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Le malaise algérien « Cinquante ans et après ? »

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  • Le malaise algérien « Cinquante ans et après ? »

    Le peuple fut le grand absent des festivités organisées à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance. 
Et pour cause, sa situation est précaire et inquiétante alors qu’une minorité de profiteurs et d’importateurs gaspillent la rente pétrolière.

    Alger, envoyé spécial. Comédie musicale grandiose (800 danseurs, chanteurs et musiciens) exécutée en présence du chef de l’État, concerts, tirs de feux d’artifice illuminant la baie d’Alger et, simultanément, dans les 48 départements algériens, n’ont pas produit l’effet escompté : provoquer un engouement populaire comparable ou presque à celui qu’a connu l’Algérie le 5 juillet 1962. Pour ce faire, le pouvoir algérien n’avait pourtant pas regardé à la dépense pour financer un programme fait de concerts, de films, de documentaires, de livres et d’expositions, s’étalant jusqu’en décembre 2013. Il a débloqué, à en croire le quotidien El Watan, une enveloppe de 2 milliards de dollars (1,6 milliard d’euros). Mais, comme le rapportent les principaux journaux algériens, le peuple a été absent des festivités.

    Mais voilà, l’Algérie risque sous peu de manquer d’argent. Tirant la sonnette d’alarme, l’un des responsables de la banque centrale algérienne, Djamel Benbelkacem, a déclaré que l’équilibre des finances publiques pour les années à venir requiert un niveau de prix du baril de pétrole à 110 dollars. En dessous de ce seuil, le financement des dépenses publiques risque d’être problématique. « La vulnérabilité des finances publiques aux éventuels chocs extérieurs s’est encore accentuée en 2010 et 2011 », a-t-il indiqué. L’industrie pétrolière et gazière (près de 50 % du PIB) représente 94,4 % des recettes de l’État, alors que le secteur industriel et manufacturier ne représente que 5 % du PIB, et ce, du fait d’une politique de désindustrialisation, qui s’est accélérée après le plan d’ajustement structurel 1994-1997 imposé alors par le FMI (1 010 entreprises publiques fermées et près de 500 000 salariés licenciés).

    Évoquant le ralentissement dans la zone euro – l’UE est le deuxième gros consommateur de pétrole après les États-Unis – qui pèse sur le marché pétrolier, le ministre des Finances, Karim Djoudi, n’écarte pas l’éventualité de coupes dans les dépenses publiques, et prétend qu’en matière de salaires le pays a « atteint le plafond » !

    Une fois n’est pas coutume, le FMI avait raison quand, en octobre 2009, il avait remis en cause les prévisions de création de 3 millions d’emplois entre 2009 et 2013, lesquelles nécessitent un taux de croissance de 6 à 7 %. Aussi a-t-il prévu un taux de croissance ne dépassant pas les 3 %. Ce qui est le cas aujourd’hui.

    Certes, grâce à une exceptionnelle conjoncture pétrolière où le prix du baril avait atteint les 160 dollars, l’Algérie a engrangé d’énormes ressources financières qui lui ont permis de ramener sa dette, qui était de 40 milliards de dollars en 1999, à 2,2 milliards de dollars (selon le FMI) à fin 2011, soit 2 % du PIB. Ses réserves de change, qui étaient à un niveau zéro en 1992, se situent en 2012 autour de 190 milliards de dollars – les plus fortes après l’Arabie saoudite dans le monde arabe. Une partie, placée sur les marchés financiers, a rapporté 4,45 milliards de dollars en 2011. Et si cette manne financière a permis la réalisation d’un important programme d’infrastructures – autoroute est-ouest, métro et lignes de tramway à Alger et, dans la plupart des grandes villes, modernisation et extension du réseau ferré –, elle a aussi servi à financer des projets non prioritaires, à acheter la paix sociale à la fois en augmentant certains salaires et en important massivement aussi bien des denrées alimentaires que des biens de luxe. Mais elle a généré aussi un niveau de corruption sans précédent comme l’attestent ces malversations financières révélées par la presse impliquant de nombreuses personnalités de haut rang, et ce, sans compter cette spéculation immobilière qui fait qu’Alger est devenue aussi chère que… Paris.

    Le volume d’importation, qui était à moins de 10 milliards de dollars à fin 1999, a été multiplié par cinq à fin 2011 : il dépasse les 45 milliards de dollars alors, qu’entre-temps, la population n’a augmenté que de 3 millions d’habitants. Les boutiques de luxe sous franchise se sont multipliées, les constructeurs automobiles ont ouvert des succursales et des showrooms à travers tout le territoire algérien.

    Selon le journal Liberté, pour 2012, les constructeurs – Renault, Peugeot, Nissan, Toyota, Volkswagen, Mercedes – tablent sur 400 000 ventes contre 330 000 en 2011. La facture automobile, s’élevant à plusieurs milliards de dollars par an, fait de l’Algérie le premier marché automobile d’Afrique. En outre, alors que la Casbah d’Alger, véritable mémoire du pays, est en train de s’écrouler, le pouvoir a choisi de consacrer une enveloppe d’environ 2 milliards de dollars pour financer le projet d’une grande mosquée dotée du plus haut minaret au monde (plus de 200 mètres).

    « Le roi Hassan II a eu sa grande mosquée à Casablanca, Bouteflika veut la sienne en bord de mer. C’est aussi simple que ça. »

    « La Casbah n’est pas prioritaire », dit ce jeune architecte rencontré en marge du colloque sur l’histoire de l’Algérie organisé par El Watan.

