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LE CAPITAINE VASSIL VALTCHANOV, COMMANDANT DU NAVIRE LE BREZA «J'ai livré des armes à l'Algérie»

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  • LE CAPITAINE VASSIL VALTCHANOV, COMMANDANT DU NAVIRE LE BREZA «J'ai livré des armes à l'Algérie»

    Par Kamel BOUCHAMA -
    Kamel Bouchama avec le capitaine Vassil Valtchanov (à gauche), toujours bon pied bon oeil
    «Si nous pouvons donner à nos souvenirs, quelque jour, par hasard, le support d'une sensation présente, alors ils reprennent vie...» Marcel Proust
    Est-il nécessaire de parler de souvenirs dans la solennité d'une cérémonie officielle, inscrite dans le calendrier de la nation? Absolument, il faut en parler, parce que tout simplement, tout est souvenir pour rappeler des faits et des événements à ceux qui ne se souviennent pas..., ceux qui ont la mémoire courte, très courte même, et ne peuvent aller plus loin que leur égoïsme ou leur mépris des «choses» - c'est selon -, ces choses qui ont façonné l'Histoire. Chateaubriand disait: «La meilleure partie du génie se compose de souvenirs», auxquels nous ajoutons, pour notre part..., et de gratitude, une qualité, plus encore une vertu, qui nous fait fidèles et reconnaissants envers nos amis.
    Cette brève exorde, m'introduit directement dans une émotion encore présente, celle d'une rencontre avec un Homme - que j'écris en majuscule -, devenu une légende en Bulgarie, et bien évidemment en Algérie, dans les milieux de la Révolution de Novembre, chez ceux qui connaissent son «expédition» vaillante, traduisant toute sa considération et son amitié pour le peuple algérien qui a combattu pour son indépendance.

    Le Capitaine
    Il s'agit de Vassil Valtchanov, appelé jusqu'à présent «le Capitaine». Oui, le Capitaine au long cours, un Homme de génie que certains Occidentaux, sous l'influence d'une politique impérieuse, voire d'une doctrine qui les a ordonnés gendarmes du monde, ont probablement qualifié son acte ou le qualifieraient aujourd'hui d'«aide au terrorisme international». Et d'ailleurs, nos «djounoud» et «fedayine» n'ont-ils pas été affublés de ce terme disgracieux - «des terroristes» - tout au long de la lutte de Libération nationale, ces mêmes terroristes et «hors-la-loi» avec lesquels la France a été obligée de négocier? Une parenthèse nécessaire, avant de continuer avec le Capitaine et son attitude héroïque.
    Il faisait beau ce jour du 24 juin 2012 quand, accompagnés de notre ambassadeur et des responsables bulgares, nous avons été reçus très cordialement par le Capitaine en son domicile à Guerman, un charmant village, à quelques encablures de Sofia. Au sortir de la capitale, nous nous sommes engagés dans une douce ascension, au milieu d'un boqueteau, où les arbres montent droit vers le ciel et les fleurs de saisons ajoutent des couleurs à ce tableau merveilleusement beau, donnant plus de fraîcheur et de générosité à la nature qui vous invite à respirer à pleins poumons l'air pur de la «Sainte forêt de Sofia».
    Le Capitaine Vassil Valtchanov, était là, debout, droit comme un cierge sur ses 97 ans. Il nous a accueillis à l'entrée de sa modeste demeure, toujours souriant, toujours égal à lui-même si je m'en tiens aux commentaires de notre ambassadeur Ahmed Boutache et de notre ami, Président de l'Association d'amitié Bulgarie-Algérie, Grigor Kratchmarski, qui ne nous ont pas quittés d'une semelle, tellement ils étaient aux petits soins avec nous et voulaient que le programme organisé en Bulgarie, pour célébrer le 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, soit une parfaite réussite.
    «Je suis amoureux de votre pays», nous lança-t-il tout de go, avant même de nous laisser l'occasion pour le remercier d'avoir accepté notre rencontre chez lui, dans ce petit arpent du Bon Dieu, où la musique d'une agréable fontaine d'eau se mélange aux gazouillements des oiseaux qui envahissent les arbres de son jardin.
