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L'arabe, une langue déliée

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  • L'arabe, une langue déliée

    Résumé d'un article de Boutros Hallaq, professeur d’Université (Paris III). je trouve que c'est une très bonne synthèse du sujet :

    « Sacrée », « rare », « morte ». Trois qualificatifs souvent accolés à « langue arabe » dans le discours courant ou même institutionnel. Qu’en est-il ?

    Il suffit de rappeler que l'arabe est le véhicule de l'écrit utilisé par prés de 3oo millions de locuteurs, et l'une des six langues officielles de l'UNESCO, pour que les deux derniers qualificatifs tombent. Car, à côté des réelles langues maternelles que constituent les divers dialectes propres à chaque pays ou région, l'arabe, pratiqué dans un registre savant ou démotique, reste le véhicule de communication exclusif par écrit (presse, édition dans tous les domaines,documents officiels et scolaires, réunions ... etc.) et dominant pour ce qui est de la communication orale dans l'espace public national et panarabe (conférences, enseignement, débats dans les médias, prêches ... etc.). C'est une langue « de tous les jours », même si elle a été apprise à l'école et qu'elle est plus ou moins maîtrisée.

    L'arabe, une langue de culture constituée avant l’islam

    Quant au qualificatif « sacrée »,il mérite explication. Dans l'imaginaire européen, l'arabe reste intimement lié à l'islam. Ce phénomène reflète 16 siècles de cohabitation, tant des deux côtés de la Méditerranée qu'au cœur del'Europe. […].

    Un rapide rappel historique suffirait à battre en brèche cette image. Si la révélation coranique, destinée au commun des mortels, a pris corps à travers la langue arabe, c’est que celle-ci était le véhicule de la communication dans ce premier tiers du 7e s. […] Elle était en fait la langue de ces tribus marchandes qui transhumaient dans la Péninsule et vivaient, pour certaines, des échanges avec les pays du S., comme le Yémen ou Éthiopie, et du N. ; où florisaient deux royaumes arabes en Syrie et en Mésopotamie. Loin d’être une simple langue de communication, cet arabe avait déjà atteint sa phase classique un siècle auparavant. C’est à cette période préislamique que nous devons les grands chefs-d’œuvre de la poésie arabe […]. Cette littérature hautement élaborée est due à des poètes païens, mais aussi chrétiens ou juifs. C’est aussi dans cet arabe que s’élaboraient les traités de théologie chrétienne et certains commentaires juifs. L’arabe s’était déjà constitué en langue de culture de haute tenue avant l’Islam et indépendamment de lui. […] L’équation arabe = islam ne peut être retenue.

    Cet arabe adopté par le Coran était le fruit d’une longue maturation. Son existence est déjà attestée au début début de l’ère chrétienne : les Actes des Apôtres en font état en mentionnant la présence de locuteurs arabes au moment de la Pentecôte. Mais les premières traces épigraphiques d’une écriture arabe antique, dite proto-arabe, remonte au 7e s. av. J.-C. […] Cette langue fait partie de la famille chamito sémitique, qui englobe aussi l’hébreu, l’araméen et l’ancien égyptien. De l’avis général, l’arabe en est l’élaboration la plus poussée […]
    Il est évident qu’en propulsant les arabes sur la scène internationale comme acteurs durables régissant un immense empire multiculturel, l’islam a déterminé le parcours de la langue arabe. Leurs destins sont désormais liés ; liés mais non confondus.

    Un chef-d’œuvre historique de la science du langage

    C’est au sein de cet empire que l’arabe va être codifié et accéder au statut d’une langue de civilisation universelle. Le corpus coranique est constitué et la vulgate fixée une fois pour toutes ; L’orthographe se précise : les lettres ont été enrichies […], une grammaire est élaborée par des convertis qui ont été amenés à apprendre l’arabe en vue d’en rendre l’apprentissage plus commode. Cette grammaire constitue, d’après le linguiste David Cohen « l’un chef-d’œuvre historique de la science du langage ». […]

    Ainsi, s’est fixé durablement l’arabe écrit. […] Parallèlement à cette langue ainsi codifiée ont subsisté des dialectes qui se sont multipliés au contact des langues des pays conquis. Ils sont touours aussi vivants et ont donné lieu à une littérature de haut niveau. Tout locuteur arabe est affronté à cette diglossie, qui ne manque pas de poser des problèmes d’ordre pratique.

