UNE ORGANISATION ENTRAINEE, FINANCEE ET SOUTENUE PAR L’ONCLE SAM
Comment en finir avec la "Guerre contre la Terreur" déclenchée par les USA en 2001 si l’on ne comprend pas comment le terrorisme islamique est né, quels intérêts il sert, et par qui il est utilisé encore aujourd’hui ? A travers une analyse historique passant par l’Afghanistan, les Balkans, l’Algérie, ou encore la Palestine et Israël, le spécialiste en terrorisme international Nafeez Mosaddeq Ahmed, nous aide à démêler cet écheveau apparemment incompréhensible des réseaux terroristes que l’on appelle la nébuleuse "al-Qaïda". Enquête :
Qui est Al-Qaïda ?
Al-Qaïda en arabe “la base” est un mouvement islamiste fondé par le cheik Abdullah Yusuf Azzam et son élève Oussama ben Laden en 1987. D'inspiration sunnite fondamentaliste, il prend ses racines dans l'idéologie de Sayyid Qutb et celle de l'activiste kharidjite Abdel Salam Faraj, et considère que les gouvernements « croisés » (occidentaux), avec à leur tête celui des États-Unis, interfèrent dans les affaires intérieures des nations islamiques et ce dans l'intérêt unique des sociétés occidentales. Il recourt au terrorisme pour faire entendre ses revendications. Al-Qaïda a émergé de l'organisation Maktab al-Khadamāt, constituée pendant la première guerre d'Afghanistan par Azzam pour alimenter la résistance afghane contre les forces armées d'URSS. Maktab al-Khadamāt servait à relayer de multiples dons en provenance de pays islamiques, mais aussi du gouvernement américain qui, dans le contexte de la guerre froide, contribua à la formation de moudjahiddins pour contrer l'expansionnisme soviétique (« programme afghan » de la CIA).
Le djihad de la CIA
Les militants fondamentalistes islamiques sont les ennemis d’Israël et des gouvernements occidentaux, n’est-ce pas ? Eh bien, voyez par vous-mêmes. Il fut un temps où la CIA entrainait, finançait et soutenait Oussama ben Laden et ses réseaux de moudjahidines en Afghanistan pour repousser l’invasion soviétique. Après la fin de la Guerre froide, ben Laden se retourna contre l’Occident et on n’eut plus jamais recours à ses services. Ses attaques insistantes contre nous pendant plus d’une décade, culminant avec le 11-Septembre, nous conduisirent à répliquer, en menant la « Guerre contre la Terreur ». Voilà pour l’histoire officielle. Mais cette histoire est fausse. Non seulement les services de renseignement occidentaux continuèrent de renforcer les réseaux islamistes extrémistes et les groupes terroristes liés à al-Qaïda après la Guerre froide, mais ils poursuivirent [cette politique] même après le 11-Septembre. L’histoire commence à l’été 1979, six mois avant l’invasion soviétique, alors que la CIA avait déjà commencé de financer les éléments d’une force de moudjahidines islamistes qui émergeait en Afghanistan. L’idée, d’après l’ancien conseiller à la Sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, et l’ancien Directeur de la CIA, Robert Gates, était d’accroître la probabilité d’une invasion soviétique, et de piéger « les Soviets dans un bourbier vietnamien. » Oussama ben Laden arriva en Afghanistan plus tard dans l’année, envoyé par le chef des services secrets saoudiens, le Prince Turki Al-Faisal, et il y installa le Maktab al-Khidamat (MAK) qui permit de financer, recruter et entraîner les moudjahidines.
Ben Laden, le MAK, et les moudjahidines afghans reçurent de la CIA environ un demi-milliard de dollars par an au total, et à peu près autant des Saoudiens, le tout étant acheminé par l’ISI (Inter-Services Intelligence), le service de renseignement pakistanais. Vers 1988, comme l’indiquait le Jane’s Defence Weekly, « Avec l’aval des États-Unis, ben Laden créa al-Qaïda (la Base): un conglomérat de cellules islamistes terroristes quasi indépendantes les unes des autres, reparties à travers au moins 26 pays ».
