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Initiative citoyenne et participante Nabni : Cinq enseignements du Titanic à l’attention du «navire Algérie»

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  • Initiative citoyenne et participante Nabni : Cinq enseignements du Titanic à l’attention du «navire Algérie»

    Samedi 26 mai, nous lancions, sous le thème «Développement économique et création d’emploi», la première d’une série de publications thématiques qui s’étalera jusqu’au 5 juillet, jour du cinquantenaire de notre indépendance.

    Ces travaux seront rassemblés dans le rapport Algérie 2020 : bilan, vision et perspectives par les générations de l’indépendance, produit de l’initiative citoyenne et participative Nabni. Nous avions utilisé l’image du Titanic, ce magnifique paquebot qui, malgré toute sa puissance, a sombré il y a exactement un siècle au contact d’un iceberg qu’il n’a pu éviter, faute d’avoir entamé son virage à temps. L’histoire de ce naufrage est riche d’enseignements et de parallèles avec la situation actuelle du «navire Algérie». Nous les illustrerons par une série de textes qui accompagneront nos publications thématiques au cours des prochaines semaines, en suivant la trame du rapport Algérie 2020. Cette image du Titanic nous permet de souligner la nature du virage que notre pays doit urgemment amorcer. La perspective de cet iceberg, image de la fin de notre prospérité rentière, nous impose d’engager le pays dans un projet de développement qui soit suffisamment audacieux et ambitieux, pour rompre avec la trajectoire actuelle et mener, enfin, notre jeune navire de 50 ans à bon port. Toutefois, le risque est que ce cri d’alarme citoyen ne subisse le sort des avertissements télégraphiques que le Titanic avait reçus la veille de son naufrage : ces messages avaient été ignorés par un poste de commandement obstinément convaincu que les icebergs annoncés n’étaient pas si proches…



    Premier enseignement

    L’illusion de puissance ou le «matelas imaginaire» des 200 milliards de dollars : l’Etat n’en dispose pas.
    La puissance du Titanic, ses immenses réserves de charbon et l’illusion de maîtrise que procurait un moteur surpuissant ont contribué à sa perte. L’équipage croyait le navire insubmersible et ses membres étaient convaincus que la puissance de ses turbines lui permettrait de manœuvrer suffisamment vite pour éviter tout obstacle. Au moment où l’iceberg fut visible et l’alerte donnée, cette illusion de puissance laissa place à la cruelle réalité d’un navire incapable de changer sa trajectoire suffisamment vite. Le Titanic avait en réalité amorcé son virage trop tard. Parmi les illusions rassurantes que nous avons le devoir de dénoncer, celle du «matelas» de quelque 200 milliards de dollars, qui seraient à disposition de l’Etat pour les investir en Algérie, est probablement la plus fallacieuse. Combien de citoyens, de personnalités politiques ou d’experts ont appelé depuis des années à «ramener» cet argent en Algérie pour le dépenser ou l’investir chez nous ?

    Combien de revendications, aussi légitimes soient-elles, se sont appuyées sur cet argument que l’Etat, riche de ses 200 milliards de dollars, ferait mieux de les mettre au profit de l’économie nationale au lieu de les placer en bons du Trésor américain ? Combien de caricatures d’«un pays riche de 200 milliards de dollars et d’une population pauvre» avons-nous lues à la une de la presse nationale ou internationale ? Cette vision d’un «trésor» placé à l’étranger et disponible pour l’Etat, à l’instar d’un compte personnel en devises, est malheureusement fausse. Il n’existe pas de compte épargne contenant 200 milliards de dollars que l’Etat pourrait mobiliser et rapatrier. La raison est que ces réserves de change ont déjà été converties en dinars. Elles sont déjà chez nous, en circulation dans l’économie. Le seul matelas d’épargne dont dispose l’Etat se trouve dans le Fonds de régulation des recettes (FRR), qui cumule ce que l’Etat a pu «mettre de côté» ces dernières années en y versant les excédents de recettes fiscales par rapport à ses dépenses. Seul ce FRR constitue une véritable épargne nationale, réellement à la disposition de l’Etat. Son montant avoisine les 5400 milliards de dinars (soit l’équivalent d’environ 70 milliards de dollars). Nous y reviendrons.


    Pourquoi l’État ne dispose- t-il pas des 200 milliards de dollars ?


