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Les centres de détention coloniaux, l’horreur à son paroxysme

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  • Les centres de détention coloniaux, l’horreur à son paroxysme

    "El-Djebassa", "Moulin Sportiche", "El-Koudia El-Hamra", "Camp Morand", des noms qui n’évoquent, de prime abord, rien de particulier, sauf pour ceux qui ont séjourné en ces lieux de "non droit", ou pour les proches des nombreuses victimes, mortes sous la torture ou assassinées de sang froid par les tortionnaires de l’armée coloniale.

    Pourtant, le sort de centaines d’Algériens se décidait au sein de ces centres de détention que l’administration militaire coloniale avait créé à travers la zone II de la wilaya IV historique, qui englobait les régions de Médéa, Blida et El-Omaria, pour "mater" la révolution et "dissuader" la population d’entreprendre une quelconque action révolutionnaire.

    Devant la recrudescence des actions armées et l’adhésion massive des populations à la cause nationale, l’administration coloniale décida de multiplier le nombre de centres de "tri et d’internement", pour tenter de "contenir" les opposants à sa présence, de plus en plus nombreux et à afficher leur appartenance ou sympathie pour l’Armée de libération nationale (ALN).

    Le vote, en mars 1956, des "pouvoirs spéciaux" au profit des militaires, légalisant le recours à la torture et l’émergence de juridictions spéciales, servira également de prétexte pour l’ouverture de nouveaux camps d’internement à travers le pays, comme ceux de "Bossuet", "Tefeschoua", "Saint Leu", "Paul Cazelle", "Beni-Messous", "Sidi Chahmi" et des centres de détention réservés exclusivement aux combattants de l’ALN, que l’administration militaire coloniale désignait sous le vocable de "prisonniers pris les armes à la main" (PAM).

    Le "Camp Morand", à Ksar-el-Boukhari, ex-Boghari, communément appelé "Camorra", fut l’un des sept grands centres militaires des internés (CMI), créés à la suite de cette loi qui accorda le pouvoir de police aux militaires et les "affranchit" de toute poursuite judiciaire.

    "Camorra", qui avait servi de lieu de détention pour prisonniers italiens et allemands, durant la seconde guerre mondiale, va devenir, à partir de l’année 1956, un "enfer sur terre" pour les neuf cent (900) détenus algériens, contraints de subir, de jour comme de nuit, la barbarie des "maîtres des lieux".



    La vie des internés se réduisait à de longues et pénibles journées de travaux forcés, exécutés à l’extérieur du camp, rythmées, par des séances quotidiennes de torture, raconte l’un des rescapés de ce camp de "l’enfer", le moudjahid, Belkacem Metidji, un jeune lycéen qui avait rejoint les rangs de l’ALN suite à l’appel du 19 mars 1956, et arrêté quelques mois après lors d’une opération militaire dans les maquis de la wilaya IV historique.

    Selon le témoignage de ce rescapé de "l’enfer de Camorra", les travaux forcés s’effectuaient sous la torture et l’humiliation. "L’appel du soir se faisait sous les coups de crosses", se souvient-il, affirmant que certains soldats affectés à ce camp "prenaient un malin plaisir à boxer les pauvres prisonniers, déjà éprouvés physiquement par ces longues journées de travail".

    Il garde encore vivace le souvenir de ce sous officier, dresseur de chien de son état, qui utilisait les prisonniers comme de vulgaires cobayes.

    "Plusieurs de mes compagnons servaient de proie aux molosses qui aiguisaient leurs crocs sur leurs mollets", a-t-il dit, ajoutant que le dressage des chiens était quasi quotidien.

    Il se rappelle également des agissements d’un supplétif de l’armée colonial, un certain caporal Boubaghla, chargé de superviser les travaux sur les chantiers, qui s’amusait à "fouetter, souvent sans raison aucune, les prisonniers affectés sur les chantiers des carrières de pierres".