    Je disais qu'il se tient droit; je dirai encore qu'il est lucide, alerte et agile comme un trappeur. Sa fille qui est constamment avec lui et qui l'aide à surmonter sa retraite - bien méritée, j'allais dire -, nous présente un excellent cocktail de jus de fruits frais qu'il a préparé lui-même. «En effet, c'est moi qui l'ai préparé», nous répétait-il avec un sourire qui en disait long. Il voulait que nous sachions qu'il est en bonne santé, toujours valide, et qu'il espère dépasser le siècle dans cette maison où il vit en plein air, en harmonie avec la nature, dialoguant tous les jours avec ses arbres et ses fleurs.
    Il nous a raconté sa vie et ses différentes épreuves à travers le monde, ses principaux voyages en Algérie après l'Indépendance, son intégration dans l'administration de la marine marchande après avoir mis fin à sa carrière de Capitaine au long cours, ses responsabilités au sein du Comité de la navigation maritime auprès des Nations unies à Genève. Il nous a entretenus également sur ses nombreuses distinctions nationales et internationales dont il a été récipiendaire, particulièrement celle qui lui a été décernée par le Président Bouteflika à l'occasion du 50e anniversaire de la Révolution du 1er Novembre 1954 et qui démontre la reconnaissance pour ses capacités de travail, de militantisme et de solidarité avec les causes justes.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Aux termes de cette rétrospective dans le temps et l'espace, et comme pour ne pas s'égarer dans les méandres du récit, avec sa vie de marin, il entra dans ce que nous voulions apprendre de sa bouche..., lui l'acteur principal de cette «mission secrète» qui l'a mené, après un dangereux périple, à décharger, au bon endroit, son importante cargaison d'armes pour les combattants algériens. Il en était plus que satisfait, assurément, après cet exploit. Il nous l'a dit de vive voix, surtout que les anciennes tentatives de livraison d'armes à l'Algérie, par voie maritime, celle de l'Athos le 23 octobre 1956, avec ses 300 tonnes, le Slovenia, en mars 1959, le Lidice en avril de la même année, le Monte Cassino avec ses 180 tonnes, ainsi que deux autres petits vaisseaux, le Granita et le Tegrita, ont été vouées à l'échec, du fait que les cargaisons ont été interceptées par les patrouilleurs français.
    Au vu de ces tentatives sans résultats, Abdelhamid Boussouf et Ahmed Francis, respectivement ministre de l'Armement et des Liaisons générales (Malg) et ministre des Finances du Gpra, décident de se déplacer à Sofia en Bulgarie, en ce début d'année 1960, pour trouver auprès de nos amis bulgares, une solution à ce manque flagrant d'un matériel indispensable pour la continuité de la Révolution. Ils entament des discussions avec les responsables bulgares au niveau du gouvernement pour la livraison d'armes au FLN. Ils trouvent la grande compréhension, dans une ambiance de discussions très commode, empreinte surtout d'amitié et de soutien à notre lutte. De là, et après accord, la coordination de la livraison d'armes allait s'engager du côté bulgare par Gueorgui Naïdenov, et du côté algérien par Mabed Charef, alias Dr Hachimi, un nom d'emprunt pour les besoins de la clandestinité.

    2000 tonnes d'armement
    Nous sommes donc en 1960, et l'Algérie s'engouffre dans une guerre de plus en plus pénible pour le peuple qui ne désempare pas devant l'ennemi. L'aide de la Bulgarie est attendue, résolument, non sans impatience. La Bulgarie s'est engagée, ça va donc venir. Ce n'est pas étonnant d'un pays qui sait traduire son soutien en actions positives, déterminantes et très difficiles à la fois... Alors, le navire le Breza va être chargé de plus de 2000 tonnes d'armement destiné à la Révolution algérienne. De plus, il y a dans cette cargaison 240 tonnes de TNT et quatre (4) canons anti-aériens. Vassil Valtchanov est là, ce Capitaine qui, pareil à ceux d'Oceano nox, sait naviguer dans des mers sans fond, par des nuits sans lune, bravant les dangers, même celui du blocus militaire français de la côte nord-africaine.
