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Jean-Marc Ayrault: "J'impulse, je délègue, je tranche"

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  • Jean-Marc Ayrault: "J'impulse, je délègue, je tranche"

    Le premier ministre Jean-Marc Ayrault accorde son premier long entretien à L'Express. Il sonne la mobilisation pour la bataille des législatives, mais développe surtout les grandes lignes de sa politique gouvernementale.


    Le Premier ministre se confie longuement à L'Express et dessine les grandes lignes des prochaines semaines. Retraite à 60 ans, limitation des très hauts revenus, relance européenne, il livre quelques précisions.
    Il a essayé de rester dans son pied-à-terre parisien, à deux pas de la gare Montparnasse, mais a vite renoncé. La vie à Matignon, où le Premier ministre s'est désormais installé, impose son rythme. Et son calendrier? Jean-Marc Ayrault récuse toute idée de "tournant politique" après les élections législatives des 10 et 17 juin. Il veut s'inscrire dans la durée. Et devenir chef d'équipe: il demande simplicité et sobriété médiatique.
    Que retenez-vous de ce que vous a dit François Fillon lors de la passation de pouvoirs?
    Cela s'est passé dans des conditions très républicaines, dans la dignité et le respect mutuel. En quelque sorte, normales... Le président, le gouvernement et moi-même voulons sortir de la division et des oppositions artificielles dans lesquelles nous étions enfermés depuis cinq ans, aggravées par la dérive de la campagne électorale. Il est possible de ne pas partager des choix politiques sans entrer dans une guerre de tranchées.
    Percevez-vous François Fillon comme un contre-modèle?
    Le contre-modèle, c'était l'"omniprésidence" de Nicolas Sarkozy, qui a créé des dysfonctionnements dans la machine gouvernementale.
    Comment définiriez-vous le nouveau rôle du Premier ministre?
    Avec le président de la République, c'est un rapport constant, confiant et extrêmement agréable. En quelques mots, nous nous comprenons. C'est lui, élu par tous les Français, qui fixe les orientations, donne le cap. Il est le garant des engagements qu'il a pris à l'occasion de l'élection présidentielle.
    Qui conduira la campagne des législatives?
    Les choses sont très claires, c'est Martine Aubry, qui mobilisera le Parti socialiste, et moi en tant que chef du gouvernement et de la majorité
    Les choses sont très claires, c'est Martine Aubry, qui mobilisera le Parti socialiste, et moi en tant que chef du gouvernement et de la majorité, ce qui nous amènera à participer ensemble à des meetings, notamment un à Nantes et un autre à Lille. Le rassemblement a été la clef de la victoire de François Hollande à la présidentielle, le rassemblement, c'est la clef qui nous permettra de remporter les législatives.
    Etes-vous d'accord avec François Mitterrand, qui affirmait en 1988: "Il n'est pas sain qu'un seul parti gouverne"?
    Comme Premier ministre, mon devoir est d'abord de dire aux Français: "Allez voter!" Comme chef de la majorité, je les appelle à ce qu'elle soit large et cohérente. Avec l'élection de François Hollande, vous avez choisi le changement, il faut lui donner les moyens de le réaliser. Nous ne pourrons, par exemple, pas modifier les conditions de la rentrée scolaire sans passer par la loi. Pour cela, il faut une majorité à l'Assemblée nationale. De même pour les mesures de justice fiscale, la suppression des cadeaux fiscaux, l'abrogation de la TVA dite "sociale" prévue pour entrer en vigueur au 1er octobre, la mise en place de la Banque publique d'investissement, la lutte contre les licenciements boursiers, etc. Dans cette période de crise, la France ne peut se payer le luxe d'un blocage institutionnel.
    Une nouvelle Assemblée nationale avec Ségolène Royal comme présidente?
    Elle en a les qualités. Pour la première fois, une femme à la présidence de l'Assemblée nationale, ce serait un beau symbole. Nous serons très attentifs à ce que le Parlement ne soit pas traité avec désinvolture, comme cela a été le cas pendant cinq ans. Les lois inapplicables, les lois de circonstance, c'est fini.