L’islamisme et la doctrine de déstabilisation de la CIA
Après la chute de l’Union soviétique, et en particulier en 1991 quand les Saoudiens acceptent de voir stationner 300 000 soldats états-uniens au moment de l’invasion du Koweït par l’Irak, Oussama ben Laden se retourne soi-disant contre ses anciens maîtres à Riyad et Washington. Depuis lors, ben Laden et son réseau terroriste al-Qaïda deviennent nos ennemis, ciblant les citoyens et les intérêts occidentaux pendant toutes les années 1990, et perpétrant l’attaque la plus dévastatrice de toutes, avec les atrocités du 11-Septembre aux États-Unis. Malheureusement, c’est là que l’histoire officielle commence à flancher. Car après 1991, les islamistes affiliés à al-Qaida ont continué de bénéficier d’un soutien sélectif des agences de renseignement occidentales. Cette politique fut révélée par Graham Fuller, directeur adjoint du Conseil national du renseignement (National Council on Intelligence) de la CIA, quand il expliqua : « La politique consistant à guider l’évolution de l’Islam et à aider les musulmans contre nos adversaires a parfaitement fonctionné en Afghanistan contre l’Armée rouge. On peut encore recourir aux mêmes procédés pour déstabiliser ce qui reste du pouvoir de la Russie, et en particulier pour contrer l’influence chinoise en Asie centrale.
L’Afghanistan, le Big Oil et les talibans
Au cours des années 1990, le soutien ciblé des services secrets états-uniens aux réseaux islamistes extrémistes avait non seulement pour but de déstabiliser le potentiel de la Russie et l’influence de la Chine, mais aussi celui de sécuriser le contrôle par l’Occident, et en premier lieu par Washington, des réserves stratégiques en énergie. Quand ben Laden se transféra du Soudan en Afghanistan en juin 1996, le Département d’État américain prévint que ce changement « pourrait s’avérer plus dangereux pour les intérêts des États-Unis, » car cela offrait à ben Laden « la possibilité de soutenir des individus et des groupes qui ont l’envie et les moyens nécessaires d’attaquer les intérêts américains presque partout sur le globe. Le Pakistan lui offrit sa protection à condition qu’il aligne ses combattants moudjahidines sur les talibans. La nouvelle alliance al-Qaïda / talibans aurait été approuvée par les Saoudiens. Pourtant, comme le très respecté correspondant pakistanais Ahmed Rashid le rapporta, les renseignements états-uniens soutenaient les talibans comme moyen d’influence régionale au moins entre 1994 et 1998. Cette politique fut poursuivie jusqu’en 2000, en dépit de la multiplication des avertissements. Ainsi, lorsque les talibans prirent Kaboul en 1996, un porte-parole du Département d’État ne trouva « rien à redire » à l’événement.
Comment en finir avec la "Guerre contre la Terreur" déclenchée par les USA en 2001 si l’on ne comprend pas comment le terrorisme islamique est né, quels intérêts il sert, et par qui il est utilisé encore aujourd’hui ? A travers une analyse historique passant par l’Afghanistan, les Balkans, l’Algérie, ou encore la Palestine et Israël, le spécialiste en terrorisme international Nafeez Mosaddeq Ahmed, nous aide à démêler cet écheveau apparemment incompréhensible des réseaux terroristes que l’on appelle la nébuleuse "al-Qaïda". Enquête :
Qui est Al-Qaïda ?
Al-Qaïda en arabe “la base” est un mouvement islamiste fondé par le cheik Abdullah Yusuf Azzam et son élève Oussama ben Laden en 1987. D'inspiration sunnite fondamentaliste, il prend ses racines dans l'idéologie de Sayyid Qutb et celle de l'activiste kharidjite Abdel Salam Faraj, et considère que les gouvernements « croisés » (occidentaux), avec à leur tête celui des États-Unis, interfèrent dans les affaires intérieures des nations islamiques et ce dans l'intérêt unique des sociétés occidentales. Il recourt au terrorisme pour faire entendre ses revendications. Al-Qaïda a émergé de l'organisation Maktab al-Khadamāt, constituée pendant la première guerre d'Afghanistan par Azzam pour alimenter la résistance afghane contre les forces armées d'URSS. Maktab al-Khadamāt servait à relayer de multiples dons en provenance de pays islamiques, mais aussi du gouvernement américain qui, dans le contexte de la guerre froide, contribua à la formation de moudjahiddins pour contrer l'expansionnisme soviétique (« programme afghan » de la CIA).