    Le Capitaine va avoir recours à des «astuces», selon son expérience du métier, pour surmonter les difficultés de ce périple méditerranéen. «Ce n'est pas facile», reconnaissait-il, mais sa pratique des mers, à travers leurs sombres étendues, l'oblige, pour accomplir avec succès sa mission secrète, de mener son navire par le Bosphore et les Dardanelles sous vigie des contrôleurs turcs, et enfin franchir l'étape la plus dure, celle de la marine française qui est là, sillonnant la Méditerranée et même la côte Ouest de l'Atlantique, surveillant toute velléité de transport d'armes aux «fellagas» algériens. Ainsi, dans sa préface de son livre intitulé «Livraisons secrètes d'armes», il développe cette complexité d'acheminement de l'armement aux moudjahidine. Il écrit notamment: «La marine de guerre et l'aviation militaire françaises avaient imposé un blocus sur tout le littoral algérien, aussi bien que le long des côtes des pays voisins, notamment le Maroc, la Tunisie et la Libye. Aucun navire ne pouvait franchir ce blocus sans passer par un contrôle de sa cargaison. Un bon nombre de navires ayant tenté de livrer des armes aux combattants algériens, en franchissant cette barrière avaient été interceptés. Ces navires et leur cargaison d'armes étaient confisqués et les équipages emprisonnés.»
    C'est alors que le mois de mai de l'année 1960, le Capitaine Vassil Valtchanov, commandant le navire le Breza, arrive en Libye, non sans grand danger, après avoir pris un autre itinéraire que celui mentionné dans le manifeste où il était déclaré le transport de machines, des équipements et des engrais chimiques vers l'Albanie. Tout cela, bien sûr, pour tromper la vigilance des autorités turques qui contrôlent tout navire venant de la mer Noire vers la Turquie. Ainsi, le Capitaine, suivra la route maritime pour l'Albanie jusqu'au Cap Malée, ensuite, au lieu de prendre la direction vers le Cap Matapan, il continue vers le sud, jusqu'en Crète et, de là, il se dirige directement vers Tripoli ou, plus exactement à côté, dans un petit port discret.
    Ainsi se termine l'odyssée du Capitaine Vassil Valtchanov qui va déclarer, bien plus tard, le 25 juin 2012, sain de corps et d'esprit malgré son âge avancé: «Etant Bulgare, je suis fier que la Bulgarie ait accompli son devoir comme membre de l'Organisation des Nations unies et réussi, en présence d'un très grand risque, à fournir aux forces libératrices algériennes deux unités considérables d'armes et de munitions qui ont contribué à l'indépendance. Cette assistance, prêtée à l'Algérie de la part de la Bulgarie, au moment dur de la guerre de la libération du joug français, représente une forte soudure des relations entre les peuples algérien et bulgare et une garantie de leur coopération dans les domaines de la culture, de l'économie et de la politique.»
    Les mêmes efforts ont été poursuivis et, le 19 novembre 1961, un deuxième arsenal d'un chargement de 6500 tonnes d'armement lourd destiné à nos combattants, a été livré par le capitaine Luben Guenov, commandant le vaisseau Bulgaria qui a bravé tous les dangers pour amarrer au quai de Tanger, à la satisfaction des représentants du FLN qui l'attendaient.
    Ce deuxième voyage est une autre histoire, aussi passionnante que la première, mais ce qu'il faut retenir de ces deux livraisons importantes, c'est cette reconnaissance des hauts responsables politiques et militaires, anciens combattants de la lutte de Libération nationale, qui affirment que cette formidable participation de la Bulgarie a contribué largement à la victoire de l'Algérie sur le colonialisme et à son indépendance.
    lexpression
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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