    A quoi servira la conférence sociale de juillet?
    Les "corps intermédiaires" ne sont pas un écran dans le dialogue avec les Français; ils sont le moyen que se sont donné les salariés et les employeurs pour s'organiser et défendre leurs intérêts.
    Je veux modifier sensiblement les rapports avec les partenaires sociaux. Les "corps intermédiaires" ne sont pas un écran dans le dialogue avec les Français; ils sont le moyen que se sont donné les salariés et les employeurs pour s'organiser et défendre leurs intérêts. Ils doivent être respectés. J'ai annoncé la méthode pour relancer dans la durée la démocratie sociale. En juin, une conférence de méthode va préparer la première grande conférence sociale à l'Elysée, qui se tiendra en juillet. Il s'agira de définir ce qui relèvera de la concertation, de la négociation entre partenaires sociaux, de la négociation tripartite Etat-entreprises-syndicats. Nous fixerons les thèmes et un calendrier.
    Avec cette méthode, ne courez-vous pas le risque de vous priver du bénéfice de la période des cent jours?
    Les engagements pris devant les Français seront tenus, mais je ne crois pas à cette théorie des cent jours. Je crois au contraire à l'action lorsqu'elle s'inscrit dans la durée, avec la confiance des acteurs. Le changement passe par la mise en mouvement de toutes les forces du pays. Pas par la gesticulation, les oukases et la précipitation. Nous donnons le ton dès le départ sur nos priorités et notre détermination, mais nous ne sommes pas dans l'ultimatum. Nous respectons nos partenaires; en retour, nous attendons le même respect.
    Exercice pratique: la retraite. Comment allez-vous vous y prendre?
    Par la concertation. Nous travaillons dans un premier temps à une mesure de justice élémentaire: permettre aux salariés qui ont leurs années de cotisation à 60 ans de pouvoir partir à taux plein. Un projet de décret est en cours d'élaboration. Nous avons évalué un plafond de dépenses de 1milliard d'euros la première année, de 5 milliards au bout de cinq ans. Ces sommes sont financées par une augmentation de cotisations de 0,1% de la part salariale et de la part patronale. Nous partons du dispositif adopté pour les carrières longues. La concertation permettra d'affiner les périodes prises en compte : congés de maternité, arrêts de maladie, service militaire... Mais il faut que cela rentre dans l'enveloppe financière des 5 milliards. Les engagements d'équilibres des comptes seront tenus.
    Vous voulez réduire l'écart salarial dans les entreprises publiques à une fourchette de 1 à 20. Allez-vous l'imposer aux patrons en place?
    Je crois au patriotisme des dirigeants, qui peuvent comprendre que la crise suppose l'exemplarité des élites politiques et économiques.
    Je crois au patriotisme des dirigeants, qui peuvent comprendre que la crise suppose l'exemplarité des élites politiques et économiques. Cette fourchette s'appliquera donc, y compris aux contrats en cours.
    Pourtant, durant la campagne, Michel Sapin avait dit que cela ne vaudrait que pour les successeurs des patrons en poste ...
    Les Français ont voté le 6 mai et les chefs d'entreprise sont respectueux du suffrage universel. La rémunération du président de la République, du Premier ministre et des ministres a été abaissée. Cela a été notre première décision.
    Si la croissance n'atteint pas 1,7% l'an prochain, prendrez-vous des mesures de redressement pour ramener coûte que coûte les déficits à 3% du PIB en 2013?
    L'objectif de l'équilibre des comptes en 2017 doit se mettre en route dès 2013. Mais nous dirons la vérité aux Français. J'attends pour cela l'audit de la Cour des comptes. Toute décision prise devra considérer à la fois les priorités du président, l'objectif d'équilibre des comptes, la contribution à la croissance, et satisfaire l'exigence de justice. Le rythme sera plus ou moins rapide, mais ces principes devront être respectés. Il n'y aura pas de tournant politique. Rien de ce qui a été proposé par François Hollande dans sa campagne ne relève de l'improvisation.
