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Grozny. Comme un air de Dubaï

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  • Grozny. Comme un air de Dubaï

    Après deux guerres, Kadyrov, le tyran de Tchétchénie, a rebâti sa capitale à son image, dans la démesure kitsch.

    Attablées à une terrasse, des élégantes en Gucci *commandent des sushis tout en maniant des smartphones *dernier cri. Sous leurs *talons aiguilles, le trottoir est récent. Idem pour les réverbères et même le bitume où roulent des Mercedes aux vitres fumées. « On se croirait à Legoland, observe Frédérique Drogoul, ex-responsable du programme santé mentale de *Médecins du monde en Tchétchénie.

    Tout est si neuf, dans les moindres détails, que cela souligne l’étendue des destructions *préalables. » Grozny, année zéro. Après la dernière guerre, la ville martyre n’était plus que poussière, gravats, façades déchiquetées par les obus…

    Un clan prend le pouvoir, avec la bénédiction de Moscou : Kadyrov le père, puis, à sa mort, un de ses fils, Ramzan. Dès 2007, il va régner sur la Tchétchénie, un million d’habitants et un territoire grand comme l’Ile-de-France. Pour son petit pays, il voit très grand, lançant projet sur projet, pharaonique de préférence. Derniers en date : la plus grande cascade artificielle du monde, un ouvrage inspiré du pont *parisien *Alexandre-III et, surtout, *Grozny-City, un *business center à l’américaine.

    Durant deux ans, 2 000 ouvriers tchétchènes et turcs s’affairent jour et nuit pour construire cet ensemble de gratte-ciel entourés de dizaines de jardins et fontaines multicolores. Mais si l’une des tours a l’allure d’une fusée, il ne s’agit pas – encore – de viser la Lune. Le jeune potentat veut juste épater la planète Terre. La mairie de Grozny rêve ainsi d’attirer 42 milliards de dollars d’investissement d’ici à 2014. Et de *développer le tourisme.

    En mars 2011, le président convie Lara Fabian à chanter en l’honneur des femmes tchétchènes. Deux mois plus tard, il inaugure un stade géant à grand renfort d’invitations aux stars internationales du foot, dont Maradona.

    En octobre, il récidive, le jour de l’ouverture de Grozny-City et, incidemment, de son 35e anniversaire à lui. Version showbiz cette fois. Concerts, lasers, feux d’artifice… « Je vous aime, Mister Kadyrov, je vous aime de tout mon cœur », lance un Jean-Claude Van Damme qu’on avait connu plus martial. Hilary Swank n’est pas en reste, admirant « la passion du gouvernement tchétchène pour la paix et les belles réalisations ».

    De cette envolée lyrique, elle va se repentir, jurant qu’elle ignorait les exactions dont les organisations des droits de l’homme accusent son hôte : arrestations arbitraires, torture et élimination des opposants, quitte à envoyer des sbires leur faire la peau quand ils se réfugient à Moscou, Vienne ou Dubaï.

    D'où vient l'argent? "Allah nous le donne"

    Malgré sa démesure, le « roi du Caucase » n’a rien d’un bouffon. Certes, ses extravagances peuvent prêter à sourire. Outre cinquante voitures de luxe, ce féru de boxe s’est offert une écurie de pur-sang arabes. Au tigre, au lion et aux autres fauves de son zoo personnel, il a récemment ajouté un autre animal réputé pour sa douceur, un requin. Lorsqu’il est de bonne humeur, il jette à la foule des billets de 5 000 roubles (environ 120 euros). Quant à ses courtisans, il leur suffit de composer une chanson en son honneur pour récolter une Ferrari ou un poste de haut fonctionnaire, c’est selon.

    D’où viennent les sommes folles dont semble disposer le clan au pouvoir ? « Allah nous le donne, explique le potentat lors de l’inauguration du centre d’affaires. Nous-mêmes ne savons pas toujours très bien d’où nous vient l’argent. » Une partie serait ponctionnée dans les subsides en provenance de Moscou. Le reste est prélevé sur les salaires de fonctionnaires, qui peuvent baisser de moitié du jour au lendemain.

    Sans parler du racket, institutionnalisé. Quand ils sont priés d’aider une fondation caritative officielle, les Tchétchènes n’osent pas refuser, sous peine des pires ennuis. Et pour trouver un travail, il faut commencer par payer. Ou avoir des amis très bien placés.

    Dans les avenues tirées au cordeau, s’affichent désormais d’énormes portraits du « petit Staline », comme on le surnomme en chuchotant. Les plus jeunes, eux, préfèrent parler de « Voldemort », le terrifiant sorcier de la saga Harry Potter. Ceux qui se sont battus pour l’indépendance ne reconnaissent plus leur pays. Seules règnent la corruption et la peur.

    D’autant que, pour asseoir son pouvoir, le maître de la Tché*tchénie s’est aussi mis en tête de réislamiser sa patrie. Désormais, toute la gent féminine est priée de se couvrir la tête dans les établissements publics. Mais le soir venu, à la sortie de la fac, les plus coquettes s’empressent de libérer leur chevelure. Une minuscule rébellion, la seule encore possible à Grozny.

    Karen Isère - Paris Match


    Il y a dix ans la ville ressemblait à Berlin en 1945, aujourd'hui le centre ville ne comporte aucun édifice ancien.
    La moitiè des 400.000 habitants périt où s'enfuit.


    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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