    Prenons un exemple très simple (et réel) pour éviter d’utiliser un jargon d’économistes qui a contribué à alimenter la confusion et maintenir l’illusion de richesse : une petite entreprise d’informatique basée à Alger a pu exporter en 2010 un logiciel pour une valeur de 1000 dollars. Scrupuleux du respect de la loi, l’entrepreneur a tout fait dans les règles. Le client lui a transféré les 1000 dollars que la Banque d’Algérie a convertis en à peu près 75 000 DA qui se sont retrouvés sur son compte bancaire.
    Que sont devenus les 1000 dollars ? Ils sont allés s’ajouter aux quelque 200 milliards de dollars de réserves de change que la Banque d’Algérie gère et qui sont placés à l’étranger. Mais leur équivalent en dinars, les 75 000 DA, sont sur le compte de l’entreprise.

    Aujourd’hui, l’Etat ne peut pas demander à la Banque d’Algérie de reconvertir une fois de plus en dinars ces 1000 dollars placés aux Etats-Unis et de les lui verser dans son budget pour pouvoir les dépenser. Leur «équivalent en dinars» a déjà été versé dans l’économie – l’Etat en a d’ailleurs pris une part en levant l’impôt sur cette société. Ce qui est vrai pour les 1000 dollars de cette entreprise l’est tout autant pour les dizaines de milliards de dollars de recettes d’exportation que Sonatrach génère chaque année.
    La Banque d’Algérie convertit ces recettes en dinars et les verse sur le compte bancaire de l’entreprise. L’Etat ponctionne une grande partie de ces dinars pour financer ses dépenses et met de côté, dans le FRR, ce qu’il ne dépense pas. Quant aux milliards de dollars transférés par les clients étrangers, ils n’appartiennent dorénavant ni à Sonatrach ni à l’Etat, mais sont versés dans les réserves de change de la Banque d’Algérie qui place cette «caisse à devises» à l’étranger.

    On ne peut pas, une deuxième fois, reconvertir en dinars ces réserves et les mettre à disposition de l’Etat. Cela a déjà été fait. Comme dans l’exemple de l’entreprise informatique, l’équivalent en dinars de ces recettes d’exportations est déjà en Algérie. Pas un seul dollar des réserves ne peut être rapatrié une deuxième fois au bénéfice de l’Etat. Il n’y a tout simplement pas accès. Ce «trésor» n’en est pas un.


    Dans ce cas, à quoi servent les 200 milliards de dollars placés à l’étranger ?


    Tout simplement à fournir les devises dont les opérateurs ont besoin pour régler leurs factures d’importation. C’est pour cela qu’elles prennent le nom de «réserves de change». Quand notre petite entreprise (ou l’Etat lui-même) voudra importer un ordinateur, elle règlera la facture en déboursant des dinars que la Banque d’Algérie convertira en dollars (en allant puiser dans les réserves de change) pour payer le fournisseur étranger. Ces réserves ne sont finalement utiles que pour régler les factures en devises de nos importations. C’est important. En avoir autant nous assure et assure nos partenaires étrangers que nous ne devrions pas avoir de soucis dans les années à venir pour régler les factures de nos achats à l’étranger. C’était loin d’être le cas au début des années 1990. Mais en aucun cas ces 200 milliards de dollars ne peuvent être mis à disposition de l’Etat pour les investir ou les dépenser en Algérie. C’est tout simplement une illusion de richesse.

    (...)

  • #2
    suite...

    Où placer les réserves de change à l’étranger ?


    Une question presque «accessoire». Si ces 200 milliards de dollars ne représentent pas un vrai «matelas» à la disposition de l’Etat, pourquoi autant de débats sur la rentabilité de leur placement ? Cette question est essentiellement technique, elle est presque accessoire. Notre pays a aujourd’hui besoin d’un nouveau modèle de croissance diversifiée, créatrice d’emplois, pas de devises supplémentaires. Augmenter les intérêts de placement de ces réserves de change ne devrait pas du tout être une priorité. La prudence actuelle en termes de placement est un bon choix. Inutile de prendre plus de risques pour gagner encore plus de devises qui ne contribueront ni à la création d’emplois ni à réduire notre dépendance aux hydrocarbures. Nos priorités sont ailleurs.


    Peut-on utiliser une partie de ces réserves de change pour acheter des parts d’entreprises étrangères ?