    Cette croissance, tirée par les exportations de pétrole, a donné lieu à une explosion du marché informel, à une économie de bazar, profitant à des couches sociales parasitaires – ceux que l’on désigne sous le vocable de mafia de l’importation – qui font peser un risque sérieux sur l’économie algérienne.

    Le premier ministre Ahmed Ouyahia s’en est fait l’écho, expliquant l’échec de nombreuses réformes par l’existence de liens noués par cette mafia au sein de l’appareil d’État. Des industriels privés s’en plaignent également. Les mafieux seraient derrière l’échec de nombreux projets économiques, voire de toute politique de relance de l’économie réelle. « S’ils pouvaient arracher les orangeraies pour importer l’orange et le jus de fruit, ils le feraient », se plaint ce patron d’une PME d’électronique.

    Le scandale de l’importation a atteint un tel niveau que l’État a été contraint, sous peine d’explosion sociale, d’autoriser la Banque de l’agriculture à soutenir la réouverture de huit usines de production de tomates en conserves, secteur employant 140 000 personnes dont 5 000 agriculteurs, et partant, de donner un coup d’arrêt à l’importation de tomates en conserves en provenance d’Asie mais aussi… d’Arabie saoudite, pays qui les produit en Afrique de l’Est.

    Une chose est sûre, la pauvreté et la précarité sont bien visibles. Le taux de chômage – officiellement de 11 % – reste élevé notamment chez les jeunes où il serait supérieur à 40 %. Et, en ce 5 juillet, le Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) s’est invité aux festivités du cinquantenaire, place du 1er Mai, scandant « le peuple veut la fin du gaspillage », allusion au financement des festivités.

    Pour une partie de ces Algériens qui pensent que leur pays n’est pas à l’abri d’un retournement brutal de la conjoncture pétrolière comme en 1986, il y a comme un sentiment de n’avoir pas mis à profit ces cinquante ans. « Affirmer que le bilan est totalement négatif ou qu’il est globalement positif, c’est s’enfermer dans un débat inutile. La réalité est plus complexe. Mais force est de constater que les reculs l’emportent sur les avancées sociales et économiques arrachées dans les années 1970 », déplore Nourredine, militant associatif.

    Pour d’autres, l’Algérie a servi de laboratoire à de multiples expériences comme « l’industrie industrialisante », « la révolution agraire ». Une politique qui a coûté cher aux finances du pays, écrit l’économiste Abderrahmane Mebtoul, qui estime le montant des remboursements de la dette (principal et services) générée par cette politique entre 1985 et 2005 à 108 milliards de dollars. « Des pays qui étaient au même niveau que nous, moins dotés que l’Algérie, sont aujourd’hui des pays développés : je pense à la Corée, à la Thaïlande, et plus près de nous, à l’Espagne en dépit de la crise qui la frappe », déplore Mourad, ingénieur en maintenance.

    « On a formé et on continue de produire des dizaines de milliers d’ingénieurs, de cadres dans tous les domaines, pour rien ! Faute de politique de développement sur le moyen et long terme, c’est le chômage qui les attend », ajoute-t-il. Chaque année, plus de 300 000 jeunes, en majorité diplômés, arrivent sur le marché. Et faute d’emploi, certains bravent la mort, pour se rendre en Europe, avant de tenter leur chance vers les États-Unis, le Canada ou l’Australie, devenus leur terre d’élection.

    De 1999, année d’envolée des prix du pétrole, à 2011, l’Algérie a engrangé des centaines de milliards de dollars qui auraient pu servir à préparer l’après-pétrole. Il n’en a rien été. Aussi, en l’absence d’une politique de diversification de son économie afin de la rendre moins dépendante du pétrole, l’Algérie court-elle de sérieux risques.

    Plus grave, le pouvoir a inculqué aux gens, à travers une politique basée sur le tout-pétrole et des dépenses futiles servant l’image du régime – « Alger, capitale de la culture arabe », « Tlemcen, capitale de la culture islamique » et autres manifestations de la même tonalité –, le sentiment que l’Algérie sera à brève échéance l’équivalent d’Abu Dhabi. « Il a surtout inculqué aux Algériens une mentalité de rentier. À force de gonfler le torse en médiatisant à outrance le fait de disposer de 200 milliards de dollars de réserves de change, des Algériens, de plus en plus nombreux, se demandent pourquoi ils n’ont pas le même train de vie que les Émiriens ou les Qatariens », explique cet économiste.

    Accord sidérurgique avec le Qatar

    Un mémorandum d’entente pour la réalisation d’un complexe sidérurgique, d’une capacité globale de 5 millions de tonnes/an, dans la zone industrielle de Bellara à Jijel, vient d’être signé entre l’Algérie et le Qatar. La construction de cette usine est présentée comme un des moyens de réduire les importations de produits sidérurgiques. Selon les chiffres du ministère de l’Industrie, l’Algérie importe chaque année près de 10 milliards de dollars de ces produits, soit près de 20 % de sa facture d’importation globale. Le complexe en question devrait produire, dans une première étape, 2,5 millions de tonnes d’acier long pour arriver à 5 millions de tonnes avec la production d’acier plat et des aciers spéciaux, fait-on savoir du côté du ministère algérien de l’Énergie et des Mines.
    L'Humanité

  • #2
    La roue tourne. On regrettera bientôt de ne pas s'être débarrassé de l'économie rentière pendant qu'il était encore temps !

    Les réserves de change ne sont qu'un mirage, vu que leur équivalent monétaire est déjà en circulation en algérie.
    Jeûner c'est bien. Manger c'est mieux.

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