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Visite à Minsk de Vladimir Poutine: volets pratiques et symboliques

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  • Visite à Minsk de Vladimir Poutine: volets pratiques et symboliques

    La Biélorussie est le premier pays étranger où Vladimir Poutine se rendra le 31 mai après son élection de mars dernier. La première visite d'un chef de l'Etat à l'étranger comporte toujours un aspect symbolique: le dirigeant élu annonce ainsi les priorités de sa présidence en matière de politique étrangère.
    Toutefois, la prochaine visite comporte un certain aspect tautologique: le sommet informel de la CEI (Communauté des Etats indépendants) s'est tenu le 15 mai à Moscou, et Vladimir Poutine y a déjà rencontré en sa nouvelle qualité de président la majorité des présidents des républiques ex-soviétiques qui s'alignent d'une façon ou d'une autre sur la Russie.
    Il serait logique de supposer que les questions urgentes ont alors été abordées, et une nouvelle rencontre deux semaines seulement plus tard semble légèrement prématurée: il est difficile de formuler un ordre du jour important en si peu de temps.
    Il s'agit donc soit d'une surabondance de questions à régler, soit d'un aspect symbolique lorsqu'une visite a pour but d'indiquer des priorités plutôt que d'enregistrer des progrès concrets.

    Aucun progrès

    On pourrait se hasarder à supposer qu'aucun progrès particulier n'est à attendre dans les relations entre Moscou et Minsk. Premièrement, le niveau actuel des relations est déjà suffisamment impressionnant. La Biélorussie est intégrée au projet eurasiatique et étant donné que sa mise en œuvre ne fait que s'amorcer, les zones de conflit ne se sont pas encore esquissées.

    Le statut quo sera donc conservé au niveau politique. Quant aux échanges sociaux et culturels entre les deux pays, ils n'ont jamais été marqués par les problèmes, aussi est-il difficile de réaliser une percée dans ce domaine également.
    Le domaine de la coopération militaire pourrait s'avérer plus prometteur, car selon les rumeurs, la Russie s'apprête probablement à transmettre à la Biélorussie les systèmes de missile Iskander en riposte au déploiement du bouclier antimissile (ABM) de l'Otan en Europe.
    Il est toutefois peu probable que la Russie s'engage aussi irréversiblement dans la voie de la confrontation avant l'achèvement de son marchandage avec l'Otan au sujet de l'ABM. Or, ce marchandage semble être à son apogée.
    Les informations sur les systèmes de missile russes Iskander apparemment destinés à la Biélorussie s'inscrivent logiquement dans ce marchandage: elles serviront à inciter l'alliance atlantique à faire des concessions. Par ailleurs, ce n'est pas un élément typique des relations bilatérales entre la Russie et la Biélorussie.

    Le projet eurasiatique et ses nuances

    Quel sera donc l'ordre du jour de la rencontre entre les présidents Poutine et Loukachenko?
    Il s'agira avant tout de l'avenir de l'Union eurasiatique, le projet prioritaire du nouveau mandat de Vladimir Poutine. Sa campagne électorale était basée sur la promesse d'intégration eurasiatique, et le seul choix qu'il a désormais est de mener ce projet à bien. Ce sera donc un volet significatif des pourparlers.
    La transformation de l'espace eurasiatique regroupant la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan en un marché commun sera manifestement moins intéressante pour Minsk et Astana dont les produits seraient sérieusement concurrencés non seulement par les marchandises russes mais également celles du monde entier étant donné l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
    La perte des marchés par la Biélorussie et le Kazakhstan devra être contrebalancée soit par des subventions russes (et ces revendications iront clairement croissant aussi bien de la part de Minsk que de la part d'Astana), soit par la création de nouveaux secteurs économiques qui compenseront cette perte et permettront de réorienter la main-d'œuvre et les ressources devenues disponibles vers de nouveaux secteurs prometteurs.
    Dans le cas contraire, il est facilement prévisible que Minsk et Astana freineront la mise en œuvre du projet eurasiatique ce qui ne correspond pas du tout aux objectifs de Poutine.
    Toutefois, ces questions ne semblent pas constituer des éléments évidents de la prochaine rencontre des deux présidents. D'une part, il est peu probable que la Biélorussie et le Kazakhstan disposent déjà d'estimations détaillées de leurs éventuelles futures pertes et, par conséquent, ils ne sont pas vraiment susceptibles de présenter des exigences fondées de compensations.
    D'autre part, l'initiative visant à transformer les économies des trois pays en un acteur capable d'imposer son jeu sur le marché mondial n'a été mise en pratique, à ce jour, qu'en ce qui concerne la fonction de transit de l'Union douanière regroupant les trois pays membres. Etant potentiellement prometteuse, cette ressource d'intégration a aujourd'hui peu de chances de concerner une partie substantielle de la population et de rapporter d'importants bénéfices.
    Les autres secteurs sont pour l'instant négligés. Afin de procéder à l'étape suivante de coopération, la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan devront d'abord accéder à un niveau plus élevé de confiance mutuelle.
    Quoi qu'il en soit, le dialogue de Minsk doit se dérouler dans une ambiance chaleureuse et dans une atmosphère d'entente mutuelle totale, sinon les perspectives du projet d'intégration eurasiatique pourraient être compromises. Or Moscou n'en a certainement pas envie.

