Géopolitique du Proche-Orient arabe
Un préalable indispensable à toute opinion étant de connaître les données du problème, cet article se propose d'apporter les éléments objectifs documentés permettant de mieux comprendre la situation actuelle dans le monde arabe au Proche-Orient.
En géopolitique, comme en géostratégie, les données de base sont essentiellement la géographie, l'histoire des pays et de leurs populations, et leur économie. Des cartes sont donc indispensables. Une excellente source est le site gulf2000, émanation de l'université de Columbia (USA), sur lequel différentes cartes thématiques de la région (ethnies, histoire, religions, etc.) sont disponibles.
Géographie
Les frontières naturelles y sont de trois types : maritimes, montagneuses et désertiques.
La Méditerranée, la Mer Rouge, l'Océan indien et le golfe persique en constituent une bonne moitié. On y retrouve naturellement une forte proportion de groupes chassés par les envahisseurs aux limites de la région.
Les montagnes sont aussi intéressantes car elles ont toujours servi de refuge et de protection aux populations persécutées. La chaîne de l'anti-Liban sépare la Syrie musulmane du Liban chrétien ; dans le même axe Nord-Sud, le djebel Ansarieh isole la zone alaouite du nord de la Syrie de la majorité sunnite du pays.
À l'Est de la région arabe, une longue chaîne de hautes montagnes sépare l'Irak de l'Iran.
La frontière nord entre zone arabe et Turquie est souvent constituée de reliefs montagneux, bien que de beaucoup plus basse altitude.
De l'Arabie au Sud jusqu'à la Syrie au Nord, une vaste zone de sable, rochers et steppes semi-désertiques sépare plusieurs pays : Irak à l'Est, Syrie et Jordanie à l'Ouest, péninsule arabique au Sud.
Au centre de l'Arabie, le Nedj – un plateau de moyenne altitude un peu mieux arrosé – a permis la sédentarisation de certaines tribus. C'est là région dans laquelle se trouve Riyad, la capitale de l'Arabie.
Un élément particulièrement vital, surtout dans ces zones inhospitalières, est l'eau : le Tigre et l'Euphrate traversent plusieurs pays dont la Turquie, la Syrie et l'Irak, y jouant le même rôle que le Nil en Égypte. La distribution de ces réserves entre pays a toujours été source de tension.
La carte suivante montre la densité de population correspondant à ces zones géographiques et climatiques. Les zones jaune et orange sont les moins peuplées, les hachurées et noires les plus peuplées. (Cette carte montre aussi les peuplements séparés de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, en Libye, un facteur expliquant les tentatives de sécession.)
Histoire
Au cours des précédents millénaires, cette région du monde a subi une quantité impressionnante d'invasions, la musulmane étant celle qui l'a le plus marquée. Du XVIIe siècle à la fin de la Première guerre mondiale, elle faisait partie de l'empire ottoman.
C'est pendant cette guerre mondiale que deux accords très importants furent signés.
Anticipant une issue favorable, Anglais et Français signèrent les accords accords Sykes-Picots en 1916, partageant la région en trois zones d'influence : française au Nord (Syrie et Liban), anglaise dans les régions d'Arabie et du Golfe, arabe ailleurs.
La plupart de ces pays dont on parle beaucoup actuellement n'existaient tout simplement pas : l'Arabie séoudite, par exemple, ne date que de 1932, et le Koweit ne devint indépendant qu'en 1962. Leurs frontières, définies essentiellement par les Anglais et les Français, furent approuvées par la Société des Nations.
Le deuxième accord, dont les répercussions durent jusqu'à nos jours, fut la Déclaration Balfour promettant aux Juifs le « foyer national » qui allait devenir ultérieurement Israël. Les raisons peu connues à l'origine de cette déclaration méritent une explication.
Balfour était le ministre des Affaires étrangères du gouvernement britannique dont Lloyd George était le Premier ministre. Dans ses Memoirs of the Peace Conference, ce dernier explique les raisons et le marchandage qui conduisirent à cette déclaration : l'issue de la guerre était très incertaine, les forces en présence équilibrées, donc toute aide était bienvenue.
En échange de la Déclaration Balfour, les sionistes – qui ne faisaient pas l'unanimité parmi les Juifs de l'époque – s'engageaient à renflouer les coffres vides de l'Entente, à utiliser leur relations avec les révolutionnaires de Russie pour assurer à l'Est le blocus de l'Allemagne, et à hâter l'entrée en guerre des Américains en agissant sur l'opinion publique : « l'opinion publique en Russie et en Amérique jouait un grand rôle, et nous avions toutes les raisons de croire à l'époque que dans ces deux pays, l'amitié ou l'hostilité de la race juive [sic] pourrait faire une différence considérable. »
Lors de sa campagne électorale, le futur président américain Wilson s'était en effet déclaré pour la neutralité de son pays composé essentiellement d'Européens d'origines très variées, et la majorité des Juifs américains était favorable aux Allemands, ennemis de la très haïe Russie.
