« La vérité ne divise jamais, elle rassemble. Il me revient désormais, dans la longue chaîne de notre histoire (...) de poursuivre le travail commun de mémoire, de vérité et aussi d'espoir. Ce travail commence par la transmission».
C'est ce que vient de dire le Président français à propos de la rafle du Vel'd'Hiv qui avait visé des milliers de Juifs, durant la Seconde Guerre mondiale, menée par des policiers français. Des Juifs qui seront internés, tués, affamés. La part française maudite de la Shoah. L'aveu le plus direct sera donc résumé en une seule phrase : « La vérité, elle est dure, elle est cruelle, c'est que pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l'ensemble de cette opération. La vérité, c'est que le crime fut commis en France par la France » a dit le Président français. Du coup, chez nous en Algérie, on se remet à penser à l'histoire coloniale française. Ses tueries, atrocités, meurtres et guerres contre civils. La longue histoire commune du tué et du tueur. Pas l'histoire coloniale effacée en France, ni « l'histoire révolutionnaire » algérienne ternie par ses commerçants, les vétérans et le régime et ses employés. Non, l'autre la vraie.
Car dans les deux pays, on n'assume pas. La « vérité qui ne se divise jamais » est valable pour la mémoire des Français, chez eux, pour eux, pour leurs enfants. Elle l'est aussi chez nous, entre nous, pour nos enfants. Elle doit être assumée dans sa totalité indivise ici aussi : massacre de Mellouza, bleuite, trahisons, vengeances. L'histoire algérienne a aussi son tiroir de luttes intestines, de héros trahis et « vendus » à l'armée française pour pouvoir mieux les remplacer. L'histoire algérienne a son lot des Abane tués, avant et après l'indépendance. Son quota de colonels, Chaabani, ses dépouilles d'Amirouche et d'El Haouès… etc. Le FLN algérien a tué, trahi aussi, « vendu » et séquestré et assassiné des civils algériens et européens. Pas autant que le colonisateur mais le crime est un crime. Et cela, un jour ou l'autre il faut l'assumer. Et s'il faut demander des excuses à la France, il faut aussi les présenter aux morts tués dans le dos chez nous.
Rêver de ce jour où l'on assume chacun la part du mort et du meurtre et clore cette histoire comme une histoire. Attendre que cela se fasse, ici et ailleurs, hors des pieds noirs et des mains rouges, des nostalgiques et des vétérans de guerre. Sans que la mémoire soit une honte hypocrite chez l'ancien colonisateur et un commerce de rentes ici chez les preneurs d'otage du vrai FLN. Hollande le Français vient de le faire pour la rafle du Vel-d'Hiv, il doit le faire pour l'Algérie s'il ne veut pas mentir sur sa promesse de « poursuivre le travail commun de mémoire, de vérité et aussi d'espoir » selon ses mots. Sauf que cela doit se faire encore chez nous, totalement, absolument.
Cela se fait ? Non. Il n'y a qu'à se rappeler ce folklore du 50ème anniversaire de l'indépendance et sa bande dessinée nord-coréenne : une histoire de héros sans tache, d'épopée sans crimes, de lutte sans faille. Une histoire faite pour les vétérans, leur gloire, leurs sourires et leurs vanités et narcissisme. Une histoire de manuels staliniens et de mensonges par défaut, écrite pour se faire plaisir, et pas l'histoire entière et indivise du pays. Que chacun assume, ici en Algérie et là-bas en France, et que l'on en finisse donc ! Les excuses sélectives font partie du crime français, autant que les demandes d'excuses qui excluent les crimes des siens sont un crime algérien.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran
C'est ce que vient de dire le Président français à propos de la rafle du Vel'd'Hiv qui avait visé des milliers de Juifs, durant la Seconde Guerre mondiale, menée par des policiers français. Des Juifs qui seront internés, tués, affamés. La part française maudite de la Shoah. L'aveu le plus direct sera donc résumé en une seule phrase : « La vérité, elle est dure, elle est cruelle, c'est que pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l'ensemble de cette opération. La vérité, c'est que le crime fut commis en France par la France » a dit le Président français. Du coup, chez nous en Algérie, on se remet à penser à l'histoire coloniale française. Ses tueries, atrocités, meurtres et guerres contre civils. La longue histoire commune du tué et du tueur. Pas l'histoire coloniale effacée en France, ni « l'histoire révolutionnaire » algérienne ternie par ses commerçants, les vétérans et le régime et ses employés. Non, l'autre la vraie.
Car dans les deux pays, on n'assume pas. La « vérité qui ne se divise jamais » est valable pour la mémoire des Français, chez eux, pour eux, pour leurs enfants. Elle l'est aussi chez nous, entre nous, pour nos enfants. Elle doit être assumée dans sa totalité indivise ici aussi : massacre de Mellouza, bleuite, trahisons, vengeances. L'histoire algérienne a aussi son tiroir de luttes intestines, de héros trahis et « vendus » à l'armée française pour pouvoir mieux les remplacer. L'histoire algérienne a son lot des Abane tués, avant et après l'indépendance. Son quota de colonels, Chaabani, ses dépouilles d'Amirouche et d'El Haouès… etc. Le FLN algérien a tué, trahi aussi, « vendu » et séquestré et assassiné des civils algériens et européens. Pas autant que le colonisateur mais le crime est un crime. Et cela, un jour ou l'autre il faut l'assumer. Et s'il faut demander des excuses à la France, il faut aussi les présenter aux morts tués dans le dos chez nous.
Rêver de ce jour où l'on assume chacun la part du mort et du meurtre et clore cette histoire comme une histoire. Attendre que cela se fasse, ici et ailleurs, hors des pieds noirs et des mains rouges, des nostalgiques et des vétérans de guerre. Sans que la mémoire soit une honte hypocrite chez l'ancien colonisateur et un commerce de rentes ici chez les preneurs d'otage du vrai FLN. Hollande le Français vient de le faire pour la rafle du Vel-d'Hiv, il doit le faire pour l'Algérie s'il ne veut pas mentir sur sa promesse de « poursuivre le travail commun de mémoire, de vérité et aussi d'espoir » selon ses mots. Sauf que cela doit se faire encore chez nous, totalement, absolument.
Cela se fait ? Non. Il n'y a qu'à se rappeler ce folklore du 50ème anniversaire de l'indépendance et sa bande dessinée nord-coréenne : une histoire de héros sans tache, d'épopée sans crimes, de lutte sans faille. Une histoire faite pour les vétérans, leur gloire, leurs sourires et leurs vanités et narcissisme. Une histoire de manuels staliniens et de mensonges par défaut, écrite pour se faire plaisir, et pas l'histoire entière et indivise du pays. Que chacun assume, ici en Algérie et là-bas en France, et que l'on en finisse donc ! Les excuses sélectives font partie du crime français, autant que les demandes d'excuses qui excluent les crimes des siens sont un crime algérien.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran
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