Le ministre Mourad Medelci et l'économiste Abdelhak Lamiri n'ont à l'évidence pas la même analyse des conséquences de l'accord d'association Algérie-UE, mais aussi, du niveau des performances de l'économie algérienne au vu des dizaines de milliards de dollars injectés...
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Liberté : Comment évaluez-vous l’évolution des réformes économiques en Algérie ?
M. Abdelhak Lamiri : Je pense que les réformes économiques évoluent très lentement en Algérie. Elles ont commencé en 1988, puis le pays a connu une décennie politique très difficile durant les années 1990 pour mener à terme ces réformes. Ceci dit, la plupart des grandes réformes ont traîné. D’ailleurs, la Banque mondiale a cité, dans son rapport, l’Algérie parmi les pays où les réformes n’avancent pas vite. Même les décideurs politiques algériens ont reconnu que les réformes économiques n’avancent pas assez vite et qu’il faut leur donner un coup d’accélérateur.
Ces derniers mois, le processus de privatisation des entreprises publiques a enregistré des progrès quantitatifs qui commencent à donner des résultats. Ces réformes demeurent très en retard pour plusieurs raisons. Premièrement, il faudrait identifier la source qui conçoit les réformes en Algérie, car il y a une atomisation du processus décisionnel qui ne va pas dans l’intérêt de l’économie nationale. Autrement dit, il faudrait avoir un chef d’orchestre économique doté de moyens nécessaires pour la conduite des réformes économiques.
Deuxièmement, il y a une organisation administrative qui est conçue d’une manière à bloquer ces réformes même si la volonté politique existe. Troisièmement, nous devons avoir une institution solide composée de l’intelligence algérienne et même étrangère qui conçoit ces réformes dans le sens où elles seraient exécutées rapidement. L’Algérie n’est pas correctement structurée pour faire avancer les réformes bien que la volonté politique ne fasse pas défaut. En Pologne par exemple, les décideurs politiques ont fixé les objectifs, puis l’Institut polonais de développement conçoit techniquement la mise en œuvre des réformes économiques et les ministères qui exécutent les différentes orientations et décisions fixés auparavant. Or, l’Algérie n’a pas encore cette typologie organisationnelle où il y a une séparation du politique et du technique. Le politique fixe les objectifs et contrôle, alors que le technique fait la planification et la conception des projets. Le politique et le technique se sont entremêlés en Algérie. Ce qui explique que le pays n’avance pas.
Qu’en est-il du plan de soutien à la relance économique ?
Il y a eu, certes, la création de plusieurs emplois temporaires et d’autres permanents, mais si l’on fait un bilan technique de ce plan, on constate qu’il n’est pas reluisant. Et pour cause, on injecte dans l’économie plus de 15% de ressources et on réalise une croissance de 5%. Normalement, si l’on injecte 15% du PIB dans la sphère économique, on aboutira à une croissance de 12%.
Autrement dit, cette croissance de 5 à 6% dont on est en train de jubiler est très faible. La croissance n’est pas un paramètre essentiel de la bonne santé d’une économie. Il y a d’autres paramètres plus importants. Premièrement, il y a le volume des exportations hors hydrocarbures. Deuxièmement, il y a la productivité. Troisièmement, le taux de création d’entreprises par 100 000 habitants. Ces trois indicateurs sont des paramètres de prospective qui permettent d’avoir une vision globale sur l’économie algérienne dans les 10 à 15 prochaines années. En Algérie, il y a 21 000 PME pour une population de 32 millions d’habitants, soit une moyenne de 64 PME pour 100 000 habitants. C’est un taux très faible comparativement aux autres pays de la région.
Quel premier bilan dressez-vous de la mise œuvre de l’accord d’association avec l’Union européenne ?
L’aspect positif de cet accord est d’avoir permis à l’entreprise algérienne de prendre conscience de sa vulnérabilité et d’essayer de s’améliorer en adoptant de nouvelles méthodes de management. Pour certaines entreprises, le diagnostic montre que c’est trop tard car on n’a pas prévu des scénarios de rechange avant l’application de cet accord. Nous allons payer un lourd prix en termes, notamment de perte de 50 000 à 100 000 PME dans les prochaines années. Les pays européens font le dumping à travers les politiques de subventions accordées aux agriculteurs et les aides à l’exportation. L’accord d’association est défavorable aux entreprises algériennes, car elles ne sont pas au même niveau de compétitivité que les entreprises européennes. Ceci dit, l’État peut intervenir pour protéger certaines filières en difficulté.
