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L'Europe risque de pâtir de la montée en puissance de l'Eurasie

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  • L'Europe risque de pâtir de la montée en puissance de l'Eurasie

    Perçue initialement par l'Occident comme un simple outil militaire destiné à contrebalancer l'influence de l'OTAN, l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) pourrait finalement se révéler un levier plus large, au service d'ambitions économiques nouvelles et indépendantes, propres aux nouvelles puissances eurasiatiques. Et les premiers à en pâtir seront très certainement les Européens. Les grands travaux en gestation - dans un espace géographique prévu pour aller de l'Asie du nord-est à la Turquie - ne prévoient en effet qu'une participation occidentale très limitée. Est-ce là le présage de l'émergence d'une nouvelle aire géopolitique sino-russe échappant largement au contrôle de l'entité transatlantique ?


    Organisé du 6 au 7 juin 2012, le 12e sommet de l'OCS pourrait annoncer une évolution majeure des frontières et des objectifs stratégiques de cette structure internationale fondée en 2001. Comme l'a rappelé Eugeny Bazhanov, directeur de l'Académie diplomatique du ministère russe des Affaires étrangères, son objectif initial était de lutter contre les trois "forces du mal" : la menace du terrorisme islamique, l'extrémisme et le séparatisme. Pour autant, au-delà même des ambitions historiques de l'OCS concernant les affaires de sécurité régionale, les chefs d'État présents au sommet à Pékin ont aussi discuté de son extension à d'autres domaines, davantage orientés vers le commerce et les partenariats géo-économiques asiatiques. Cheng Guoping, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, a donné le ton avant le début de cette rencontre internationale, en avançant que l'élargissement de l'Organisation était urgent et nécessaire.

    Depuis sa création par la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan, l'OCS a progressivement été rejoint par quatre observateurs (Inde, Iran, Mongolie et Pakistan), deux partenaires de dialogue (la Biélorussie et le Sri Lanka), et auxquels il faut à présent ajouter la Turquie (partenaire) et l'Afghanistan (observateur). L'adhésion, sous une forme ou une autre, de la Corée du Sud n'est pas non plus à exclure à l'avenir ! Malgré des intérêts parfois divergents, l'ensemble de ces pays représente un marché considérable, ne serait-ce par le poids de leur démographie. Ce groupe hétéroclite compte aussi des économies parmi les plus dynamiques au monde (Inde, Chine) et verrouille les accès à de nombreuses ressources stratégiques pour le développement des industries européennes et nord-américaines (pétrole, gaz, terres rares).

    Afin de profiter des opportunités économiques et d'enrichissement s'offrant à eux, les pays affiliés à l'OCS aspirent à davantage d'intégration et d'interactions, estimant que de la stabilité de leurs échanges dépendent leur modernisation et la pérennité de leur croissance. La survie de certains régimes en place - particulièrement en Asie centrale - est également un enjeu majeur dans un contexte de revendications sociales internes de plus en plus marquées. Le risque existe que les actions violentes de contestataires ne se multiplient au milieu d'équilibres déjà fragiles (cas de la vallée de la Ferghana au Tadjikistan, par exemple). Concernant les deux leaders de l'Organisation, Moscou et Pékin, ils n'ont aucune raison de souhaiter qu'un mouvement populaire de type printemps arabe ou révolutions de couleur n'embrase leurs voisins, sous peine d'y perdre potentiellement leur influence et les liens étroits entretenus avec les hommes forts de la région. Il faut ajouter que par effet de bord, ces mêmes mouvements populaires éventuels pourraient avoir des conséquences directes sur la Russie et la Chine dont certaines zones restent fragiles (Caucase, Xinjiang).

    Aussi, de la mer Méditerranée à l'océan Pacifique, des projets d'infrastructures nombreux (transport, énergie) sont engagés alors que d'autres sont déjà en préparation, incarnant une "priorité phasée" donnant le pas à la modernisation de l'économie et des infrastructures sur la modernisation politique, du moins provisoirement. Citons notamment l'amélioration de la voie ferrée Istanbul-Almaty ; le projet de restauration de celle reliant Islamabad à Istanbul via Téhéran ; le corridor Mumbai-Saint Pétersbourg ; le raccordement ferré du port de Gwadar à Dalbandin ; le route de Kumming à Chittagong ; etc.. Ce dynamisme des relations bilatérales et ce bouillonnement de projets amènent aujourd'hui les experts à parler d'une véritable renaissance de la mythique "Route de la soie".

    Pour Moscou et Pékin, ce tracé terrestre a naturellement son intérêt. Il a l'avantage d'éviter les routes maritimes et les océans encore largement contrôlés par les puissances occidentales traditionnelles. Il offre de surcroît un contrôle stratégique sur les échanges et les flux Nord-Sud et Asie-Europe. Ce groupe régional eurasiatique leur permet aussi de peser davantage dans les échanges sur les grands dossiers internationaux (Syrie, Corée du Nord, Iran, Afghanistan) particulièrement face à l'Union européenne et aux États-Unis (bouclier antimissile).

