Boudiaf : 20 ans de mensonges
le 29.06.12 | 10h00
zoom
Il y a vingt ans presque jour pour jour, El Watan titrait en une de son édition «Le complot».
Mais dans ce qu’on peut toujours appeler «l’affaire Boudiaf», le complot continue depuis deux décades, tant que la vérité sur l’assassinat demeure inconnue de l’opinion publique. Il faudra se demander d’ailleurs pourquoi ce traumatisme national n’est pas commémoré officiellement. Un Président en exercice a été tué en public. Et cela passe comme une date de calendrier pour les décideurs, sauf lorsqu’ils veulent en tirer profit, les uns contre les autres, en émettant des messages cryptés autour des vrais commanditaires du crime. C’est en parallèle de ce vide mémoriel officiel qu’une partie de la société civile, surtout de la jeune génération, a entrepris de rendre hommage à Mohamed Boudiaf, aujourd’hui et demain, avec une bouleversante ferveur qui s’exprime déjà depuis des semaines sur les réseaux sociaux, véritable maquis mémoriel.
Dans l’icône martyr de Boudiaf, toute une génération a projeté ses idéaux d’un Etat algérien réconcilié avec son histoire et sa société. Mais il est terrible de constater que même la quête de la vérité sur son assassinat est aujourd’hui otage de joutes sournoises entre les clans du pouvoir. Chacun brandit la «menace» contre l’adversaire, non pas pour en finir avec le mensonge, mais pour en user en un odieux chantage. Il n’a pas suffi à ce régime d’enterrer vivante la vérité sur l’assassinat, il va jusqu’à la travestir en fonds de commerce, une arme symbolique entre les mains des décideurs du moment. Que les choses soient claires : exiger la vérité sur la mort de Si Tayeb El Watani ne doit servir aucun des deux clans au pouvoir. Aucun haut responsable, quel que soit son poste ou son grade, ne peut se défiler face à la demande populaire exigeant la vérité, parce que la continuité de l’Etat est un principe constitutionnel. Personne ne pourra dire en haut lieu : «J’y étais pas, ce sont les autres.» Mohamed Boudiaf l’a bien dit : «L’Algérie avant tout !»
Les 168 jours d’un Président :
JANVIER
- 14 : création du Haut-Comité d’Etat (HCE) composé de 5 membres et présidé par M. Boudiaf. Le gouvernement, dirigé depuis juin 1991 par Sid Ahmed Ghozali, reste en place.
- 16 : retour à Alger de M. Boudiaf (en exil au Maroc depuis 1963) et prestation de serment des membres du HCE.
- 22 : Abdelkader Hachani, responsable provisoire du bureau exécutif du FIS, est arrêté pour avoir appelé des soldats à la «désertion». Il est le huitième dirigeant du FIS à être emprisonné.
- 28 : arrestation du «numéro deux» provisoire du FIS, Rabah Kebir, pour avoir durement critiqué le HCE. Libéré le 31 mars et assigné à résidence.
- 29 : premiers affrontements sérieux entre islamistes et forces de l’ordre depuis l’installation du HCE : 1 mort et 11 blessés, selon la police, dans la banlieue sud d’Alger.
FÉVRIER
- 3 : dans son premier entretien télévisé, M. Boudiaf somme le FIS de respecter le jeu démocratique.
- 4-9 : violents affrontements entre forces de l’ordre et islamistes à Batna. Bilan : 14 morts. Le 7, les troubles ont gagné l’ensemble du territoire. Vague d’arrestations dans les milieux extrémistes. Achour Rabihi, membre du bureau exécutif du FIS, est arrêté.
- 9 : proclamation de l’état d’urgence pour une période de 12 mois, éventuellement renouvelable.
Le ministère de l’Intérieur introduit une plainte en dissolution contre le FIS devant le tribunal administratif.
- 10 : assassinat de 8 policiers dont 6 tués à Alger par des «Afghans».
- 13 : l’attaque par un commando d’«Afghans» d’un poste de garde de l’Amirauté d’Alger fait 10 morts.
- 14 : accrochage dans La Casbah entre un groupe armé et les forces de l’ordre : 6 morts, dont un policier.
- 22 : deux représentants de la mouvance islamiste entrent au gouvernement.
