Comment un détournement de plus de 60% des 178 millions de dollars (près de 1 780 milliards de centimes) a pu être effectué du Fonds algéro-koweïtien pour l’investissement (FAKI) sans que personne ne s’en aperçoive ? Les méthodes utilisées pour dérober près de 800 milliards de centimes sont- elles aussi simples ? Que s’est-il alors réellement passé ? Où se trouve la faille, alors que l’Algérie a, sur le plan législatif, mis en place tous les garde-fous nécessaires. Vingt-trois personnes, dont deux en fuite, sont inculpées dans ce détournement.
Celles-ci ont raconté les faits, justifié leurs démarches et crié leur innocence. Leurs avocats se sont basés sur les lois pour rappeler qu’au tribunal correctionnel, contrairement au criminel, l’accusation est tenue d’apporter ses preuves irréfutables. Sans ces dernières, il n’y a pas de délit et donc pas de peines.
Il est 11 heures du matin quand Mme la juge fait son entrée dans la salle d’audience du tribunal correctionnel de Bir Mourad Raïs. La séance s’ouvre et le greffier appelle les inculpés. Ils sont au nombre de 23 dont deux, les principaux accusés, sont absents. Ces derniers sont en fuite et un mandat d’arrêt international est lancé à leur encontre. Il s’agit de Brahimi El Mili Anouar, fils d’un ex-ministre de l’Education, et de son épouse Nawel. Ces derniers sont accusés de détournement de deniers publics et privés, escroquerie, faux et usage de faux et blanchiment d’argent. Le procureur de la République a d’ailleurs requis à leur encontre dix ans de prison ferme et une amende de 3 millions de dinars chacun. Le premier inculpé est H. A., directeur technique de l’entreprise d’informatique et de communication Handinet, propriété de Brahimi El Mili et de C. M., un expert financier vivant au Luxembourg. Ce directeur financier est «l’homme de confiance» d’El Mili pour lui avoir permis d’effectuer toutes les opérations de détournement.
Comment ?
Appelé en 2001 à gérer le FAKI, El Mili a également créé, durant la même année, son entreprise Handinet et nommé H.A. comme directeur technique de cette entreprise. Ce dernier et, sur la demande d’El Mili, ouvrira plusieurs comptes dans différentes banques dont la CAB (Compagnie algérienne de banque) et la Housing Bank. Des comptes qui seront utilisés par El Mili pour des opérations frauduleuses. A titre d’exemple, dans le compte de la CAB, c’est pas moins de 150 milliards de centimes qui transiteront par le compte CAB de H.A. et quelques 10,6 milliards de centimes par son compte de la Housing Bank. El Mili fera même bénéficier son entreprise Handinet de 2,5 milliards de centimes en utilisant le même procédé. D’autres griefs sont retenus contre H.A., à savoir son compte en devises qui contenait la somme de 31 000 dollars (près de 300 millions de centimes) qui ont été transférés vers le compte d’El Mili au Luxembourg. Le directeur technique, lors de son audition par Mme la juge, a déclaré qu’il supposait que les opérations effectuées par son responsable étaient légales : «Il me disait qu’étant tout le temps en déplacement, il avait besoin d’une personne pour le seconder dans les opérations bancaires. Je pensais que ces opérations étaient réellement liées à l’investissement, une des missions du FAKI à la tête de laquelle était El Mili». Il ne réussira pas à convaincre la juge qui s’interroge comment El Mili pouvait lui faire confiance sur des sommes aussi importantes, quelques mois seulement après son recrutement ! Le procureur de la République, pour sa part, lui fera remarquer qu’il n’était pas fonctionnaire du FAKI et donc qu’il n’avait pas à disposer de l’argent de cet établissement. Il l’interrogera ensuite sur les 31 000 euros dont il disposait dans son compte personnel. «C’est l’argent de toute ma famille et on a décidé de le faire fructifier avec l’aide d’El Mili, un homme connu comme un génie dans les transactions boursières à l’étranger». Le procureur fera alors remarquer à H.A. qu’il n’était que fonctionnaire avec un salaire de 78 000 DA le mois et que son père n’était qu’un expert comptable.
Cet inculpé sera, d’ailleurs, enfoncé, lors du témoignage d’un autre accusé. Le nommé B. M., le propriétaire d’une entreprise d’étanchéité à Mascara, qui affirmera que lors d’une opération de remboursement du crédit qu’il a eu avec le FAKI, c’est le directeur technique de Handinet qui s’était déplacé à Mascara pour le récupérer. Comment se sont effectués ces crédits du FAKI ?