    C’est aussi grâce au brassage des différentes langues, anciennes ou contemporaines, que l’arabe va devenir une langue de culture. Enrichi par les traductions du grec comme celle du persan ou du sanscrit, l’arabe devient la langue où s’expriment toutes les disciplines […]. Eclos alors la deuxième phase du classicisme arabe, […] où s’élabore en prose un humanisme qui rappelle celui de la renaissance européenne […] et donna naissance à un corpus littérature qui fait maintenant partie du patrimoine de l’humanité, au-delà des cultures et des croyances religieuses.

    in L'Express (n° 3155-3156
    )
    Dernière modification par Harrachi78, 09 août 2012, 14h44.
    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

  • #2
    Sur la question dialectale

    Je trouve son propos particulièrement pertinent à propos de la question des dialectes arabes modernes :

    Malgré le rapprochement incessant entre les dialectes et l'arabe standard effectué grâce aux différents médias, l’écart reste trop grand pour que cet arabe standard fonctionne comme une langue maternelle. L'expression pleine et spontannée de l'individu, possible au dialectal, reste malaisée et parfois artificielle en arabe standard, pourtant langue de l'espace public et de l'écrit. [...] La tentation est grande d'instituer les dialectes en langues nationales, mais cela ne ferait que reproduire la difficulté. Comment faire pour permettre à chaque locuteur d'accéder sans trop de difficultés à une expression individuelle adéquate, sans prendre le risque de bousculer un code grammatical ou un procédé d'écriture fixés il y a plus de 13 siècles ? [...] Ce débat ne semble pas près d'aboutir [...]. Mais c'est aussi par ce biais que l'arabe restera, comme il l'a toujours été, une langue de culture universelle, tout en gardant le privilège d'être la langue d'une révélation majeure.
    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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    • #3
      Je trouve son propos particulièrement pertinent à propos de la question des dialectes arabes modernes :
      oui et c'est encore plus valable pour les dialectes maghrébins (particuliérement l'occidental)ou l'écart vis à vis de l'arabe dit classique est encore plus important que leurs homologues orientaux..
      ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
      On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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      • #4
        @Xenon

        Sur quelle base as-tu évalué l'intensité de l'écart par rapport aux deux groupes ?
        "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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        • #5
          Sur quelle base as-tu évalué l'intensité de l'écart par rapport aux deux groupes ?
          ben d'abords sur ce qui est le plus évident la syntaxe et le lexique..( je fais l'impasse sur la phonétique)
          écart linguistique et phonétique constaté de visu et d'une maniére pratique aprés une expérience personnelle de plusieurs années dans un environnement social proche oriental ( syro libanais) et confirmé par de nombreux autres dans un cas similaire...

          de toute façon cet écart est constaté de maniére notable , je n'invente rien , les proche orientaux ont l'arabe "classique" beaucoups plus facile et naturel que nous vu qu'il est plus facile pour eux de passer du dialecte à la langue pure ...
          ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
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          • #6
            @Xenon

            L'écart par rapport à l'arabe classique est constaté, mais la question portais plutôt sur le fait de dire que le groupe des dialectes maghrébins le seraient à un plus haut degré d'intensité que ceux d'Orient.

            Chez-nous, les gens cultivés ou les citadins n'ont pas plus de difficultés à passer vers le classique que les orientaux que tu as pu croiser (forcément cultivés ou citadins). C'est en allant vers les couches les plus "populaires" que tu pourra juger réellement de la situation.

            As-tu par exemple comparé le parler des bédouins de Jordanie ou de Syrie avec celui des nôtres ?
            Dernière modification par Harrachi78, 09 août 2012, 15h51.
            "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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            • #7
              Salam

              Merci pour la lecture..

              Quant au qualificatif « sacrée »,il mérite explication.

              Il conclu avec : "Leurs destins sont désormais liés ; liés mais non confondus.".. comme si le monsieur se met à égale distance entre d'une côté les musulmans (arabes ou pas) pour lesquels cette langue est sacrée et de l'autre les arabes non musulmans refusant le fait de la rattacher à l'Islam.

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              • #8
                @Mohamed_Réda

                Ce n'est pas du tout ce que j'ai compris de ce propos.

                Il souligne juste que le caractère de sacralité que cette langue a pu acquérir avec l'avènement de l'Islam attache forcément son destin à celui de cette religion, mais sans pour autant croire que cette sacralité acquise lui enlève son autre valeur séculaire, celle de langue de culture ou de savoir.

                En un mot, il contredit ceux qui réduisent l'arabe au statut de "langue sacrée", au sens de langue de théologie et de jurisprudence.
                "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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                • #9
                  Chez-nous, les gens cultivés ou les citadins n'ont pas plus de difficultés à passer vers le classique que les orientaux que tu as pu croiser (forcément cultivés ou citadins). C'est en allant vers les couches les plus "populaires" que tu pourra juger réellement de la situation.
                  certes , j'en conviens mais il reste qu'un beyrouthin ou un damascin avec son parler citadin et raffiné est beaucoups plus à l'aise dans l'arabe classique qu'il aborde trés naturellement et sans effort qu'un citadin algérien ou marocain ..

                  ceci est constatable d'ailleurs sur les plateaux tv d'al jazeera et cie .


