En meeting à Paris, la présidente du Front national a répété son ambition de constituer "la vraie opposition" à la gauche. Même si le climat est à la guerre fratricide entre les leaders de l'UMP, Marine Le Pen a-t-elle vraiment les moyens d'arriver à ses fins ?
Marine Le Pen a réalisé une vraie performance lors de la présidentielle mais cette performance doit se confirmer aux législatives. Crédit Reuters
Atlantico : Au soir du premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen déclarait : « ce n'est ni Jean-François Copé ni François Fillon qui seront à la tête de l'opposition, mais la présidente du FN ». A-t-elle réussi son pari de devenir la première force d’opposition face au PS ?
Carole Barjon : C’est un peu tôt pour le dire. On le verra après les législatives, si le FN arrive à se maintenir dans de nombreuses circonscriptions au premier tour, et leurs éventuels députés élus – même si le mode de scrutin ne les favorise pas. C’est cela le premier critère d’appréciation, car pour être la vraie force d’opposition, il faut avoir des élus au Parlement, il ne s’agit pas seulement d’être une voix forte au moment de la présidentielle. Il faut aussi être capable d’avoir des élus à toutes les élections et à tous les échelons ; il faut aussi avoir des militants sur le terrain et quand on se balade un peu en France, on s’aperçoit qu’il y a moins de militants que prévu sur le terrain.
Christian de Villeneuve : Marine Le Pen a réalisé une vraie performance lors de la présidentielle mais cette performance doit se confirmer aux législatives. Pour que le FN puisse se revendiquer comme le principal parti d’opposition il faudrait qu’ils aient des élus et il n’est pas certain que le parti réalise, dans les différentes circonscriptions, le score qu’a réalisé Marine Le Pen. Tout le monde n’a pas son charisme, il est difficile de trouver ce type de personnalité.
D’autre part, il existe une vraie question autour de la participation. Si, comme on le dit aujourd’hui, le FN tourne autour de 15%, et si l’abstention n’est pas loin de 40%, le parti aura du mal à avoir les 12,5% d’inscrits pour se maintenir au deuxième tour.
Ivan Rioufol : Je pense que le meilleur opposant au Parti socialiste reste le Parti socialiste lui-même, qui est en train de se caricaturer dans des postures idéologiques qui datent du 19e siècle. Mais pour sortir de ce traquenard, il faut impérativement que la droite se refonde, qu’il y ait – avec ou sans le Front national – une réflexion sur ce que doit être la droite du 21e siècle, une droite qui ne doit pas être seulement humaniste, mais qui accepte de se confronter aux problèmes auxquels est confronté l’électorat.
Je suis franchement mitigé sur l’efficacité du Front national. On ne la voit d’ailleurs pas apparaitre dans les sondages : comme pour toutes les législatives, il pique du nez. Mais le vrai phénomène n’est pas le Front national : c’est l’irascibilité d’une opinion qui attend de la droite qu’elle aborde enfin les problèmes qui sont laissés au seul FN. Je pense qu’il faut plusieurs offres politiques, et je ne comprends pas que l’UMP n’ait pas fait cette analyse, qu’elle ne se rende pas compte qu’il doit regarder comment vivent les gens, de la façon dont le fait le FN. Ces gens ont peut-être envie d’entendre autre chose que les réponses du FN sur ces questions.
Michel Soudais : Le FN a un avantage indéniable, c’est qu’il n’a qu’une seule tête. On voit essentiellement Marine Le Pen, ses apparitions sont démultipliées par rapport à l’UMP où les médias doivent se demander qui interroger, qui inviter. A l’UMP, ils se partagent le temps de parole à une dizaine. Marine Le Pen là-dessus à un avantage.
Maintenant, quand je l’entends dire au lendemain d’une élection qu’elle va être la meilleure opposante, c’est un petit refrain que j’ai entendu de son père à chaque alternance. La première fois où je l’ai entendu, c’était en 1988. En 1993 ils ont eu le même espoir, rebelote en 1997… A chaque fois ils pensent que l’équipe qui arrive en place va se planter, et que le FN raflera la mise. D’où des navigations en godille du parti, qui essaye d’être la vraie opposition de droite, un autre coup essaye de mordre sur l’électorat de gauche déçu. Je doute que cet espoir puisse se réaliser, car il faudrait qu’il passe forcément par une alliance avec l’UMP et le FN n’est pas en état de dominer cette alliance.