    Les messages et les manœuvres

    La visite en Biélorussie est par ailleurs un message clair et parfaitement prévisible de Vladimir Poutine à l'intention de l'Occident. Minsk n'est qu'une escale de la prochaine tournée de Vladimir Poutine qui se rend en Europe. Le président russe sera accueilli à Berlin et à Paris où on ne s'attend pas du tout à une politique isolationniste de la part de la Russie.
    En règle générale, les contradictions surgissant dans les relations entre la Russie et certains pays, n'impactaient pas les liens économiques et politiques de l'élite gouvernante de la Russie avec l'Occident. Cependant, les résultats du sommet russo-biélorusse se répercuteront inévitablement sur les rencontres européennes de Vladimir Poutine.
    Toutefois, ils seront plutôt considérés comme des éléments de manœuvres tactiques qu'une ligne politique.
    Apparemment Minsk recevra également une proposition purement pratique de la part de la Russie qui se sent depuis plusieurs années parfaitement à l'aise dans l'industrie gazière biélorusse. Minsk pourra donc profiter d'une bonne injection financière résultant de l'achat du biélorusse Beltransgaz par le russe Gazprom et des réductions accordées par la Russie sur le gaz russe livré à la Biélorussie.
    Dans le même temps, l'industrie pétrolière biélorusse reste toujours sous la coupe de Minsk. Or, les raffineries biélorusses intéressent beaucoup les traders pétroliers russes.
    De son côté, la Biélorussie aura besoin de nouveau flux financiers à grande échelle. Ainsi, la coopération dans le secteur des hydrocarbures et de l'énergie sera certainement le thème clé des pourparlers des délégations des deux Etats alliés. La visite de Vladimir Poutine est donc loin d'être purement symbolique pour la partie biélorusse.
    En prévision de la rencontre du 31 mai, le président Loukachenko a chargé son gouvernement de préparer des propositions destinées à promouvoir la coopération à long terme avec la Russie. Notamment, il s'agit également d'envoyer un message à l'Occident dans le but de montrer que la Russie reste pour la Biélorussie le principal repère dans les affaires politiques et économiques.
    La veille de la visite du président russe, Alexandre Loukachenko s'est exprimé sans mâcher ses mots: "Nous attendons des démarches concrètes de l'Occident, de l'Union européenne. La balle est dans leur camp. C'est ma conviction profonde. Et je n'ai pas l'intention d'écouter toujours la même antienne."
    L'expérience biélorusse?
    Pour la société russe, la rencontre bilatérale de Minsk revêt également un certain sens symbolique.
    Un nouveau sujet collectif de politique a récemment fait son apparition en Russie. En l'absence de perspectives concernant la vie privée et la carrière des gens, la classe moyenne russe est en quête d'une forme d'expression de ses revendications. Cependant, ni les protestataires eux-mêmes, ni le gouvernement – si on évoque le volet politique des revendications – n'ont encore pris conscience des intérêts de ceux qui protestent.
    Dans ce contexte, le fait que Vladimir Poutine effectue sa première visite étrangère chez Alexandre Loukachenko, connu pour ne pas prendre de gants avec les protestataires locaux, sera considéré par une partie de la société russe comme l'intention éventuelle du président russe d'imiter l'expérience biélorusse, indépendamment des véritables intentions de Poutine.
    Et Alexandre Loukachenko, qui ne rate jamais une occasion de se faire un coup de pub politique, profitera certainement de la chance qui se présente.
    Toutefois, il n'est pas exclu que d'autres volets apparaissent au cours de la visite. L'évolution actuelle de l'économie mondiale dicte avec insistance son propre ordre du jour qui pourrait à tout moment éclipser toutes les autres questions.

    RIA Novosti
    la curiosité est un vilain défaut.
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