Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Les reniements de Hocine Aït Ahmed

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Les reniements de Hocine Aït Ahmed

    Il importe peu au fond de se demander si le statu quo politique a encore de beaux jours en Algérie, si l’opposition qui s’autoproclame démocrate est enfin capable d’unifier ses rangs autour de quelques fondamentaux politiques et économiques ou encore de savoir s’il existe réellement une société civile capable d’abjurer le patriarcat dans ses formes les plus perverses et de construire un espace public sécularisé, sans répudier les valeurs islamiques qui sont au fondement de la nation algérienne.


    Ce qui est sûr, en revanche, est qu’il est peu probable qu’avec la composante de la nouvelle assemblée nationale, l’Algérie accomplisse un saut qualitatif dans la consolidation de la démocratie.
    Il est surtout illusoire d’escompter d’une énième constitution la vocation de transformer substantiellement le rapport des gouvernants avec les gouvernés et d’assurer l’émergence de forces politiques dégagées de la tutelle des clans et de factions installés dans les appareils de l’Etat et non pas exclusivement à leur périphérie, comme l’a affirmé, dans le seul constat juste qu’il a fait durant toute sa carrière, le Premier ministre, tout récemment.

    Dans ce contexte, le pas de deux réalisé par le leader éternel du FFS, Hocine Aït Ahmed, en direction du régime, lui qui a créé en 1963 une formation d’opposition radicale au pouvoir qu’il n’a eu de cesse que de qualifier de prétorien et de militariste, augure mal de l’installation de la démocratie en Algérie par le truchement du FFS.
    Cinquante années durant, Hocine Aït Ahmed (ci-après HAA) a bâti sa notoriété et sa crédibilité morale autant que politique et intellectuelle sur le refus de cautionner, de quelque façon que ce soit, le pouvoir militaro-policier qui aurait été créé pendant la Guerre de libération nationale par des prétoriens (Boussouf et Boumediène, notamment) contre l’idéal de Abane.

    C’est ce même pouvoir qui aurait confisqué les sacrifices consentis par des centaines de milliers d’Algériens pour que l’indépendance accouchât de la démocratie, du pluralisme, du primat des droits de l’homme et des libertés ainsi que de la prospérité économique pour le plus grand nombre, au regard des immenses richesses et atouts que recélait notre pays. Jamais depuis l’indépendance, un homme politique n’avait diabolisé avec autant de violence le régime algérien que HAA. Aucune réforme, aucune avancée, aucune réalisation faite depuis l’indépendance, n’avait jamais trouvé grâce à ses yeux.

    Seuls les islamistes radicaux lui avaient paru dignes d’exercer le pouvoir.Tous les crimes commis pendant la «tragédie nationale» sont imputables, selon lui, aux appareils militaro-sécuritaires ainsi que les massacres collectifs de populations civiles en 1997 et 1998. Il a été celui qui a le plus voué aux gémonies le président Boumediène, prétendument un des concepteurs de l’Etat militariste dont la genèse a même été théorisée (avec force caricatures et approximations aussi bien de méthode que de fond) par un ancien doyen de la Faculté de droit d’Alger, intellectuel organique de son état originel, avant de découvrir sur le tard les vertus de la démocratie libérale(1).
    Pour HAA, d’attitude constante, derrière chaque élimination d’un opposant supposé ou réel au régime, il y a le DRS, depuis 1990 et avant lui, la DGPS, la DGDS et la DCSM. «Tous les Etats du monde ont une armée, seule l’armée algérienne possède son Etat», aimait-il marteler à l’usage de l’opinion publique internationale pour lui faire prendre la mesure du degré d’imprégnation de la société algérienne par l’institution militaire.

    Cela dit, le parti pris de HAA contre le régime algérien au sein duquel il s’est toujours refusé de séparer le bon grain de l’ivraie est cohérent, homogène et au fond respectable, dès lors qu’il est porté par un idéal démocratique et même «droitsdel’hommiste» qui manque cruellement aux représentations mentales de toutes nos élites.

