Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Algérie : Ali Belhadj, au nom du FIS

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Algérie : Ali Belhadj, au nom du FIS

    28 mai 2012 à 20:36


    Ali Belhadj (à gauche) en février 2011 lors d'un rassemblement à Alger. (Louafi Larbi. REUTERS)
    -

    PORTRAIT Le cofondateur de l’ex-parti islamique dénonce les résultats des législatives et revient sur la mort violente de son fils.

    Par JEAN-LOUIS LE TOUZET Envoyé spécial à Alger
    L’homme a incarné «la décennie noire» qui aurait fait 150 000 victimes. Autrefois féroce dans ses discours, il donne aujourd’hui l’impression d’un vieux félin captif. A Alger, Ali Belhadj, cofondateur avec Abassi Madani du Front islamique du salut (FIS, dissout en 1992), reçoit dans un salon tapissé de livres religieux et assure vivre à présent «à l’ombre de la politique algérienne». Pourtant, à 56 ans, il se voit toujours comme «un recours silencieux», malgré «les années de prison et diabolisation» dont il fait l’objet de la part «du pouvoir algérien et des Occidentaux». Frappé par les autorités d’une interdiction de sortie du territoire, Ali Belhadj, qui aura passé «près de vingt ans en prison», affirme d’emblée «avoir été forcé de se retirer de la politique algérienne».

    La silhouette maigre, glissée dans une gandoura couleur cuivre, il entame immédiatement un monologue sur «le pouvoir» qu’il compare à «une grande boîte noire qui a lessivé les votes des dernières législatives». Des 221 sièges obtenus par le FLN (1) aux législatives du 10 mai, il dit : «La méthode a été si visible aux yeux de tous, même des observateurs qui n’ont pas dénoncé le tour de passe-passe. Pour autant, cela n’appelle pas de réclamation, car elle est de toute manière impossible.»

    Ornement. Ali Belhadj, habitué depuis les années 90 à surfer sur les vagues de l’opinion publique, retrouve, dès qu’il s’agit du pouvoir, un terrible ressort : «Le score est si impressionnant pour le pouvoir, que lui-même se pose la question de sa propre exagération.» «Si la presse étrangère a paru stupéfaite des résultats du FLN, que dire, alors, de la population ? Cette victoire était tellement énorme qu’elle est devenue encombrante pour eux. Un tel succès aurait dû être célébré comme une finale de la Coupe d’Afrique des nations : klaxons, défilés, discours», ajoute-t-il avec ironie.

    Au sommet du pouvoir algérien, on a une réponse toute faite pour infirmer les propos de l’ex-numéro 2 du FIS : Ali Belhadj ne représenterait que lui-même et serait le dernier ornement des salafistes. Ensuite, il n’y aurait que les journalistes étrangers en manque de sensationnel qui le tirent encore d’un lourd sommeil politique. «Evidemment que le pouvoir fait tout pour amoindrir notre influence et répéter que nous ne représentons plus grand-chose dans la société algérienne. Mais le pouvoir ne peut ignorer la majorité silencieuse et notre appel au boycott», répond-il avec une réserve nuancée et courtoise, assez oublieuse du temps où le FIS appelait au jihad.

    Belhadj veut croire que la défaite des partis islamistes, réunis au sein de l’Alliance verte, est à mettre sur le compte «de la cupidité» de ces mêmes partis «qui ont cru qu’ils pourraient se jouer du pouvoir tout en en faisant partie. Ils ont été retournés par le pouvoir, qui s’est totalement joué d’eux. Je les avais pourtant prévenus, prétend-il. Vous ne pouvez pas être à l’intérieur de la machine, car la machine est plus forte que vous. Les partis islamistes ont été bernés comme des enfants. Ils ont été victimes de leur voracité en entrant au gouvernement. Ils croyaient en connaître les rouages, mais ils ont été dévorés par le système.» Tant et si bien que lui se voit toujours «comme un recours».

    A l’entendre, il serait même toujours entouré «de fidèles» à qui il s’adresserait le vendredi à l’issue de la grande prière, «malgré la surveillance» dont il fait l’objet. «Je sais seulement que nous sommes encore une masse silencieuse. Les partis islamistes ont tenté d’aspirer cette masse, mais les gens qui nous sont encore proches préféreront toujours l’original à la copie.»

    Le leader islamiste n’a jamais renié ses convictions. Un Etat islamique ? Il contourne la question : «L’islam propose un système social et économique. Je ne crains pas les laïcs, je suis toujours prêt à parler avec eux. Je les reçois quand ils me sollicitent, et il y a en beaucoup. Mais je refuse de parler avec les militaires. Pourtant, ils ont essayé, souvent… Mais je ne veux pas me laisser entraîner dans une manipulation.»

    Le jour du dépouillement des élections législatives, Belhadj a tenté de se rendre à l’hôtel Aurassi, le centre de presse international. En compagnie de son chauffeur, il est stoppé sur le chemin par la police. Il rapporte le dialogue de sourds qui se termine ainsi avec un gradé : «Si je peux ne pas parler aux journalistes, vous ne pouvez pas m’interdire de prendre le thé ?» Le flic : «Pour le thé, il vaut mieux que tu viennes demain. Tu seras plus à l’aise pour parler, vu que les journalistes seront tous partis.»

    Remords. Dès qu’il s’agit d’évoquer sa coresponsabilité dans la sale guerre, le discours de Belhadj est toujours un peu le même : «Il faut se souvenir que le FIS a défendu les opprimés. J’ai toujours cru que, quand il y a une injustice, il faut la combattre. Oui, on a soutenu les nôtres dans leur résistance contre le système. J’ai quand même le droit d’exprimer mon point de vue, non ? Personne ne peut m’interdire de parler, à moins de me supprimer…»

    A l’évocation de la mort de l’un de ses fils, Abdelkahar, membre d’Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), tué l’an dernier au sud d’Alger par les forces de police, il accuse le coup : «C’est une manœuvre du pouvoir qui me l’a enlevé pour faire pression sur moi ! Je ne peux me l’expliquer autrement… On m’a présenté son corps calciné. Il paraît qu’il se serait fait exploser, qu’il s’agit bien de ses restes. Incapable de l’identifier… J’ai demandé il y a huit mois une contre-expertise ADN, mais je ne l’aurais jamais…» Et, pour la première fois, cette tête étroite mangée par des lunettes métalliques s’affaisse et exprime un remords : «Si j’avais su que le pluralisme allait être écrasé par le pouvoir et que tout cela allait déboucher sur ce conflit armé… Oui, aujourd’hui je le dis, je me serai retiré de la politique pour éviter cette guerre.»

    (1) Après recours, 13 sièges du FLN ont été invalidés, vendredi, par le Conseil constitutionnel. Le FLN dispose donc de 208 députés.
    libe
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
Chargement...
X