- 26 : accord de réaménagement de la dette algérienne, portant sur 1,457 milliard de dollars, conclu à Paris entre les banques algérienne et internationale. Il sera signé le 4 mars.
-28 : annonce de l’arrestation de Tayeb El Afghani, responsable de l’attaque, le 29 novembre 1991, du poste de Guemmar où 3 soldats ont été tués.
MARS
- 4 : dissolution du FIS après 29 mois d’existence légale. Le 31, le FIS fait appel.
- 12 : bilan officiel des affrontements depuis le début de l’année : 103 morts, 414 blessés. Le 15, le ministère de l’Intérieur fait état de près de 9000 arrestations d’islamistes jusqu’au 10 mars.
- 29 : le gouvernement décide de dissoudre certaines Assemblées communales et départements élues où le FIS est majoritaire et de suspendre certains élus.
- 31 : libération de 400 détenus islamistes sur les quelque 7000 personnes (30 000, selon le FIS) incarcérées dans les «centres de sûreté» du Sud.
AVRIL
- 1er : création d’une «cellule antiterroriste» pour faire face à la vague de terrorisme urbain (une trentaine de personnes assassinées depuis l’état d’urgence).
- 22 : installation officielle du Conseil consultatif national (CCN) destiné à assister le HCE et à remplacer l’Assemblée nationale dissoute.
MAI
- 4 : Treize condamnations à mort, dont une par défaut, prononcées par le tribunal militaire de Ouargla, dans l’affaire de l’attaque du poste de Guemmar.
- 31 : quatre islamistes tués au terme d’une opération de ratissage de plus de deux semaines dans la région montagneuse de Lakhdaria (est d’Alger).
JUIN
- 8 : le président Boudiaf lance un «Rassemblement national» pour «imposer un changement politique radical».
- 27 : le procès devant le tribunal militaire de Blida des 7 principaux dirigeants du FIS – inculpés d’atteinte à la sûreté d’Etat – est marqué à son ouverture par le retrait de l’audience des accusés et de leurs avocats. Il est d’abord reporté sine die, puis sa reprise est annoncée pour le 12 juillet.
- 29 : assassinat à Annaba du président Boudiaf lors de sa deuxième sortie officielle dans le pays.
Adlène Meddi
El Watan
le 29.06.12 | 10h00
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Il y a vingt ans presque jour pour jour, El Watan titrait en une de son édition «Le complot».
Mais dans ce qu’on peut toujours appeler «l’affaire Boudiaf», le complot continue depuis deux décades, tant que la vérité sur l’assassinat demeure inconnue de l’opinion publique. Il faudra se demander d’ailleurs pourquoi ce traumatisme national n’est pas commémoré officiellement. Un Président en exercice a été tué en public. Et cela passe comme une date de calendrier pour les décideurs, sauf lorsqu’ils veulent en tirer profit, les uns contre les autres, en émettant des messages cryptés autour des vrais commanditaires du crime. C’est en parallèle de ce vide mémoriel officiel qu’une partie de la société civile, surtout de la jeune génération, a entrepris de rendre hommage à Mohamed Boudiaf, aujourd’hui et demain, avec une bouleversante ferveur qui s’exprime déjà depuis des semaines sur les réseaux sociaux, véritable maquis mémoriel.
Dans l’icône martyr de Boudiaf, toute une génération a projeté ses idéaux d’un Etat algérien réconcilié avec son histoire et sa société. Mais il est terrible de constater que même la quête de la vérité sur son assassinat est aujourd’hui otage de joutes sournoises entre les clans du pouvoir. Chacun brandit la «menace» contre l’adversaire, non pas pour en finir avec le mensonge, mais pour en user en un odieux chantage. Il n’a pas suffi à ce régime d’enterrer vivante la vérité sur l’assassinat, il va jusqu’à la travestir en fonds de commerce, une arme symbolique entre les mains des décideurs du moment. Que les choses soient claires : exiger la vérité sur la mort de Si Tayeb El Watani ne doit servir aucun des deux clans au pouvoir. Aucun haut responsable, quel que soit son poste ou son grade, ne peut se défiler face à la demande populaire exigeant la vérité, parce que la continuité de l’Etat est un principe constitutionnel. Personne ne pourra dire en haut lieu : «J’y étais pas, ce sont les autres.» Mohamed Boudiaf l’a bien dit : «L’Algérie avant tout !»
