la fin de la mission historique conduite par la génération de la guerre de l'indépendance met au coeur du débat politique l'après-Bouteflika et oriente les esprits sur l'échéance présidentielle, en 2014. Qui succédera au dernier représentant des indépendantistes
En cinquante ans d'indépendance, l'Algérie a connu six présidents de la République, ainsi qu'une structure collégiale, le Haut Comité d'État (HCE), qui a dirigé entre 1992 et 1994 la transition politique après la crise née du triomphe électoral des islamistes du Front islamique du salut (FIS). Le premier président, Ahmed Ben Bella, fut le produit d'un début de guerre civile. Le deuxième, Houari Boumédiène, celui d'un coup d'État militaire. Le troisième, Chadli Bendjedid, a arraché le bail d'El-Mouradia après un psychodrame au cours duquel l'armée a imposé son choix aux autres rouages du système en les dissociant de la prise de décision. Le quatrième, Mohamed Boudiaf, n'a jamais été élu et son mandat fut brutalement abrégé. Six mois après avoir été désigné chef de l'État, il est assassiné par un membre de sa garde, le 29 juin 1992, à Annaba. Cinquième de la série, Liamine Zéroual, obscur général à la retraite, est élu, en novembre 1995, dans des conditions apocalyptiques, au plus fort des années GIA, avec leur lot de têtes coupées et jetées dans les caniveaux, de voitures piégées explosant dans des espaces publics bondés et de massacres dans les villages isolés ou dans les quartiers périphériques des grandes villes. Moins de quatre ans après son élection, Zéroual, écoeuré par les pratiques du sérail, jette l'éponge. Il reste, à ce jour, le seul président de la République algérienne à avoir renoncé, de son plein gré, à ses charges. Quant au sixième, Abdelaziz Bouteflika, il a vu, en 1999, son élection amputée de son aspect pluraliste : l'ensemble de ses rivaux s'étaient retirés du scrutin à la veille du premier tour pour protester contre le boulevard ouvert au candidat du consensus.
FFS, le retour
La déroute des islamistes et la percée des femmes dans l'institution législative ne sont pas les seules bonnes nouvelles du scrutin du 10 mai. Les militants de la démocratie enregistrent avec satisfaction le retour du Front des forces socialistes (FFS) au sein de la représentation nationale. Plus vieux parti d'opposition - il a été créé en 1963 par Hocine Aït Ahmed, grande figure du mouvement national -, le FFS avait pris les armes contre le pouvoir central au nom de revendications démocratiques. Puis il a abandonné la lutte armée pour se consacrer au changement par des voies pacifiques. Positions constantes et démarche cohérente valent au FFS le respect de ses adversaires politiques, y compris au sein du pouvoir. En décrochant 21 sièges, le FFS devient la première force de l'opposition laïque. Nul doute que la présence de députés socialistes contribuera à élever le niveau des futurs débats parlementaires.
Même si le Front de libération nationale (FLN) a largement remporté les législatives du 10 mai (221 sièges sur 462), son secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem, est conscient que ce succès ne lui sera jamais attribué. Pour les observateurs, étrangers ou nationaux, l'unique artisan de la victoire du FLN est Abdelaziz Bouteflika. Deux jours avant le scrutin, le président algérien était à Sétif pour y commémorer les massacres commis par l'armée coloniale française le 8 mai 1945. Appelant les électeurs à se déplacer massivement aux urnes et rappelant, au passage, son appartenance politique (il est président d'honneur du FLN), il a fait entendre un discours déterminant.
"Notre verger est mûr"
Feu Mouammar Kaddafi aura laissé à la postérité la formule zenga zenga (« rue par rue »). D'Abdelaziz Bouteflika, elle gardera sans doute cette métaphore citadine puisée dans le lyrisme andalou : tab J'nenna (« notre verger est mûr »). Dans la culture populaire, le verger représente la descendance. Et quand la descendance est mature, on lui cède la place.