Par Liberté
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Liberté : Comment évaluez-vous l’évolution des réformes économiques en Algérie ?
M. Abdelhak Lamiri : Je pense que les réformes économiques évoluent très lentement en Algérie. Elles ont commencé en 1988, puis le pays a connu une décennie politique très difficile durant les années 1990 pour mener à terme ces réformes. Ceci dit, la plupart des grandes réformes ont traîné. D’ailleurs, la Banque mondiale a cité, dans son rapport, l’Algérie parmi les pays où les réformes n’avancent pas vite. Même les décideurs politiques algériens ont reconnu que les réformes économiques n’avancent pas assez vite et qu’il faut leur donner un coup d’accélérateur.
Ces derniers mois, le processus de privatisation des entreprises publiques a enregistré des progrès quantitatifs qui commencent à donner des résultats. Ces réformes demeurent très en retard pour plusieurs raisons. Premièrement, il faudrait identifier la source qui conçoit les réformes en Algérie, car il y a une atomisation du processus décisionnel qui ne va pas dans l’intérêt de l’économie nationale. Autrement dit, il faudrait avoir un chef d’orchestre économique doté de moyens nécessaires pour la conduite des réformes économiques.
Deuxièmement, il y a une organisation administrative qui est conçue d’une manière à bloquer ces réformes même si la volonté politique existe. Troisièmement, nous devons avoir une institution solide composée de l’intelligence algérienne et même étrangère qui conçoit ces réformes dans le sens où elles seraient exécutées rapidement. L’Algérie n’est pas correctement structurée pour faire avancer les réformes bien que la volonté politique ne fasse pas défaut. En Pologne par exemple, les décideurs politiques ont fixé les objectifs, puis l’Institut polonais de développement conçoit techniquement la mise en œuvre des réformes économiques et les ministères qui exécutent les différentes orientations et décisions fixés auparavant. Or, l’Algérie n’a pas encore cette typologie organisationnelle où il y a une séparation du politique et du technique. Le politique fixe les objectifs et contrôle, alors que le technique fait la planification et la conception des projets. Le politique et le technique se sont entremêlés en Algérie. Ce qui explique que le pays n’avance pas.
Qu’en est-il du plan de soutien à la relance économique ?
Il y a eu, certes, la création de plusieurs emplois temporaires et d’autres permanents, mais si l’on fait un bilan technique de ce plan, on constate qu’il n’est pas reluisant. Et pour cause, on injecte dans l’économie plus de 15% de ressources et on réalise une croissance de 5%. Normalement, si l’on injecte 15% du PIB dans la sphère économique, on aboutira à une croissance de 12%.
Autrement dit, cette croissance de 5 à 6% dont on est en train de jubiler est très faible. La croissance n’est pas un paramètre essentiel de la bonne santé d’une économie. Il y a d’autres paramètres plus importants. Premièrement, il y a le volume des exportations hors hydrocarbures. Deuxièmement, il y a la productivité. Troisièmement, le taux de création d’entreprises par 100 000 habitants. Ces trois indicateurs sont des paramètres de prospective qui permettent d’avoir une vision globale sur l’économie algérienne dans les 10 à 15 prochaines années. En Algérie, il y a 21 000 PME pour une population de 32 millions d’habitants, soit une moyenne de 64 PME pour 100 000 habitants. C’est un taux très faible comparativement aux autres pays de la région.
Quel premier bilan dressez-vous de la mise œuvre de l’accord d’association avec l’Union européenne ?
L’aspect positif de cet accord est d’avoir permis à l’entreprise algérienne de prendre conscience de sa vulnérabilité et d’essayer de s’améliorer en adoptant de nouvelles méthodes de management. Pour certaines entreprises, le diagnostic montre que c’est trop tard car on n’a pas prévu des scénarios de rechange avant l’application de cet accord. Nous allons payer un lourd prix en termes, notamment de perte de 50 000 à 100 000 PME dans les prochaines années. Les pays européens font le dumping à travers les politiques de subventions accordées aux agriculteurs et les aides à l’exportation. L’accord d’association est défavorable aux entreprises algériennes, car elles ne sont pas au même niveau de compétitivité que les entreprises européennes. Ceci dit, l’État peut intervenir pour protéger certaines filières en difficulté.
Par Liberté
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