Le djihad de la CIA
Les militants fondamentalistes islamiques sont les ennemis d’Israël et des gouvernements occidentaux, n’est-ce pas ? Eh bien, voyez par vous-mêmes. Il fut un temps où la CIA entrainait, finançait et soutenait Oussama ben Laden et ses réseaux de moudjahidines en Afghanistan pour repousser l’invasion soviétique. Après la fin de la Guerre froide, ben Laden se retourna contre l’Occident et on n’eut plus jamais recours à ses services. Ses attaques insistantes contre nous pendant plus d’une décade, culminant avec le 11-Septembre, nous conduisirent à répliquer, en menant la « Guerre contre la Terreur ». Voilà pour l’histoire officielle. Mais cette histoire est fausse. Non seulement les services de renseignement occidentaux continuèrent de renforcer les réseaux islamistes extrémistes et les groupes terroristes liés à al-Qaïda après la Guerre froide, mais ils poursuivirent [cette politique] même après le 11-Septembre. L’histoire commence à l’été 1979, six mois avant l’invasion soviétique, alors que la CIA avait déjà commencé de financer les éléments d’une force de moudjahidines islamistes qui émergeait en Afghanistan. L’idée, d’après l’ancien conseiller à la Sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, et l’ancien Directeur de la CIA, Robert Gates, était d’accroître la probabilité d’une invasion soviétique, et de piéger « les Soviets dans un bourbier vietnamien. » Oussama ben Laden arriva en Afghanistan plus tard dans l’année, envoyé par le chef des services secrets saoudiens, le Prince Turki Al-Faisal, et il y installa le Maktab al-Khidamat (MAK) qui permit de financer, recruter et entraîner les moudjahidines.
Ben Laden, le MAK, et les moudjahidines afghans reçurent de la CIA environ un demi-milliard de dollars par an au total, et à peu près autant des Saoudiens, le tout étant acheminé par l’ISI (Inter-Services Intelligence), le service de renseignement pakistanais. Vers 1988, comme l’indiquait le Jane’s Defence Weekly, « Avec l’aval des États-Unis, ben Laden créa al-Qaïda (la Base): un conglomérat de cellules islamistes terroristes quasi indépendantes les unes des autres, reparties à travers au moins 26 pays ».
L’islamisme et la doctrine de déstabilisation de la CIA
Après la chute de l’Union soviétique, et en particulier en 1991 quand les Saoudiens acceptent de voir stationner 300 000 soldats états-uniens au moment de l’invasion du Koweït par l’Irak, Oussama ben Laden se retourne soi-disant contre ses anciens maîtres à Riyad et Washington. Depuis lors, ben Laden et son réseau terroriste al-Qaïda deviennent nos ennemis, ciblant les citoyens et les intérêts occidentaux pendant toutes les années 1990, et perpétrant l’attaque la plus dévastatrice de toutes, avec les atrocités du 11-Septembre aux États-Unis. Malheureusement, c’est là que l’histoire officielle commence à flancher. Car après 1991, les islamistes affiliés à al-Qaida ont continué de bénéficier d’un soutien sélectif des agences de renseignement occidentales. Cette politique fut révélée par Graham Fuller, directeur adjoint du Conseil national du renseignement (National Council on Intelligence) de la CIA, quand il expliqua : « La politique consistant à guider l’évolution de l’Islam et à aider les musulmans contre nos adversaires a parfaitement fonctionné en Afghanistan contre l’Armée rouge. On peut encore recourir aux mêmes procédés pour déstabiliser ce qui reste du pouvoir de la Russie, et en particulier pour contrer l’influence chinoise en Asie centrale.
L’Afghanistan, le Big Oil et les talibans
Au cours des années 1990, le soutien ciblé des services secrets états-uniens aux réseaux islamistes extrémistes avait non seulement pour but de déstabiliser le potentiel de la Russie et l’influence de la Chine, mais aussi celui de sécuriser le contrôle par l’Occident, et en premier lieu par Washington, des réserves stratégiques en énergie. Quand ben Laden se transféra du Soudan en Afghanistan en juin 1996, le Département d’État américain prévint que ce changement « pourrait s’avérer plus dangereux pour les intérêts des États-Unis, » car cela offrait à ben Laden « la possibilité de soutenir des individus et des groupes qui ont l’envie et les moyens nécessaires d’attaquer les intérêts américains presque partout sur le globe. Le Pakistan lui offrit sa protection à condition qu’il aligne ses combattants moudjahidines sur les talibans. La nouvelle alliance al-Qaïda / talibans aurait été approuvée par les Saoudiens. Pourtant, comme le très respecté correspondant pakistanais Ahmed Rashid le rapporta, les renseignements états-uniens soutenaient les talibans comme moyen d’influence régionale au moins entre 1994 et 1998. Cette politique fut poursuivie jusqu’en 2000, en dépit de la multiplication des avertissements. Ainsi, lorsque les talibans prirent Kaboul en 1996, un porte-parole du Département d’État ne trouva « rien à redire » à l’événement.
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