L’importance du FN est une sorte d’illusion d’optique liée à la personne de Marine Le Pen, entretenue par une fascination journalistique étonnante envers la bourgeoise transgressive qu’elle représente.
L’UMP est-elle pénalisée par son absence de leadership ? Nicolas Sarkozy est absent politiquement, et la guerre des chefs a débuté entre François Fillon et Jean-François Copé…
Carole Barjon : L’UMP est fragilisée par le départ de Nicolas Sarkozy, car il n’y a plus de leader naturel, comme aurait dit François Fillon, ou de chef charismatique. Mais l’absence de Nicolas Sarkozy prive la gauche d’un de ses arguments essentiels de la campagne présidentielle.
Quant à la guerre des chefs, elle pénalise aussi l’UMP. Il est bien évident que, à partir du moment où ils avaient eux-mêmes annoncé qu’il y aurait une direction collégiale et qu’ils ne ressortiraient les combats de chefs qu’après les législatives, on voit qu’ils ne respectent pas la parole donnée. Et ça peut agacer un certain nombre d’électeurs et les pousser à s’abstenir.
Christian de Villeneuve : Il est naturel qu’il existe un combat des chefs et cela n’est pas favorable à la mobilisation de l’électorat UMP. Dans ce sens, cela pourrait être favorable au FN. Mais je ne vois pourquoi les électeurs UMP voteraient pour le FN sous prétexte qu’il existe une compétition entre les leaders du parti de droite.
Ivan Rioufol : L’UMP se comporte de manière affligeante. On retrouve la « droite la plus bête du monde ». Non seulement elle a perdu la présidentielle dans un pays qui est sociologiquement et culturellement de droite, mais en plus on aurait pu penser d’elle que l’urgence aurait été de faire un front commun pour gagner les législatives, mais on s’aperçoit que non seulement François Fillon n’a rien trouvé de mieux que de tirer dans les pattes de Jean-François Copé, mais qu’en plus Alain Juppé se sent pousser des ailes et voit son égo qui l’appelle à se sentir indispensable.
On a tous compris que l’UMP avait un problème de leadership, mais la décence aurait été de laisser les législatives se terminer avant d’entamer cette guerre des chefs. L’opinion est confrontée à cette infantilisation du débat politique, avec cette querelle de cour de récré qui fait honte à l’électorat de droite, et qui montre le peu d’envergure de ces personnalités politiques qui ont la prétention de vouloir gouverner la France.
Marine Le Pen a réalisé une vraie performance lors de la présidentielle mais cette performance doit se confirmer aux législatives. Crédit Reuters
Atlantico : Au soir du premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen déclarait : « ce n'est ni Jean-François Copé ni François Fillon qui seront à la tête de l'opposition, mais la présidente du FN ». A-t-elle réussi son pari de devenir la première force d’opposition face au PS ?
Carole Barjon : C’est un peu tôt pour le dire. On le verra après les législatives, si le FN arrive à se maintenir dans de nombreuses circonscriptions au premier tour, et leurs éventuels députés élus – même si le mode de scrutin ne les favorise pas. C’est cela le premier critère d’appréciation, car pour être la vraie force d’opposition, il faut avoir des élus au Parlement, il ne s’agit pas seulement d’être une voix forte au moment de la présidentielle. Il faut aussi être capable d’avoir des élus à toutes les élections et à tous les échelons ; il faut aussi avoir des militants sur le terrain et quand on se balade un peu en France, on s’aperçoit qu’il y a moins de militants que prévu sur le terrain.
Christian de Villeneuve : Marine Le Pen a réalisé une vraie performance lors de la présidentielle mais cette performance doit se confirmer aux législatives. Pour que le FN puisse se revendiquer comme le principal parti d’opposition il faudrait qu’ils aient des élus et il n’est pas certain que le parti réalise, dans les différentes circonscriptions, le score qu’a réalisé Marine Le Pen. Tout le monde n’a pas son charisme, il est difficile de trouver ce type de personnalité.
D’autre part, il existe une vraie question autour de la participation. Si, comme on le dit aujourd’hui, le FN tourne autour de 15%, et si l’abstention n’est pas loin de 40%, le parti aura du mal à avoir les 12,5% d’inscrits pour se maintenir au deuxième tour.
Ivan Rioufol : Je pense que le meilleur opposant au Parti socialiste reste le Parti socialiste lui-même, qui est en train de se caricaturer dans des postures idéologiques qui datent du 19e siècle. Mais pour sortir de ce traquenard, il faut impérativement que la droite se refonde, qu’il y ait – avec ou sans le Front national – une réflexion sur ce que doit être la droite du 21e siècle, une droite qui ne doit pas être seulement humaniste, mais qui accepte de se confronter aux problèmes auxquels est confronté l’électorat.