                  As-tu par exemple comparé le parler des bédouins de Jordanie ou de Syrie avec celui des nôtres ?
                  le bédouin de la région de deir ezzour en syrie et un arabe bédouin irakien , beaucoups moins évident et compréhensible que le syro libanais de base ,personnellement je ne le comparerais pas à l'arabe bédouin maghrébin que je trouve plus proche ( c'est relatif) à l'arabe des pays du golfe .

                  je précise qu'en arabe bédouin algérien je n'ai d'avis à avoir que sur l'arabe( et ses nuances) parlé dans les régions de sétif ,m'sila , mansourah , médéa, biskra..etc
                  je ne connais pas trop les autres ..
                  Dernière modification par xenon, 09 août 2012, 16h36.
                  ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
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                  • #10
                    @Xenon

                    Justement, parce que tu prends pour repère les parlers citadins actuels, que je qualifierais de poste-coloniaux. Si tu reviens un siècle et demi en arrière, tu aurait autre chose. En fait, niveau déstructuration, les parlers maghrébins ne sont pas plus différents de l'arabe classique que les orientaux. Ils ont juste pris un chemin différent.

                    C'est dommage, car j'avais un jour retrouvé des transcriptions phonétiques de vielles histoires algéroise en dialecte locale. Un vrai délice de raffinement que cet ancien langage ! Essayes aussi de retrouver quelques articles de feu Bencheneb, il a conservé quelques trucs du parler des gens du Titteri !
                    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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                    • #11
                      C'est dommage, car j'avais un jour retrouvé des transcriptions phonétiques de vielles histoires algéroise en dialecte locale. Un vrai délice de raffinement que cet ancien langage ! Essayes aussi de retrouver quelques articles de feu Bencheneb, il a conservé quelques trucs du parler des gens du Titteri !
                      ben on a un aperçu déja dans les bokalats ou dans les noubat andalouses
                      mais on ne sait pas si le "trait" est forcé ou non

                      le langugae était à coup sur plus affiné que le notre mais jusqu'a quel degré en réalité ? et surtout était il vulgarisé ..
                      ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
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                      • #12
                        @Xenon

                        A vrai dire, les transcriptions en question sont d'époque et non des reconstitution. Un de ces anthropologue français les avait consigné auprès de locaux, aux premières années qui ont suivi la chute d'Alger.

                        Était-ce un langage plus policé que l’ordinaire ? Peut-être bien, mais il n'en redonne pas moins une image plus claire du langage citadin du coin que ce qui est sorti de 130 ans de colonisation française !
                        "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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                        • #13
                          Salam harrachi,

                          Pourquoi tu veux intimider MOMO84 en citant ses ecrits?

                          Ramdan rah ghalbek wakil.

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                          • #14
                            Envoyé par xenon Voir le message
                            oui et c'est encore plus valable pour les dialectes maghrébins (particuliérement l'occidental)ou l'écart vis à vis de l'arabe dit classique est encore plus important que leurs homologues orientaux..
                            L'inverse est probablement le plus juste : la grammaire est plus respectée dans les dialectes maghrébins que dans ceux de l'orient (Si Al Moutanabi entendait un Libanais lui dire "Ahla fikoun", il se tirerait une balle direct! ).

                            L'impression d'étrangeté qu'on a entre nos dialectes et la langue classique est beaucoup due à notre vocabulaire qui est souvent fassi7 sans qu'on le sache car désuet. Après tout, c'est "l'arabe standard moderne" qui fait que tel mot est désuet et tel autre ne l'est pas, et cet ASM est l’œuvre des Orientaux!
                            Chacun pour Dieu et Dieu pour tous

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                            • #15
                              L'inverse est probablement le plus juste : la grammaire est plus respectée dans les dialectes maghrébins que dans ceux de l'orient (Si Al Moutanabi entendait un Libanais lui dire "Ahla fikoun", il se tirerait une balle direct! ).
                              c'est une fantaisie libanaise on va dire
                              non sérieux , t'as qu'a voir comment les algériens "imakmkou" sur un plateau télé oriental sitot qu'il faut soutenir une discussion sérieuse en arabe pour se rendre compte de l'effort que nous devons faire ..

                              d'ailleurs sur un plateau tv un egyptien en général ou un syrien continuent de parler leurs dialectes sans que celà donne l'impression d'une fausse note , alors que les maghrebins se mettent instinctivement à l'arabe classique pour se faire comprendre de tous(et un tantinet par complexe ) , ceci dénote bien que l'écart est bien plus important chez nous que chez eux , ceci pour des raisons diverses qu'il n'est pas utile de préciser sur ce post.

                              L'impression d'étrangeté qu'on a entre nos dialectes et la langue classique est beaucoup due à notre vocabulaire qui est souvent fassi7 sans qu'on le sache car désuet. Après tout, c'est "l'arabe standard moderne" qui fait que tel mot est désuet et tel autre ne l'est pas, et cet ASM est l’œuvre des Orientaux!
                              M'ouai , un peu comme les incas du pérou qui sont restés sur l'espagnol des conquistadors..
                              mais c'est vrai qu'il y'a des mot du viel arabe qui ne sont plus de cours dans les pays du levant ..faut croire que jazirat al maghrib porte bien son nom même dans le domaine des langues..
                              ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
                              On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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