    Au voyage à Canossa

    Mais voilà que tout d’un coup, en 2012, alors que tous les éléments d’analyse et d’appréciation disponibles démontrent que le statu quo s’est déjà incrusté dans l’ensemble du système politique et social, que la Constitution à venir, fût-elle ratifiée par le peuple, ne sera pas plus «performative» que ses devancières mais exclusivement «manipulative», le fondateur du FFS, sans consulter les militants, se répand clandestinement en conciliabules opaques avec le premier magistrat du pays, dans la plus pure tradition de l’omerta politique contre laquelle il aura construit toute son aura aussi bien en Algérie qu’à l’étranger depuis 50 ans.

    Ensuite, il débarque Karim Tabou, installe d’autorité Ali Laskri qui multipliera les déclarations contradictoires et les palinodies jusqu’au dernier jour du scrutin, méprise les mises en garde de personnalités aussi éminentes qu’Ali Kerboua, Mustapha Bouhadef et Djamel Zenati. Il ignore tout aussi superbement, en bon zaïm qui se respecte, la grogne qui commence à monter de la base du parti pour protester contre le parachutage de candidats dans des circonscriptions où activent depuis des lustres des militants FFS disposant d’un large ancrage populaire.

    Last but not least, HAA sanctionne Karim Tabou et Samir Bouakouir (deux authentiques militants du parti qui ont accepté d’avaler un nombre impressionnant de couleuvres pour maintenir, vaille que vaille, l’unité du parti) pour délit d’opinion, et s’agissant de Karim Tabou, pour s’être seulement distancié de la ligne de la direction politique du parti, composée de personnalités cooptés selon les caprices du prince et sans, évidemment, le moindre soupçon de consultation des militants et des cadres du parti.

    En matière d’autoritarisme et d’intolérance, on peut difficilement faire pire et surtout, désormais, HAA ne pourra plus se commettre d’office en directeur de conscience des autocrates présents ou passés de l’Algérie ou des autres pays arabes. Sur ce registre, il a perdu toute crédibilité morale et politique. Par ailleurs, on ne peut manquer de s’émouvoir que la nouvelle direction du FFS ait détourné à son profit le remarquable travail de sensibilisation de l’opinion publique menée par la LADDH, sous la houlette du plus grand militant des droits de l’homme de ce pays, à savoir Ali Yahia Abdenour, alors que son président en titre, prenant à revers tous ses compagnons de route, et après avoir littéralement subverti des milliers et des milliers de jeunes pétris d’enthousiasme et de ferveur, fussent-elles radicales, organisait délibérément l’implosion de la CNCD, après l’avoir présentée comme l’instrument du changement et même celui de la révolution. L’opportunisme politique est décidément consubstantiel aux élites intellectuelles algériennes, par-delà leur segmentation culturelle ou linguistique. Amer constat.

    De vaines compromissions pour un changement illusoire

    Cela posé, comment expliquer qu’au moment même où devant les cadres du RND, le Premier ministre réitère son impuissance à réformer la société algérienne, à faire rendre gorge aux «barons de l’informel», aux multimilliardaires de l’import et aux évadés fiscaux, alors qu’il est pourvu de tous les moyens et de la logistique de l’Etat, dont il connaît les rouages jusque dans leurs moindres détails, le FFS pourrait avec 27 députés sur les 462 que compte l’APN, remettre l’Algérie sur les rails, élargir les espaces de liberté, traquer le crime organisé et le grand banditisme, sortir l’école de l’abîme, diversifier l’économie algérienne pour que la répartition de la seule richesse disponible, autrement dit la rente pétrolière, ne soit plus la seule source de légitimation du pouvoir.

    A l’aide de quel stratagème ? A la faveur de quel miracle de la providence ? Maintenant, si HAA a obtenu des assurances (mais de quel clan, faction ou officine étrangère ?), que le régime allait accomplir son aggiornamento, sans devoir expérimenter une des variantes du «printemps arabe», que la Constitution à venir règlerait tous les problèmes de l’Algérie, que l’ensemble des défis des années 2020 (qui seront très lourds) seront pris en charge et qu’enfin, comme le prophétisait naguère un éminent politologue très initié, le Haut commandement militaire qui devrait succéder à l’actuel serait obnubilé par le seul service de l’Etat(2) que n’a-t-il eu l’élémentaire élégance d’en faire part, non pas seulement aux cadres et militants du FFS, mais à l’ensemble de l’opinion publique algérienne et d’expliquer quelle contribution le FFS allait apporter pour faciliter cette mutation qualitative, à laquelle de moins en moins d’Algériens sont disposés à ajouter foi. Il est regrettable qu’au soir de sa vie, HAA jette par-dessus bord les principes et les règles qu’il s’est imposés 50 ans durant, sans le moindre bénéfice d’inventaire. En réalité, rien ne le distingue fondamentalement de l’ensemble des autocrates qui dirigent les pays arabes.