    Il n'y aura pas de tournant comme en 1983 ou en octobre 1995?
    Beaucoup dépend maintenant aussi de la politique européenne. Il est indispensable qu'un débouché positif soit donné au sommet de Bruxelles du 23 mai. On ne peut pas continuer comme ça. Les lignes bougent.
    Le dossier des eurobonds peut-il avancer ?
    Tout doit être sur la table.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Pourtant, dans le mémorandum présenté par François Hollande, le 25 avril, il n'était pas question d'eurobonds, le candidat précisait même qu'il ne s'agissait pas de mutualiser la dette. Pourquoi a-t-il changé d'avis ?
    Il n'a pas changé d'avis. Face aux inquiétudes liées à la Grèce, il était très important d'aborder toutes les hypothèses. Les eurobonds, François Hollande l'a dit, sont une perspective. Entretemps, le Mécanisme européen de stabilité peut davantage jouer son rôle que prévu. Je fais confiance au pragmatisme de nos partenaires allemands.
    Il ne faut pas hésiter à tendre la relation franco-allemande si cela permet d'avancer ?
    Ce que veulent les Allemands, c'est de la clarté, pas la confusion. La clarté, c'est aussi la franchise. Les choses ne sont pas fermées. Par exemple, la taxe sur les transactions financières est un sujet qui peut progresser. S'agissant de la Grèce, nous souhaitons, comme les Allemands, et comme l'immense majorité des Grecs, qu'elle reste dans la zone euro. Il faut leur dire que l'Europe ne va pas les laisser tomber, notamment en utilisant mieux les fonds structurels, mais qu'ils ont des réformes à faire, par exemple fiscale.
    La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a donc raison de les tancer ?
    On ne peut rien faire sans l'adhésion du peuple grec. Cela commence d'abord par le respect.
    Pendant ce temps, tout le monde prépare la sortie de la Grèce de la zone euro...
    Ce serait d'abord une catastrophe pour les Grecs et cela pourrait avoir des conséquences déstabilisatrices pour toute la zone euro.
    Wolfgang Schäuble à la tête de l'Eurogroupe, c'est inenvisageable?
    Nous n'en sommes pas encore là. La priorité, c'est la croissance, pour que les peuples regardent à nouveau l'avenir avec confiance. Les Allemands ont fait beaucoup d'efforts pour leur réunification, ils sont exigeants sur la capacité de chaque pays à maîtriser leurs comptes publics. Mais le problème, c'est aujourd'hui la croissance et le fossé qui se creuse entre Europe du Nord et du Sud. Les peuples sont fatigués de ce climat d'austérité sans perspectives, qui crée des arguments pour les populismes.
    Devant ses partenaires européens, François Hollande a évoqué des réformes de structures. A quoi pensait-il ?
    Nous voulons améliorer la compétitivité de nos entreprises, de notre industrie.
    Vous avez parlé d'exemplarité. Où finit l'exemplarité, ou commence la démagogie, quand François Hollande va à Bruxelles en train et revient en voiture ?
    C'est important de donner des signes. Quand j'entends M. Guaino dire à propos de François Hollande "Ah, il n'est pas au rang d'un président, il ne prend pas l'avion !", qu'est-ce que cela veut dire? J'ai pris le Thalys pour aller à Bruxelles, j'ai pu travailler avec mes collaborateurs et échanger avec quelques passagers. Oui, nous revendiquons une certaine simplicité. L'autorité naît des décisions justes, pas de la distance, du protocole et de la pompe.
    Un ministre est-il autorisé à tweeter ?
    J'ai recommandé la prudence. Moi, j'ai pour le moment suspendu mon compte, et c'est une petite frustration. Mais on n'explique pas une politique en 140 signes...
    Vous étiez à combien de followers ?
    38 000.
    Mais vous étiez raisonnable !
    Il ne s'agit pas de se taire, mais de parler quand c'est nécessaire.
    Vous me connaissez... Il faut expliquer et faire la pédagogie du changement.