    L'absence du président Vladimir Poutine lors du sommet du G8 et à Camp David, en mai dernier, ainsi que son choix d'être présent à Pékin au sommet de l'OCS est ici significative de son virage diplomatique vers la CEI (Communauté des Etats Indépendants) - qu'il a qualifié de "priorité absolue" - et surtout vers l'Asie - et notamment l'Extrême-Orient russe. Dans ce dernier cas, le dirigeant russe a qualifié de "sans précédent" les relations développées avec la Chine, son premier partenaire commercial. Il a ajouté en outre qu'il espérait que leurs échanges bilatéraux progresseront encore pour passer de 100 milliards de dollars d'ici 2015 à 200 milliards de dollars d'ici 2020. Le rapprochement entre Moscou et Pékin doit donc s'entendre comme durable, au moins est il affiché comme tel.

    Toutefois, à l'instar du club des BRICS, les disparités et rivalités entre les Etats impliqués dans les activités de l'OCS sont nombreuses et tenaces. La Russie a par exemple autant besoin de la Chine, comme pays consommateur de ses ressources naturelles, qu'elle s'en méfie notamment au regard de la concurrence nouvelle qu'elle lui impose sur les marchés de l'armement et de sa force de frappe démographique pouvant conquérir "par le ventre" des territoires russes vides. Néanmoins, la tendance est à la convergence de vues et à la volonté d'avancer entre "ennemis" d'hier. Moscou et Kaboul ont ainsi entamé un rapprochement sur fond de lutte contre le narcotrafic tandis que New Delhi et Islamabad favorisent les échanges à leurs frontières. La Chine et l'Inde se témoignent aussi des signes de bonne volonté via une relance des visites bilatérales. En Asie du Nord-est cette fois-ci, la Russie, la Chine mais aussi les deux Corées et le Japon discutent afin de lancer des projets pour favoriser les échanges, ce qui permettra d'assurer l'approvisionnement énergétique de Séoul et Tokyo mais aussi de désenclaver la prometteuse Mongolie - parfois baptisé "Minegolie" par les investisseurs. Ce désir de dialogue témoigne a minima de l'intérêt qu'ont ces pays à se rapprocher économiquement aujourd'hui, au lieu de s'opposer frontalement et durablement ; une question de pragmatisme à l'heure de la crise mondiale !

    Cette volonté d'établir des contacts est aussi révélatrice de la capacité de la Russie et de la Chine à peser en faveur de l'apaisement des tensions en Asie. L'un et l'autre incitent certainement leur allié local à la retenue - soit l'Inde pour la Russie et le Pakistan pour la Chine. Les deux géants aspirent en effet à profiter de l'échéance et de l'aubaine géopolitique majeure que constitue 2014 - date du retrait américain d'Afghanistan - pour reprendre en main le destin de la région. Aussi, coordonnant leur diplomatie, Moscou et Pékin semblent véritablement se donner les moyens de ne pas fournir une "bonne" occasion aux puissances occidentales de rester dans la région après le départ de la coalition.

    Dans ce jeu d'influence, Moscou semble jouir d'un coup d'avance sur Pékin, notamment grâce à son héritage soviétique remis au goût du jour avec le projet d'Union eurasiatique et la relance de la coopération militaire au sein de l'Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC). Quelques points durs demeurent néanmoins dans l'ancien espace soviétique, avec la Géorgie et l'Azerbaïdjan. Cette "résistance" dans la zone pivot du Caucase, théâtre historique des rapports de forces entre Russie et monde musulman, n'est pas sans conséquence sur la viabilité des projets russes et chinois. En effet, aujourd'hui, la tension y est palpable, "l'alibi" iranien pouvant à tout moment servir de déclencheur à un embrasement régional qui pourrait avoir des conséquences bien au-delà de cette zone.

    Pour l'Europe, cette question de l'émergence d'un nouvel espace politique - quand bien même la réalité de son "intégration" véritable paraît peu probable à court et moyen terme - pose la question de sa posture vis-à-vis de l'Asie à l'horizon 2020-2030. À l'heure des restrictions budgétaires drastiques - y compris dans le domaine de la diplomatie et de la défense, la question de la capacité des pays de l'Union européenne à défendre leurs intérêts vitaux est posée. En effet, comment le vieux continent entend-il à l'avenir sécuriser ses approvisionnements stratégiques et ses routes commerciales avec des outils de puissance en berne.

    Par Bertrand Slaski, consultant senior au CEIS

    Source : lemonde.fr
    La pire chose pour l'Homme, serait qu'il meurt idiot.
    De grâce épargnez-moi la prolixe, la syntaxe et la chiffrerie à tout va
    .
    Merci.
    " TOUCHE PAS A MA NAPPE ALBIENNE "

  • #2
    Eurasie = Europe + Asie !!

    l'Europe risque de pâtir d'elle même !!!!!
    .
    .
    ''La pauvreté ne sera plus séditieuse, lorsque l'opulence ne sera plus oppressive''
    Napoléon III

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