La stratégie d’El Mili
El Mili qui a rencontré, quelques mois avant sa nomination à la tête de cet établissement, S. M. (inculpé également), un enseignant économiste à l’université d’Oran, propose à ce dernier de devenir son consultant. Lors de son audition, S.M. raconte que son travail consistait à prospecter dans le marché de l’Ouest une clientèle solvable pour lui proposer un crédit du Fonds. Il percevait 60 000 DA mensuellement contre ce travail. Il réussira à approcher 6 opérateurs (tous inculpés) pour lesquels des crédits à différentes hauteurs seront accordés. Pour l’économiste : «Je n’ai fait qu’accomplir mon travail de consultant.» Le procureur interrogera l’accusé si le FAKI était en droit d’accorder des crédits. «Je n’avais pas consulter les statuts», dira S.M. «Le FAKI n’est pas un établissement bancaire et donc n’avait pas le droit d’accorder des crédits. Son rôle comme Fonds est d’aider à l’investissement en obtenant un pourcentage des bénéfices ou encore des actions dans les entreprises ayant bénéficié d’un crédit. Vous n’êtes pas un profane pour ignorer cela, vous l’enseignez ! » dira le procureur. A la question de savoir pourquoi le directeur technique, H.A., lui a fait virer dans son compte la somme de 500 millions de centimes, S.M. explique : «Je devais la remettre à un opérateur.» S.M. ne trouvera rien d’autre à dire que «c’est El Mili qui décidait de la procédure», en réponse à la question de savoir la raison pour laquelle les intérêts des crédits accordés n’étaient jamais mentionnés dans les contrats établis avec les opérateurs. Les taux d’intérêts étaient d’au moins 12%. Ce qui représentait des sommes importantes, vu l’importance des crédits. Ces intérêts étaient généralement versés en liquide à S.M. ou par chèque dans le compte personnel d’El Mili, comme le confirmera l’enseignant inculpé. Le procureur de la République a requis contre lui sept années de prison ferme et une amende de 300 millions de centimes.
Pour le défendre, les avocats de S.M. n’ont pas manqué de relever que leur client n’a bénéficié d’aucun crédit auprès du FAKI, ni d’aucun autre privilège et donc «il n’a causé aucun préjudice. Il n’a pas d’intérêt, il ne peut donc être inculpé pour complicité». Victime de la manipulation d’une sommité (allusion faite à la notoriété d’El Mili), S.M., selon les robes noires, a même aidé le juge d’instruction en lui remettant le tableau où étaient consignés les crédits accordés, les intérêts versés (dans le détail) dans le compte du FAKI et celui d’El Mili. «Notre client n’est pas fou pour participer à un détournement en laissant autant de traçabilité. Il était de bonne foi. Nous demandons sa libération pure et simple». Une demande qui sera répétée tout au long de ce procès par tous les défenseurs d’ailleurs.
Celles-ci ont raconté les faits, justifié leurs démarches et crié leur innocence. Leurs avocats se sont basés sur les lois pour rappeler qu’au tribunal correctionnel, contrairement au criminel, l’accusation est tenue d’apporter ses preuves irréfutables. Sans ces dernières, il n’y a pas de délit et donc pas de peines.
Il est 11 heures du matin quand Mme la juge fait son entrée dans la salle d’audience du tribunal correctionnel de Bir Mourad Raïs. La séance s’ouvre et le greffier appelle les inculpés. Ils sont au nombre de 23 dont deux, les principaux accusés, sont absents. Ces derniers sont en fuite et un mandat d’arrêt international est lancé à leur encontre. Il s’agit de Brahimi El Mili Anouar, fils d’un ex-ministre de l’Education, et de son épouse Nawel. Ces derniers sont accusés de détournement de deniers publics et privés, escroquerie, faux et usage de faux et blanchiment d’argent. Le procureur de la République a d’ailleurs requis à leur encontre dix ans de prison ferme et une amende de 3 millions de dinars chacun. Le premier inculpé est H. A., directeur technique de l’entreprise d’informatique et de communication Handinet, propriété de Brahimi El Mili et de C. M., un expert financier vivant au Luxembourg. Ce directeur financier est «l’homme de confiance» d’El Mili pour lui avoir permis d’effectuer toutes les opérations de détournement.
Comment ?