    Demandez-vous aussi aux ministres d'être moins bavards?
    Il ne s'agit pas de se taire, mais de parler quand c'est nécessaire. De même qu'il ne s'agit pas de parler pour parler, il ne faut pas visiter pour visiter, mais pour se rendre compte des problèmes, écouter, trouver des solutions et les expliquer pour les mettre en oeuvre. Les effets d'annonce sans suite dévalorisent la politique.
    Etes-vous choqué du sort réservé à la ministre de la Justice, Christiane Taubira?
    La mauvaise foi n'a pas de limite. La droite est si divisée qu'elle a besoin de jeter des écrans de fumée. Aucun de mes ministres ne prône le laxisme. Il n'y a pas d'angélisme de la part de la garde des Sceaux. La justice des mineurs est un sujet sur lequel le gouvernement précédent a échoué. Nous ne pouvons en rester là. Il faut prévenir la récidive et ne pas laisser les mineurs s'enfermer dans une spirale qui les entraîne vers des actes de plus en plus graves.
    Comment éviter l'"Etat PS" si vous gagnez les législatives?
    L'"Etat UMP" n'était pas lié au fait que la droite était majoritaire à l'Assemblée, mais à une pratique du pouvoir. Avec nous, l'opposition ne sera pas négligée ou méprisée. Les nominations importantes feront l'objet d'une concertation. L'impartialité de l'Etat est à ce prix. Les propositions de l'opposition seront débattues avec sérieux et sans sectarisme par les ministres concernés. C'est une garantie que nous apportons à nos concitoyens, à la veille de ces élections législatives. Il n'y aura pas, à l'issue du vote, l'écrasement d'un camp par un autre. Il y aura une majorité, large et cohérente, qui permet de gouverner, et une opposition respectée, qui pourra apporter soit la contradiction, soit sa pierre à l'édifice du redressement.
    Maintiendrez-vous le gel des salaires des fonctionnaires?
    Il y aura des discussions avec les partenaires sociaux. On sait qu'il y aura des contraintes, mais qu'il faut aussi corriger des injustices.
    Les anciens présidents ont-ils leur place au Conseil constitutionnel, ou pensez-vous, comme Robert Badinter, que c'est une "aberration institutionnelle"?
    Je partage cet avis de Robert Badinter.
    Une réforme constitutionnelle de grande ampleur est-elle à venir?
    Le président de la République annoncera des réformes institutionnelles importantes, conformément aux engagements pris pendant la campagne. Nous voulons que les Français retrouvent confiance dans leurs institutions.
    Jean-Luc Mélenchon aurait-il sa place dans votre gouvernement ?
    Pour l'heure, il dit qu'il ne veut pas participer au gouvernement. Il a choisi de centrer son action sur le combat contre le FN. Nous verrons bien. La porte est ouverte pour tous ceux qui souhaitent mettre leur énergie et leur talent pour la mise en oeuvre du projet présidentiel.
    Quel est, parmi vos prédécesseurs, celui que vous admirez le plus?
    Pierre Waldeck-Rousseau, un Nantais responsable des grandes lois sur les libertés, sur le droit d'association de 1901, sur les syndicats, sur la liberté de la presse. Un autre, Nantais lui aussi, qui est un peu oublié par rapport à Clemenceau: Aristide Briand. Il a été un pacificateur, un conciliateur. Dans la période récente, j'ai beaucoup appris au côté de Lionel Jospin. Après ma désignation, il m'a laissé un message très chaleureux. Nous nous reverrons bientôt.
    A entendre la plupart de vos prédécesseurs, Matignon seraitun "enfer". Quel sera votre antidote?
    Il y aura des périodes de tension, des décisions difficiles. Mon rôle est politique. Je ne me substituerai pas à mes ministres, je garderai ma liberté d'arbitrage. Je l'ai fait à Nantes: j'impulse, je fais confiance, je délègue, je coordonne, et aussi souvent que nécessaire, je tranche.
    Un mot, un seul, pour vous qualifier ?
    Fiable.
    l express
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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