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Inefficacité de la fonction portuaire en Algerie: un paradoxe structurel ?

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  • Inefficacité de la fonction portuaire en Algerie: un paradoxe structurel ?

    Par : Mustapha MEKIDECHE

    Plus de 95% du commerce extérieur de l’Algérie emprunte la voie maritime. Que ce soit pour les hydrocarbures qui représentent en valeur les 97% des ressources exportées annuellement ou pour les importations de biens de consommations et des biens intermédiaires car nous ne produisons et n’exportons qu’une part négligeable. On peut même ajouter, en ce cinquantième anniversaire de l’indépendance, que cette extraversion des flux commerciaux a été héritée de la période coloniale. Cette situation, finalement confortée par l’ouverture libérale de la fin de la décennie 80, aurait dû placer comme priorité la modernisation des infrastructures portuaires dans ses volets investissements et exploitation. Tel n’a pas été, paradoxalement, le cas. Un excellent papier collectif publié en 2011 dans la revue géographique des pays méditerranéens « Méditerranée » par M’hamed Setti, Fatma Zohra Mohamed-Cherif et Cesar Ducruet, sous le titre « les ports algériens dans la mondialisation : la fin du paradoxe ? », nous en donne une grille de lecture et des éléments explicatifs. Enfin pour compléter ce tableau on notera la faiblesse de la contribution du pavillon national dans le transport des marchandises en provenance ou vers l’Algérie, à l’exception relative de celui des hydrocarbures.
    Pour traiter cette problématique complexe on peut commencer par la séparer en deux grandes parties : celle des ports spécialisés c'est-à-dire d’hydrocarbures liquide et gazeux et celle des ports marchandises. On laissera de côté pour cette fois les ports de pêche et de plaisance.
    Pour les ports « pétroliers » la réalisation des infrastructures a été inachevée. A l’instar par exemple du port pétrochimique de Skikda dont la construction de l’élément principal (la grande jetée du large) a été abandonnée dans les années 70. Ou bien le nouveau port méthanier de Bethioua dont les deux musoirs ont cédé dès la première tempête décennale. Le port centre des Issers prévu dans le programme de développement de Sonatrach a été tout simplement annulé. A Annaba les exportations d’ammoniac et d’engrais se font toujours au sein du port de marchandises. La question d’un port spécialisé reste, en 2012, toujours posée. Ces retards dans les infrastructures ont conduit la Sonatrach à mettre en place, dans certains cas, des solutions palliatives : des « sea lines » (Arzew et Bejaia), sorte de flexibles sous marins de chargement d’urgence hors zone portuaire. S’agissant de l’exploitation de ces installations portuaires spécialisées elle est passée plusieurs fois de la Sonatrach aux entreprises portuaires et réciproquement, en fonction du rapport de forces du moment. Ce qui ne facilite pas la consolidation des savoir faire opératoires. Quant aux institutions régionales portuaires de régulation il me semble qu’elles ont encore du mal à s’imposer bien que les textes de leur création datent de plusieurs années. C’est valable pour tous les ports algériens. Ceci dit, les retards et les déficits sont plus grands dans les ports de marchandises. En termes d’infrastructures, on est resté globalement dans le schéma portuaire hérité de la colonisation, à une seule exception, me semble-t-il, la réalisation d’un port en eau profonde celui de Djen Djen. Pourtant tout le monde convient qu’un trafic portuaire, multiplié par près de10 depuis l’indépendance, ne peut se faire dans des conditions normalement admises par les standards internationaux en utilisant les mêmes infrastructures. Cela est particulièrement valable pour le port d’Alger (un tiers du trafic portuaire national) et celui d’Oran. Le choix d’une telle option est source de gaspillage depuis des décennies, gaspillage mesurable aux montants annuels des surestaries versées. Pour dépasser cette contrainte physique les pouvoirs publics ont décidé de dédier le port d’Alger au seul usage de conteneurs et ont, à cet effet, initié la création de « ports secs ». L’amélioration a été recherchée également en libéralisant l’activité portuaire. C’est ainsi qu’il a été fait appel, sous forme de création de deux sociétés mixtes, à deux grands opérateurs portuaires mondiaux pour gérer deux terminaux marins: Alger et Djen Djen pour Dubai Ports World (DPW) et Bejaia pour Portek de Singapour. Dans le même élan d’ouverture, en plus de quatre « ports secs » publics, trois sociétés mixtes (turque, suisse et française) ont été chargées de gérer les « ports secs »de Gué de Constantine (Arcas), d’El Hamiz (MTA) et de Rouïba (Sima). Mais les résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés. Ainsi Reda Zerdani, directeur des opérations de « Maersk Line » reconnaît que « 60% des conteneurs restent plus des vingt et un jours prévus légalement » (OBG, The Report, Algeria 2010).
    Il faudrait, pour plus de rigueur en termes de bilan, comparer les charges aux surestaries et autres surcoûts évités. L’exercice n’est pas, à ma connaissance, encore fait mais les surestaries augmentent annuellement. Ces coûts élevés de la logistique en matière portuaire ont deux conséquences négatives. Ils nuisent d‘abord à la compétitivité des produits algériens à l’export et en constituent même un facteur d’éviction. Ils surenchérissent ensuite les prix des produits importés. C’est dans ce contexte de fragilité de la fonction logistique portuaire qu’une forte pression est actuellement exercée par les armateurs exigeant un paiement devises de leurs clients algériens. Au delà des réponses factuelles à apporter en termes de contractualisation de relations à long terme avec les armateurs et leur diversification, l’enseignement est qu’il faudra s’engager résolument dans la réhabilitation en profondeur du pavillon national. De façon incidente il permettra d’ailleurs d’asseoir une industrie nationale de construction et de rénovation navales, déjà initiée par l’industrie militaire.
    Mais les problèmes sont aussi d’ordre organisationnel. Il faudra que les administrations institutionnelles, notamment les Douanes, se mettent aux standards internationaux et que les services d’accompagnement soient plus ouverts au secteur privé c'est-à-dire à la concurrence qui chassera l’incompétence et les surcoûts.
    Au total, on voit bien que le nouveau régime de croissance et l’amélioration du climat des affaires passent par l’optimisation de la fonction logistique portuaire sans laquelle l’inertie persistera. Cette situation dure depuis trop longtemps pour rester en l’état. Le changement doit également passer par là.




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