    La circonstance qu’il ait pu délivrer des oukases à des centaines de cadres du FFS, au contact quotidien du terrain, depuis les bords du Lac Léman, où il a toujours coulé des jours paisibles (grâce en partie à la générosité de l’Internationale Socialiste), creuse encore davantage son compte débiteur. Ce faisant, il ne peut revendiquer aucune filiation à l’égard de Abane, Ben M’hidi, Boudiaf et Boumediène qui, tous, ont payé de leur vie leur amour de l’Algérie, refusant les compromissions et tous les accommodements avec leur conscience. Reste à espérer que l’élection d’avril 2014 soit l’occasion d’un sursaut.

    Les hommes capables de le provoquer se comptent sur les doigts d’une main. Il serait souhaitable que cet homme soit une personnalité d’expérience, ayant déjà exercé de très hautes fonctions, ayant eu à supporter une longue traversée du désert dans une dignité exemplaire et qui, en son temps, aura été empêché de réformer l’Algérie par des clans dont aucun algérien n’a idée du degré de leur extériorité par rapport à la société algérienne. Mais cela n’est évidemment pas un gage de succès pour qui connaît l’univers interlope de la politique algérienne. 


    Note :

    1- M. Benchikh, Algérie : un système politique militarisé, l’Harmattan, 2003
    2- M.Ch Mesbah in TSA du 16 février 2011


    Ali Mebroukine : professeur d’université
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Un mécanisme systémique

    Un mécanisme systémique


    Dans un de mes précédents points de vue, j’avais prétendument évoqué que la logique de tout despote est de « mourir dans son lit ». Cette logique n’a de sens que si elle entretient un dispositif qui pourrait assurer cette fin. Un système dans une gouvernance politique se projette en amont et en aval en une combinaison d’éléments fondamentaux abstraits qui se coordonnent pour aboutir à un résultat voulu. Celui de se prémunir contre les emballements du temps.

    Les enjeux politiques en Algérie se bornent à des considérations électoralistes qui consistent à faire patienter le peuple en lui faisant croire qu’on a découvert des solutions nécessaires à ses problèmes. Cette science de la gestion du temps a pour finalité de différer une impossible sortie de crise. Elle traduit surtout les difficultés d’un pouvoir qui poursuit des objectifs contradictoires, alors qu' une sortie de crise c’est surtout la volonté de rompre le fil de la continuité, même au prix de désaveux réels.
    L’Algérie de 2012 est-elle encore maîtresse de sa destinée comme ses décideurs se forcent à nous le faire accepter ? Le nouvel ordre mondial, pas plus que certaines réalités régionales, ne sont favorables à une prolongation d’un ordre contestable. Faut-il s’étonner dés lors de voir les prémices des premiers craquements d’un système fragile et aléatoire.
    Entre l’optimisme officiel, secondé par une opinion mal informée peut-on encore croire aux promesses d’un président qui ambitionne d’opérer un choix démocratique et de rendre la parole au peuple. Par ailleurs la soudaine métamorphose d’une coopération d’un parti d’opposition à la kermesse électorale, a il est vrai, de quoi nous laisser songeurs. N’illustre t- il pas la duplicité d’une opposition servant sans état d’âme un régime tant détesté. Un paradoxe d’un accord consommé qui illustre en filigrane la peur, voir la panique, d’un changement que dicteraient les forces du chaos.
    Désormais une question se pose : devant le temps qui presse, à qui ce mécanisme systémique pourrait passer le flambeau pour piloter ses changements illusoires ? Probablement à un de ses éléments qui, à une certaine époque, aurait pour vocation comme il se définit à prescrire des réformes.

    Arezki HAMOUDI
    Détenu de la cause berbère des années 70

    Commentaire

    Chargement...
    X