Observateur averti du sérail, cofondateur de la Ligue algérienne des droits de l'homme, l'avocat Miloud Brahimi relève le côté inédit du propos. « Depuis 1962, le discours officiel utilise de manière récurrente le slogan "l'avenir appartient à la jeunesse", une manière de dire "votre présent, on s'en charge". Le discours de Sétif marque une rupture en appelant la jeunesse à s'approprier son présent. » Il y a tout de même loin de la coupe aux lèvres. Car on se souvient qu'en 2004 le même président Bouteflika avait décrété la fin de la légitimité historique au profit de la légitimité des urnes. Il s'était alors engagé à être celui qui transmettrait le flambeau à la nouvelle génération. Huit ans plus tard, le cheptel politique n'a guère été rajeuni. Pérorer sur les constantes nationales, disserter à la gloire de la guerre de libération valent mieux que tous les diplômes de la terre et assurent encore rente et privilèges. Il reste que l'annonce de la fin de la mission historique conduite par la génération de la guerre de l'indépendance met au coeur du débat politique l'après-Bouteflika et oriente les esprits sur l'échéance présidentielle, en 2014. Qui succédera au dernier représentant des indépendantistes
En cinquante ans d'indépendance, l'Algérie a connu six présidents de la République, ainsi qu'une structure collégiale, le Haut Comité d'État (HCE), qui a dirigé entre 1992 et 1994 la transition politique après la crise née du triomphe électoral des islamistes du Front islamique du salut (FIS). Le premier président, Ahmed Ben Bella, fut le produit d'un début de guerre civile. Le deuxième, Houari Boumédiène, celui d'un coup d'État militaire. Le troisième, Chadli Bendjedid, a arraché le bail d'El-Mouradia après un psychodrame au cours duquel l'armée a imposé son choix aux autres rouages du système en les dissociant de la prise de décision. Le quatrième, Mohamed Boudiaf, n'a jamais été élu et son mandat fut brutalement abrégé. Six mois après avoir été désigné chef de l'État, il est assassiné par un membre de sa garde, le 29 juin 1992, à Annaba. Cinquième de la série, Liamine Zéroual, obscur général à la retraite, est élu, en novembre 1995, dans des conditions apocalyptiques, au plus fort des années GIA, avec leur lot de têtes coupées et jetées dans les caniveaux, de voitures piégées explosant dans des espaces publics bondés et de massacres dans les villages isolés ou dans les quartiers périphériques des grandes villes. Moins de quatre ans après son élection, Zéroual, écoeuré par les pratiques du sérail, jette l'éponge. Il reste, à ce jour, le seul président de la République algérienne à avoir renoncé, de son plein gré, à ses charges. Quant au sixième, Abdelaziz Bouteflika, il a vu, en 1999, son élection amputée de son aspect pluraliste : l'ensemble de ses rivaux s'étaient retirés du scrutin à la veille du premier tour pour protester contre le boulevard ouvert au candidat du consensus.
FFS, le retour
La déroute des islamistes et la percée des femmes dans l'institution législative ne sont pas les seules bonnes nouvelles du scrutin du 10 mai. Les militants de la démocratie enregistrent avec satisfaction le retour du Front des forces socialistes (FFS) au sein de la représentation nationale. Plus vieux parti d'opposition - il a été créé en 1963 par Hocine Aït Ahmed, grande figure du mouvement national -, le FFS avait pris les armes contre le pouvoir central au nom de revendications démocratiques. Puis il a abandonné la lutte armée pour se consacrer au changement par des voies pacifiques. Positions constantes et démarche cohérente valent au FFS le respect de ses adversaires politiques, y compris au sein du pouvoir. En décrochant 21 sièges, le FFS devient la première force de l'opposition laïque. Nul doute que la présence de députés socialistes contribuera à élever le niveau des futurs débats parlementaires.
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