Cette modification de l'opinion sera gagnée grâce à une intense campagne de propagande, instrument développé par Edward Bernays , un double neveu de Freud :
« Bernays, qui travailla pour l'administration de Woodrow Wilson lors de la Première Guerre mondiale dans le Comite sur l'informatique publique , fut un influent promoteur de l'idée selon laquelle les efforts de guerre américains visaient principalement à “apporter la démocratie à toute l'Europe”. »
Cette « démocratie » désintéressée est restée un leitmotiv très familier dans les discours occidentaux actuels.
La propagande conçue par Bernays (auteur de Propaganda) s'avéra tellement efficace que certains de ses ouvrages seront retrouvés dans la bibliothèque du plus connu Goebbels.
Lloyd George précisait que la précipitation à signer la Déclaration Balfour venait du fait que les Allemands avaient déjà tenté de s'allier aux sionistes et d'agir – sans succès – sur leurs alliés turcs qui contrôlaient alors la Palestine.
Pour la petite histoire, la Déclaration fut rédigée par Leopold Amery, que l'historien William D. Rubinstein qualifia de « Juif caché », et dont le fils sera exécuté en 1945 pour trahison en faveur des nazis.
Après la IIe Guerre mondiale, la région s'est partagée pour l'essentiel entre monarchies pro-américaines (7 existent encore de nos jours) et quelques pays laïcs partisans du panarabisme alliés de l'URSS : la Syrie des Assad, l'Irak de Saddam Hussein, l'ancien Yémen du Nord et, à proximité, l'Égypte de Nasser.
Peuples
Les pays du Proche-Orient étant très récents, l'allégeance des habitants y est avant tout tribale, clanique, ethnique et religieuse avant d'être nationale. Les frontières tracées par les Français et les Britanniques n'ont pas vraiment tenu compte de ce fait qui s'avère capital. L'absence d'un État kurde et la création de l'Iraq pluri-ethnique sont deux exemples flagrants de cette découpe artificielle.
Bien que le nationalisme arabe contre l'envahisseur ottoman et les Occidentaux se développa dans le cadre de ces frontières, l'importance des divisions ethnico-religieuses est toujours d'actualité : cette carte détaillée montre la répartition ethnique dans une zone plus large s'étendant jusqu'à l'Afghanistan, carte indispensable pour comprendre la stratégie occidentale générale dans l'ensemble de ces pays.
Le Kurdistan (non arabe), s'étendant sur la Turquie, la Syrie, l'Irak et l'Iran est une ancienne source de conflits, et reste un enjeu très important comme il sera expliqué ultérieurement.
Un préalable indispensable à toute opinion étant de connaître les données du problème, cet article se propose d'apporter les éléments objectifs documentés permettant de mieux comprendre la situation actuelle dans le monde arabe au Proche-Orient.
En géopolitique, comme en géostratégie, les données de base sont essentiellement la géographie, l'histoire des pays et de leurs populations, et leur économie. Des cartes sont donc indispensables. Une excellente source est le site gulf2000, émanation de l'université de Columbia (USA), sur lequel différentes cartes thématiques de la région (ethnies, histoire, religions, etc.) sont disponibles.
Géographie
Les frontières naturelles y sont de trois types : maritimes, montagneuses et désertiques.
La Méditerranée, la Mer Rouge, l'Océan indien et le golfe persique en constituent une bonne moitié. On y retrouve naturellement une forte proportion de groupes chassés par les envahisseurs aux limites de la région.
Les montagnes sont aussi intéressantes car elles ont toujours servi de refuge et de protection aux populations persécutées. La chaîne de l'anti-Liban sépare la Syrie musulmane du Liban chrétien ; dans le même axe Nord-Sud, le djebel Ansarieh isole la zone alaouite du nord de la Syrie de la majorité sunnite du pays.
À l'Est de la région arabe, une longue chaîne de hautes montagnes sépare l'Irak de l'Iran.
La frontière nord entre zone arabe et Turquie est souvent constituée de reliefs montagneux, bien que de beaucoup plus basse altitude.
De l'Arabie au Sud jusqu'à la Syrie au Nord, une vaste zone de sable, rochers et steppes semi-désertiques sépare plusieurs pays : Irak à l'Est, Syrie et Jordanie à l'Ouest, péninsule arabique au Sud.
Au centre de l'Arabie, le Nedj – un plateau de moyenne altitude un peu mieux arrosé – a permis la sédentarisation de certaines tribus. C'est là région dans laquelle se trouve Riyad, la capitale de l'Arabie.
Un élément particulièrement vital, surtout dans ces zones inhospitalières, est l'eau : le Tigre et l'Euphrate traversent plusieurs pays dont la Turquie, la Syrie et l'Irak, y jouant le même rôle que le Nil en Égypte. La distribution de ces réserves entre pays a toujours été source de tension.
La carte suivante montre la densité de population correspondant à ces zones géographiques et climatiques. Les zones jaune et orange sont les moins peuplées, les hachurées et noires les plus peuplées. (Cette carte montre aussi les peuplements séparés de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, en Libye, un facteur expliquant les tentatives de sécession.)