Les 168 jours d’un Président :
JANVIER
- 14 : création du Haut-Comité d’Etat (HCE) composé de 5 membres et présidé par M. Boudiaf. Le gouvernement, dirigé depuis juin 1991 par Sid Ahmed Ghozali, reste en place.
- 16 : retour à Alger de M. Boudiaf (en exil au Maroc depuis 1963) et prestation de serment des membres du HCE.
- 22 : Abdelkader Hachani, responsable provisoire du bureau exécutif du FIS, est arrêté pour avoir appelé des soldats à la «désertion». Il est le huitième dirigeant du FIS à être emprisonné.
- 28 : arrestation du «numéro deux» provisoire du FIS, Rabah Kebir, pour avoir durement critiqué le HCE. Libéré le 31 mars et assigné à résidence.
- 29 : premiers affrontements sérieux entre islamistes et forces de l’ordre depuis l’installation du HCE : 1 mort et 11 blessés, selon la police, dans la banlieue sud d’Alger.
FÉVRIER
- 3 : dans son premier entretien télévisé, M. Boudiaf somme le FIS de respecter le jeu démocratique.
- 4-9 : violents affrontements entre forces de l’ordre et islamistes à Batna. Bilan : 14 morts. Le 7, les troubles ont gagné l’ensemble du territoire. Vague d’arrestations dans les milieux extrémistes. Achour Rabihi, membre du bureau exécutif du FIS, est arrêté.
- 9 : proclamation de l’état d’urgence pour une période de 12 mois, éventuellement renouvelable.
Le ministère de l’Intérieur introduit une plainte en dissolution contre le FIS devant le tribunal administratif.
- 10 : assassinat de 8 policiers dont 6 tués à Alger par des «Afghans».
- 13 : l’attaque par un commando d’«Afghans» d’un poste de garde de l’Amirauté d’Alger fait 10 morts.
- 14 : accrochage dans La Casbah entre un groupe armé et les forces de l’ordre : 6 morts, dont un policier.
- 22 : deux représentants de la mouvance islamiste entrent au gouvernement.
- 26 : accord de réaménagement de la dette algérienne, portant sur 1,457 milliard de dollars, conclu à Paris entre les banques algérienne et internationale. Il sera signé le 4 mars.
-28 : annonce de l’arrestation de Tayeb El Afghani, responsable de l’attaque, le 29 novembre 1991, du poste de Guemmar où 3 soldats ont été tués.
MARS
- 4 : dissolution du FIS après 29 mois d’existence légale. Le 31, le FIS fait appel.
- 12 : bilan officiel des affrontements depuis le début de l’année : 103 morts, 414 blessés. Le 15, le ministère de l’Intérieur fait état de près de 9000 arrestations d’islamistes jusqu’au 10 mars.
- 29 : le gouvernement décide de dissoudre certaines Assemblées communales et départements élues où le FIS est majoritaire et de suspendre certains élus.
- 31 : libération de 400 détenus islamistes sur les quelque 7000 personnes (30 000, selon le FIS) incarcérées dans les «centres de sûreté» du Sud.
AVRIL
- 1er : création d’une «cellule antiterroriste» pour faire face à la vague de terrorisme urbain (une trentaine de personnes assassinées depuis l’état d’urgence).
- 22 : installation officielle du Conseil consultatif national (CCN) destiné à assister le HCE et à remplacer l’Assemblée nationale dissoute.
MAI
- 4 : Treize condamnations à mort, dont une par défaut, prononcées par le tribunal militaire de Ouargla, dans l’affaire de l’attaque du poste de Guemmar.
- 31 : quatre islamistes tués au terme d’une opération de ratissage de plus de deux semaines dans la région montagneuse de Lakhdaria (est d’Alger).
JUIN
- 8 : le président Boudiaf lance un «Rassemblement national» pour «imposer un changement politique radical».
- 27 : le procès devant le tribunal militaire de Blida des 7 principaux dirigeants du FIS – inculpés d’atteinte à la sûreté d’Etat – est marqué à son ouverture par le retrait de l’audience des accusés et de leurs avocats. Il est d’abord reporté sine die, puis sa reprise est annoncée pour le 12 juillet.
- 29 : assassinat à Annaba du président Boudiaf lors de sa deuxième sortie officielle dans le pays.
Adlène Meddi
El Watan
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