    Le régime "jockey spécial"



    D’autres témoignages poignants sont rapportés par des "miraculés" du "Camp Morand", relatifs au traitement inhumain infligé aux détenus. Les légionnaires affectés à ce camp, à partir, de 1957, vont "introduire" une nouvelle technique de torture, appelée régime "jockey spécial", qui consiste, d’après le moudjahid Mohamed Miloudi, un autre survivant de ce sinistre camp, en des séances de bastonnades, à coup de gourdin et de manche de pioche, de flagellations, à l’aide de fouet et de tuyau en caoutchouc.

    Des prisonniers étaient obligés également de s’asseoir sur des réchauds allumés, d’autres contraints de tournoyer nus pendant de longues minutes, devant les railleries et les moqueries des légionnaires présents dans la salle de torture, se remémore le moudjahid Miloudi, arrêté le 7 Mai 1959, à Ouled Bouachraa, à l’ouest de Médéa, au cours de la bataille où tomba aux champ d’honneur le chef de la wilaya IV historique, le colonel Si-Mhamed Bouguerra.

    Des scènes d’horreur sont rapportées également par le moudjahid Aissa Abella, détenu pendant deux ans à "Camora". Il se souvient de l’évasion spectaculaire de plusieurs de ses compagnons de détention, affectés sur un chantier à Moudjebeur, à une vingtaine de km au nord de Ksar-el-Boukhari. Des détenus furent rattrapés et exécutés, leurs cadavres furent exposés au milieu du camp, et on ordonna aux détenus de défiler autour d’eux.

    "On passa toute la nuit debout, sur un seul pied, devant les cadavres de nos anciens compagnons", se rappelle-t-il encore.

    La "corvée de bois"



    Les tortionnaires ne connaissaient aucune limite, toujours aptes à "innover" quant il s’agissait d’exterminer les prisonniers. Pour preuve, la fameuse "corvée de bois", une technique à laquelle avaient recours les responsables du camp pour se débarrasser des prisonniers soupçonnés d’échafauder des plans d’évasion.

    Utilisée d’abord, en Indochine, la technique de "corvée de bois", fut pratiquée à nouveau au "Camp Morand" ou elle fera de nombreuses victimes, parmi lesquelles les chahid Maamar Senouci, Mustapha Khalef, Abderrahmane Madani, Mustapha Kella et tant d’autres détenus, assassinés de dos et de sang froid par les soldats du camp.

    Des détenus, désignés pour la "corvée de bois", se font exécuter de sang froid, une fois éloignés du camp, sous prétexte de tentative d’évasion.

    Des exécutions similaires sont parfois organisées, avec l’aide d’éléments infiltrés, qui ont réussi à piéger nombre de détenus, notamment ceux nouvellement arrivés au camp.

    Le "Camp Morand" n’est qu’une illustration de la barbarie coloniale et de la haine qui s’exprimait envers le peuple algérien, et des combattants de la liberté en particulier.

    Des camps similaires, la wilaya IV historique en comptait des dizaines, dont beaucoup, ont disparu, aujourd’hui, emportant avec eux, les traces des crimes abominables commis à l’encontre des Algériens.

    L’on citera, pour l’histoire, les tristement célèbres centres d’internement de ’’El-Djebassa’’, ’’Moulin Sportiche’’, érigés à Médéa, ’’El-Koudia El-Hamra’’, à Tablat, désigné aussi sous le nom du "centre N°602", spécialisé dans les exécutions sommaires, ou encore "Zmala" à Berrouaghia, et "Bir Hamou" à Ksar-El-Boukhari, qui ont vu défiler des milliers d’Algériens, hommes, femmes et vieillards accusés de soutien et de sympathie avec les moudjahidine.

    Des centres de torture coloniaux, comme ceux de "Damiette", à la périphérie est de Médéa, et "Ain-Gueroumi", dans la commune de Mihoub, au nord-est de la wilaya, ou encore, "Aïn Er-riche", dans la localité de Berrouaghia évoquent également ce passé douloureux dont les stigmates sont toujours vivaces.

    Par Sid-Ali Hamadouche
    APS
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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