Histoire
Au cours des précédents millénaires, cette région du monde a subi une quantité impressionnante d'invasions, la musulmane étant celle qui l'a le plus marquée. Du XVIIe siècle à la fin de la Première guerre mondiale, elle faisait partie de l'empire ottoman.
C'est pendant cette guerre mondiale que deux accords très importants furent signés.
Anticipant une issue favorable, Anglais et Français signèrent les accords accords Sykes-Picots en 1916, partageant la région en trois zones d'influence : française au Nord (Syrie et Liban), anglaise dans les régions d'Arabie et du Golfe, arabe ailleurs.
La plupart de ces pays dont on parle beaucoup actuellement n'existaient tout simplement pas : l'Arabie séoudite, par exemple, ne date que de 1932, et le Koweit ne devint indépendant qu'en 1962. Leurs frontières, définies essentiellement par les Anglais et les Français, furent approuvées par la Société des Nations.
Le deuxième accord, dont les répercussions durent jusqu'à nos jours, fut la Déclaration Balfour promettant aux Juifs le « foyer national » qui allait devenir ultérieurement Israël. Les raisons peu connues à l'origine de cette déclaration méritent une explication.
Balfour était le ministre des Affaires étrangères du gouvernement britannique dont Lloyd George était le Premier ministre. Dans ses Memoirs of the Peace Conference, ce dernier explique les raisons et le marchandage qui conduisirent à cette déclaration : l'issue de la guerre était très incertaine, les forces en présence équilibrées, donc toute aide était bienvenue.
En échange de la Déclaration Balfour, les sionistes – qui ne faisaient pas l'unanimité parmi les Juifs de l'époque – s'engageaient à renflouer les coffres vides de l'Entente, à utiliser leur relations avec les révolutionnaires de Russie pour assurer à l'Est le blocus de l'Allemagne, et à hâter l'entrée en guerre des Américains en agissant sur l'opinion publique : « l'opinion publique en Russie et en Amérique jouait un grand rôle, et nous avions toutes les raisons de croire à l'époque que dans ces deux pays, l'amitié ou l'hostilité de la race juive [sic] pourrait faire une différence considérable. »
Lors de sa campagne électorale, le futur président américain Wilson s'était en effet déclaré pour la neutralité de son pays composé essentiellement d'Européens d'origines très variées, et la majorité des Juifs américains était favorable aux Allemands, ennemis de la très haïe Russie.
Cette modification de l'opinion sera gagnée grâce à une intense campagne de propagande, instrument développé par Edward Bernays , un double neveu de Freud :
« Bernays, qui travailla pour l'administration de Woodrow Wilson lors de la Première Guerre mondiale dans le Comite sur l'informatique publique , fut un influent promoteur de l'idée selon laquelle les efforts de guerre américains visaient principalement à “apporter la démocratie à toute l'Europe”. »
Cette « démocratie » désintéressée est restée un leitmotiv très familier dans les discours occidentaux actuels.
La propagande conçue par Bernays (auteur de Propaganda) s'avéra tellement efficace que certains de ses ouvrages seront retrouvés dans la bibliothèque du plus connu Goebbels.
Lloyd George précisait que la précipitation à signer la Déclaration Balfour venait du fait que les Allemands avaient déjà tenté de s'allier aux sionistes et d'agir – sans succès – sur leurs alliés turcs qui contrôlaient alors la Palestine.
Pour la petite histoire, la Déclaration fut rédigée par Leopold Amery, que l'historien William D. Rubinstein qualifia de « Juif caché », et dont le fils sera exécuté en 1945 pour trahison en faveur des nazis.
Après la IIe Guerre mondiale, la région s'est partagée pour l'essentiel entre monarchies pro-américaines (7 existent encore de nos jours) et quelques pays laïcs partisans du panarabisme alliés de l'URSS : la Syrie des Assad, l'Irak de Saddam Hussein, l'ancien Yémen du Nord et, à proximité, l'Égypte de Nasser.
Peuples
Les pays du Proche-Orient étant très récents, l'allégeance des habitants y est avant tout tribale, clanique, ethnique et religieuse avant d'être nationale. Les frontières tracées par les Français et les Britanniques n'ont pas vraiment tenu compte de ce fait qui s'avère capital. L'absence d'un État kurde et la création de l'Iraq pluri-ethnique sont deux exemples flagrants de cette découpe artificielle.
Bien que le nationalisme arabe contre l'envahisseur ottoman et les Occidentaux se développa dans le cadre de ces frontières, l'importance des divisions ethnico-religieuses est toujours d'actualité : cette carte détaillée montre la répartition ethnique dans une zone plus large s'étendant jusqu'à l'Afghanistan, carte indispensable pour comprendre la stratégie occidentale générale dans l'ensemble de ces pays.
Le Kurdistan (non arabe), s'étendant sur la Turquie, la Syrie, l'Irak et l'Iran est une ancienne source de conflits, et reste un enjeu très important comme il sera expliqué ultérieurement.
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