Appelé en 2001 à gérer le FAKI, El Mili a également créé, durant la même année, son entreprise Handinet et nommé H.A. comme directeur technique de cette entreprise. Ce dernier et, sur la demande d’El Mili, ouvrira plusieurs comptes dans différentes banques dont la CAB (Compagnie algérienne de banque) et la Housing Bank. Des comptes qui seront utilisés par El Mili pour des opérations frauduleuses. A titre d’exemple, dans le compte de la CAB, c’est pas moins de 150 milliards de centimes qui transiteront par le compte CAB de H.A. et quelques 10,6 milliards de centimes par son compte de la Housing Bank. El Mili fera même bénéficier son entreprise Handinet de 2,5 milliards de centimes en utilisant le même procédé. D’autres griefs sont retenus contre H.A., à savoir son compte en devises qui contenait la somme de 31 000 dollars (près de 300 millions de centimes) qui ont été transférés vers le compte d’El Mili au Luxembourg. Le directeur technique, lors de son audition par Mme la juge, a déclaré qu’il supposait que les opérations effectuées par son responsable étaient légales : «Il me disait qu’étant tout le temps en déplacement, il avait besoin d’une personne pour le seconder dans les opérations bancaires. Je pensais que ces opérations étaient réellement liées à l’investissement, une des missions du FAKI à la tête de laquelle était El Mili». Il ne réussira pas à convaincre la juge qui s’interroge comment El Mili pouvait lui faire confiance sur des sommes aussi importantes, quelques mois seulement après son recrutement ! Le procureur de la République, pour sa part, lui fera remarquer qu’il n’était pas fonctionnaire du FAKI et donc qu’il n’avait pas à disposer de l’argent de cet établissement. Il l’interrogera ensuite sur les 31 000 euros dont il disposait dans son compte personnel. «C’est l’argent de toute ma famille et on a décidé de le faire fructifier avec l’aide d’El Mili, un homme connu comme un génie dans les transactions boursières à l’étranger». Le procureur fera alors remarquer à H.A. qu’il n’était que fonctionnaire avec un salaire de 78 000 DA le mois et que son père n’était qu’un expert comptable.
Cet inculpé sera, d’ailleurs, enfoncé, lors du témoignage d’un autre accusé. Le nommé B. M., le propriétaire d’une entreprise d’étanchéité à Mascara, qui affirmera que lors d’une opération de remboursement du crédit qu’il a eu avec le FAKI, c’est le directeur technique de Handinet qui s’était déplacé à Mascara pour le récupérer. Comment se sont effectués ces crédits du FAKI ?
La stratégie d’El Mili
El Mili qui a rencontré, quelques mois avant sa nomination à la tête de cet établissement, S. M. (inculpé également), un enseignant économiste à l’université d’Oran, propose à ce dernier de devenir son consultant. Lors de son audition, S.M. raconte que son travail consistait à prospecter dans le marché de l’Ouest une clientèle solvable pour lui proposer un crédit du Fonds. Il percevait 60 000 DA mensuellement contre ce travail. Il réussira à approcher 6 opérateurs (tous inculpés) pour lesquels des crédits à différentes hauteurs seront accordés. Pour l’économiste : «Je n’ai fait qu’accomplir mon travail de consultant.» Le procureur interrogera l’accusé si le FAKI était en droit d’accorder des crédits. «Je n’avais pas consulter les statuts», dira S.M. «Le FAKI n’est pas un établissement bancaire et donc n’avait pas le droit d’accorder des crédits. Son rôle comme Fonds est d’aider à l’investissement en obtenant un pourcentage des bénéfices ou encore des actions dans les entreprises ayant bénéficié d’un crédit. Vous n’êtes pas un profane pour ignorer cela, vous l’enseignez ! » dira le procureur. A la question de savoir pourquoi le directeur technique, H.A., lui a fait virer dans son compte la somme de 500 millions de centimes, S.M. explique : «Je devais la remettre à un opérateur.» S.M. ne trouvera rien d’autre à dire que «c’est El Mili qui décidait de la procédure», en réponse à la question de savoir la raison pour laquelle les intérêts des crédits accordés n’étaient jamais mentionnés dans les contrats établis avec les opérateurs. Les taux d’intérêts étaient d’au moins 12%. Ce qui représentait des sommes importantes, vu l’importance des crédits. Ces intérêts étaient généralement versés en liquide à S.M. ou par chèque dans le compte personnel d’El Mili, comme le confirmera l’enseignant inculpé. Le procureur de la République a requis contre lui sept années de prison ferme et une amende de 300 millions de centimes.
Pour le défendre, les avocats de S.M. n’ont pas manqué de relever que leur client n’a bénéficié d’aucun crédit auprès du FAKI, ni d’aucun autre privilège et donc «il n’a causé aucun préjudice. Il n’a pas d’intérêt, il ne peut donc être inculpé pour complicité». Victime de la manipulation d’une sommité (allusion faite à la notoriété d’El Mili), S.M., selon les robes noires, a même aidé le juge d’instruction en lui remettant le tableau où étaient consignés les crédits accordés, les intérêts versés (dans le détail) dans le compte du FAKI et celui d’El Mili. «Notre client n’est pas fou pour participer à un détournement en laissant autant de traçabilité. Il était de bonne foi. Nous demandons sa libération pure et simple». Une demande qui sera répétée tout au long de ce procès par tous les défenseurs d’ailleurs.
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