    L’option d’un fonds souverain international au service d’une politique industrielle. Certains pensent que ces années d’incertitude ou de crise économique dans les pays industrialisés offrent des opportunités intéressantes d’achat de parts d’entreprises étrangères. Pourquoi ne pas en profiter pour investir une partie des réserves de change dans l’acquisition de groupes internationaux ? Si l’objectif est de trouver des placements plus rentables pour ces réserves, c’est inutile et surtout risqué. Les participations à logique financière dans le capital d’entreprises sont très incertaines et il est dangereux de mettre en péril une partie de nos réserves pour espérer engranger davantage de devises. Par contre, si l’objectif est de devenir actionnaires d’entreprises internationales qui pourraient contribuer, par l’investissement et le transfert de technologies, à mettre en œuvre une politique industrielle bien définie, alors ces placements deviennent stratégiques et le risque associé pourrait être justifié. Le chantier n°2 de la vision économique d’Algérie 2020 propose justement la constitution, à partir de 2015, d’un fonds souverain international au service d’une politique industrielle (chantier n°5) qui prenne, de manière ciblée, des participations dans le capital d’entreprises internationales dans certains secteurs-clés afin d’orienter leur politique d’investissement vers l’Algérie et de contribuer à la mise en œuvre de la politique industrielle.

    Ce fonds souverain serait alimenté directement par une partie des recettes d’exportation de Sonatrach, sans que ces dernières ne soient converties en dinars et injectées dans l’économie nationale comme c’est le cas actuellement. Ces recettes seraient ainsi «stérilisées» (c’est à dire qu’elles ne donneraient pas lieu à une conversion en dinars injectés dans l’économie), ce qui offre l’avantage d’éviter les effets néfastes de toutes ces liquidités générées par Sonatrach qui inondent un système bancaire déjà en surliquidité.
    Si le seul matelas dont dispose l’Etat est le FRR et ses 5400 milliards de dinars, sommes-nous à l’abri de difficultés budgétaires ?
    Non : seconde alerte, l’iceberg pointe. Ce qui a été épargné depuis la décision très sage de mise en place du FRR est considérable.
    Ce matelas représentera, fin 2012, près de 29% du PNB. Il faut cependant soustraire la dette de l’Etat de ce montant pour se faire une meilleure idée de l’épargne réelle dont le pays dispose : cette part chute en fait à 19% du PNB. Mais l’augmentation vertigineuse des dépenses de fonctionnement de l’Etat depuis 2010 est en train de sérieusement mettre en péril ce matelas prudemment constitué depuis des années. Il a été mis en place pour servir durant les «années de disette» qui nous guettent et non pour être entamé au moment où notre aisance financière est censée être au plus haut. Autrement dit, le matelas devrait gonfler en période d’aisance financière et se réduire en période de crise.

    Il ne s’agit pas de remettre en cause des augmentations salariales, justifiées en grande partie pour rattraper des retards, mais de souligner l’imprudence d’augmenter ces dépenses sans perspective de diversification et de croissance des recettes. Il ne s’agit pas non plus de remettre en cause la nécessité de moderniser les infrastructures, mais de souligner qu’il est nécessaire de mettre en œuvre les réformes qui maximiseront l’effet d’entraînement des grands projets publics sur l’économie nationale.
    En 2011, pour la première fois, les recettes ordinaires de l’Etat (qui ne proviennent pas des hydrocarbures) n’ont même pas couvert les salaires des fonctionnaires.

    Malgré l’aisance financière et les prix élevés du baril de pétrole, 2012 clôturera une série de 4 années de déficits budgétaires.
    Nous ne retrouverons l’équilibre que si le prix du baril dépasse les 110 dollars (ce prix d’équilibre du budget était de 75 dollars en 2009 et de 40 dollars en 2006). Un scénario neutre et stable d’évolution du prix du baril réduirait le FRR à 15% du PNB en 2016 (contre 29% aujourd’hui) et l’épargne nette de l’Etat à 8% (contre 19% aujourd’hui). Pire, si le prix du baril venait à tomber à 70 dollars, ce qui est probable, le FRR fonderait à 4% du PNB en 2016, alors que l’épargne nette de l’Etat deviendrait négative, tombant à -21%. Rappelons-nous en effet 1985, et observons le ralentissement actuel de l’Inde, de la Chine, la crise en Europe, les découvertes de gaz de schiste et de nouveaux gisements. Un baril restant à un niveau relativement bas n’est pas une fiction.


    L’iceberg est là, bien visible, nous ne pouvons plus le nier


    Le grand virage doit être engagé d’urgence : couper le cordon de la rente, diversifier les recettes fiscales, adopter une vision économique cohérente, élever l’emploi au rang de priorité nationale et réformer en profondeur la gouvernance économique : ce sont les 4 leviers de la vision économique d’Algérie 2020.
    Un matelas d’épargne qui risque d’être en grande partie consommé en 4 ans ; un supposé trésor de 200 milliards de dollars qui n’en est pas un. Deux illusions que nous nous devions de dénoncer. D’autres menacent notre navire Algérie.

    source: el watan

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