Je suis franchement mitigé sur l’efficacité du Front national. On ne la voit d’ailleurs pas apparaitre dans les sondages : comme pour toutes les législatives, il pique du nez. Mais le vrai phénomène n’est pas le Front national : c’est l’irascibilité d’une opinion qui attend de la droite qu’elle aborde enfin les problèmes qui sont laissés au seul FN. Je pense qu’il faut plusieurs offres politiques, et je ne comprends pas que l’UMP n’ait pas fait cette analyse, qu’elle ne se rende pas compte qu’il doit regarder comment vivent les gens, de la façon dont le fait le FN. Ces gens ont peut-être envie d’entendre autre chose que les réponses du FN sur ces questions.
Michel Soudais : Le FN a un avantage indéniable, c’est qu’il n’a qu’une seule tête. On voit essentiellement Marine Le Pen, ses apparitions sont démultipliées par rapport à l’UMP où les médias doivent se demander qui interroger, qui inviter. A l’UMP, ils se partagent le temps de parole à une dizaine. Marine Le Pen là-dessus à un avantage.
Maintenant, quand je l’entends dire au lendemain d’une élection qu’elle va être la meilleure opposante, c’est un petit refrain que j’ai entendu de son père à chaque alternance. La première fois où je l’ai entendu, c’était en 1988. En 1993 ils ont eu le même espoir, rebelote en 1997… A chaque fois ils pensent que l’équipe qui arrive en place va se planter, et que le FN raflera la mise. D’où des navigations en godille du parti, qui essaye d’être la vraie opposition de droite, un autre coup essaye de mordre sur l’électorat de gauche déçu. Je doute que cet espoir puisse se réaliser, car il faudrait qu’il passe forcément par une alliance avec l’UMP et le FN n’est pas en état de dominer cette alliance.
L’importance du FN est une sorte d’illusion d’optique liée à la personne de Marine Le Pen, entretenue par une fascination journalistique étonnante envers la bourgeoise transgressive qu’elle représente.
L’UMP est-elle pénalisée par son absence de leadership ? Nicolas Sarkozy est absent politiquement, et la guerre des chefs a débuté entre François Fillon et Jean-François Copé…
Carole Barjon : L’UMP est fragilisée par le départ de Nicolas Sarkozy, car il n’y a plus de leader naturel, comme aurait dit François Fillon, ou de chef charismatique. Mais l’absence de Nicolas Sarkozy prive la gauche d’un de ses arguments essentiels de la campagne présidentielle.
Quant à la guerre des chefs, elle pénalise aussi l’UMP. Il est bien évident que, à partir du moment où ils avaient eux-mêmes annoncé qu’il y aurait une direction collégiale et qu’ils ne ressortiraient les combats de chefs qu’après les législatives, on voit qu’ils ne respectent pas la parole donnée. Et ça peut agacer un certain nombre d’électeurs et les pousser à s’abstenir.
Christian de Villeneuve : Il est naturel qu’il existe un combat des chefs et cela n’est pas favorable à la mobilisation de l’électorat UMP. Dans ce sens, cela pourrait être favorable au FN. Mais je ne vois pourquoi les électeurs UMP voteraient pour le FN sous prétexte qu’il existe une compétition entre les leaders du parti de droite.
Ivan Rioufol : L’UMP se comporte de manière affligeante. On retrouve la « droite la plus bête du monde ». Non seulement elle a perdu la présidentielle dans un pays qui est sociologiquement et culturellement de droite, mais en plus on aurait pu penser d’elle que l’urgence aurait été de faire un front commun pour gagner les législatives, mais on s’aperçoit que non seulement François Fillon n’a rien trouvé de mieux que de tirer dans les pattes de Jean-François Copé, mais qu’en plus Alain Juppé se sent pousser des ailes et voit son égo qui l’appelle à se sentir indispensable.
On a tous compris que l’UMP avait un problème de leadership, mais la décence aurait été de laisser les législatives se terminer avant d’entamer cette guerre des chefs. L’opinion est confrontée à cette infantilisation du débat politique, avec cette querelle de cour de récré qui fait honte à l’électorat de droite, et qui montre le peu d’envergure de ces personnalités politiques qui ont la prétention de vouloir gouverner la France.
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