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ARGENTINE: Apprendre à vivre sans dollars

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  • ARGENTINE: Apprendre à vivre sans dollars

    Après avoir durci le contrôle des changes pour préserver les réserves de la Banque centrale, le gouvernement pourrait interdire l'épargne en billets verts. Cristina Kirchner a donné l'exemple en annonçant qu'elle allait convertir en pesos son compte libellé en dollars. Mais cela n'a pas freiné la flambée du cours de la devise américaine sur le marché parallèle.

    Le gouvernement argentin compte interdire la vente de dollars à des fins de thésaurisation. La devise nord-américaine, un bien rare qui n'est pas produit dans le pays, pourra être utilisée pour payer les importations, pour rembourser la dette externe et pour le tourisme, mais il ne sera plus possible d'épargner en dollars. Le gouvernement ne l'a pas encore annoncé, mais la décision est prise : les Argentins doivent apprendre à vivre sans dollars. [Ils ont besoin d'une autorisation spéciale pour chaque retrait de dollars.]

    Selon un rapport récent de la Banque mondiale, au cours du premier trimestre 2012, environ 15 milliards de dollars sont sortis d'Irlande, 22 milliards du Portugal, 85 milliards d'Italie et 120 milliards d'Espagne. La présidente Cristina Fernández de Kirchner ne veut pas que l'Argentine connaisse le même sort. Sur fond de plan d'aide octroyé par la Commission européenne au secteur bancaire espagnol et face à l'imminence d'un défaut de paiement grec, le gouvernement argentin a décidé de faire attention à ses devises.

    En économie, on peut faire tout ce que l'on veut sauf éviter les conséquences de ce que l'on a fait. Le gouvernement le sait bien : si, en cessant la vente de dollars à un cours officiel, on provoque l'envolée du cours du dollar "parallèle", un nouveau facteur d'incertitude risque de venir s'ajouter à la crise internationale. L'affaire est délicate.

    La fermeture du robinet officiel du dollar a entraîné une flambée du billet vert sur le marché noir. Or le ministre de l'Intérieur, Florencio Randazzo, a beau comparer le marché souterrain des devises à celui des chaînes hi-fi volées, le ministère de l'Economie, lui, sait bien qu'illégal ou pas le dollar parallèle "compte" : son cours fait partie des indicateurs que suivent les acteurs économiques. Le secrétaire au Commerce, Guillermo Moreno, estime ainsi que plus l'écart entre dollar "au noir" et dollar officiel est faible, mieux c'est. Et si cet écart augmente, il faut s'employer à le réduire. Il y a alors deux possibilités : soit on dévalue, soit on fait baisser le dollar "parallèle". En l'occurrence, c'est cette deuxième option qui a été choisie.

    Reste qu'il est difficile de savoir si le gouvernement parviendra à "dédollariser" l'épargne des particuliers. Ce qui est certain, c'est qu'il augmenterait ses chances en expliquant à la population pourquoi il fait ce choix. Or, c'est Guillermo Moreno qui est en charge de l'économie, et Guillermo Moreno ne parle pas.

    Les fonctionnaires en charge de l'économie et d'autres économistes du gouvernement s'accordent sur un point : il faut freiner la fuite des devises. Ceux qui pensaient encore récemment qu'on pouvait prélever des dollars sur le marché pour améliorer la balance courante ont changé d'avis. Car la situation mondiale s'est dégradée.

    De nombreux analystes affirment que "le contrôle des changes n'a jamais fonctionné". La réalité est que ces mesures ont toujours été prises quand le pays avait des devises. Comme aujourd'hui : la Banque centrale possède 47 milliards de réserves en dollars et on s'oriente vers un excédent commercial de plus de 10 milliards de dollars. L'interdiction de la vente de dollars à des fins de thésaurisation est donc une mesure préventive. [L'Etat craint de voir fondre les réserves de la Banque centrale et de ne plus pouvoir financer ses importations. Depuis qu'il a fait défaut sur sa dette en 2002, le pays n'a plus accès aux crédits internationaux.]

    Au ministère de l'Economie, on assure que le facteur confiance joue un rôle prépondérant sur le marché. Les grands médias et les soi-disant "spécialistes" néolibéraux, qui réapparaissent après plusieurs années d'abstinence médiatique due à une série d'erreurs de pronostic, attisent la peur. De nombreux épargnants ont commencé à retirer leurs dollars des banques. Mais les dépôts en billets verts n'ont pas disparu. A peine 30 % du volume des dépôts en dollars ont été utilisés pour des prêts, dont les bénéficiaires sont essentiellement des exportateurs ou des particuliers ayant des revenus en dollars.

    Le secteur agroalimentaire a compliqué les choses, en retardant la liquidation des recettes en devises générées par ses exportations. Moreno a donc décidé de réduire le délai qui est accordé aux exportateurs pour faire entrer les devises dans le pays. Un sujet qui mériterait lui aussi des explications.

    Le gouvernement a commencé à émettre des signaux destinés à tranquilliser les épargnants. La présidente a ainsi annoncé qu'elle allait vendre ses avoirs en devises étrangères et demander aux fonctionnaires d'en faire autant. A l'époque où Ronald Reagan était gouverneur de Californie, cet Etat a connu l'une des pires crises énergétiques de l'histoire des Etats-Unis. Un soir, il est apparu à la télévision pour demander à la population de faire attention à sa consommation ; puis il a éteint une à une les lumières de son bureau. En quelques minutes, les lumières de toute la Californie se sont elles aussi éteintes. La leçon par l'exemple, ça marche.

    Les autorités planchent aussi sur l'offre, par les banques et à tous leurs clients, d'un portefeuille d'investissements en pesos plus rentables que les placements à terme : des titres d'Etat en pesos, des fonds communs de placement, des fonds fiduciaires pour l'agroalimentaire, le bâtiment, etc.

    Selon la Banque centrale, en 2011, quand la vente de dollars était libre, seuls 6 % des Argentins de plus de dix-huit ans s'en sont procuré à des fins d'épargne. Et, d'après les chiffres du ministère de l'Economie, chaque Argentin détient en moyenne 1 500 dollars. Au Brésil, la moyenne est de six dollars par habitant – et les Brésiliens ne s'en portent pas plus mal. Il ne reste plus au gouvernement qu'à convaincre les épargnants qu'ils peuvent vivre sans dollars.

    source: courrier international
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