Alors là, si je m’y attendais ! Je n’en reviens pas ! C’est vous qui avez dit ça ? Le philosophe nietzschéen, le libertaire, le militant de l’alternative unitaire à gauche. Je lis et relis l’interview que vous avez accordée le 10 août dernier à El Watan-Week-End et je n’en crois pas mes yeux, moi l’indolent samaritain, la garde baissée d’un cran, qui vous créditait, il y a si peu, d’un bon classement parmi les intellectuels français qui ont sauvé l’honneur de leur pays dans la bataille contre les idées du Front national.
Je dois avouer que personne, avant vous, ne s’est aventuré, aussi loin, dans la négation du martyre algérien. Pas même les généraux de la conquête, de l’occupation et de la guerre de 1954, qui ont laissé derrière eux des témoignages matériels et écrits accablants sur les crimes contre l’humanité qu’ils ont délibérément commis en Algérie. Goebbels, dans sa furie extatique de propagandiste hitlérien zélé, n’avait pas osé dire ce que vous avez dit. Je ne savais pas que l’hédonisme pouvait provoquer un état de dégénérescence mentale aussi avancé qui vous fait tenir, dans une démence d’une agressivité inouïe, des propos aussi violents, hostiles, insensés et fantasques à l’encontre des Algériens que vous accusez d’avoir été «les premiers à avoir choisi la violence et d’être à l’origine du plus grand nombre de morts du côté… algérien» ! Comparé à vous, Benjamin Stora passerait pour une innocente Sylphide, égarée dans le Jardin des Hespérides. Monsieur Onfray, quand on fume un joint, on prend la précaution de ne pas baver sur le col de sa chemise, et quand on s’oublie, il ne faut pas s’étonner qu’une âme charitable, de passage, vous mouche proprement. Qu’est-ce qui vous a pris d’insulter, frontalement, dans le jargon des charretiers, les élites algériennes que vous logez, indistinctement, à l’enseigne de «la cour des plumitifs», des «supposés» et prétendus» intellectuels prisonniers de l’esclavage mental qui est encore le leur» ? Quelle mouche néocolonialiste vous a piqué pour vous en aller attaquer l’Algérie et son Etat, vous permettant de traiter les Algériens «d’indigènes» qu’un demi- siècle d’indépendance» n’a pas réussi à libérer «d’une servitude contemporaine » d’où sont bannis «l’intelligence et l’esprit critique» osant déclarer que l’indépendance en Algérie est un combat qui reste à mener…»? Quelle prétentieuse impudence pour un philosophe que j’avais cru, un moment — hâtivement et à tort —, bien parti pour donner un coup de jeune à la philosophie, de la sortir du ghetto bourgeois de la grande loge, de la jeter dans la rue et de l’enseigner dans les universités populaires dans le but de la délivrer de l’aveuglement des préjugés raciaux, idéologiques et religieux ! Je vous considérais comme un philosophe neuf et audacieux qui proposait une alternative plus crédible que la fausse philosophie du marigot fangeux et putride dans lequel s’ébrouent, depuis 20 ans, les BHL, les Gluksman, les Finkelkrault, héritiers des intellectuels français qui ont cautionné la collaboration avec l’Allemagne nazie et les dérives colonialistes des deux siècles derniers. Mieux encore, il m’avait semblé que vous avez emprunté une voie originale pour renouer avec la pensée progressiste, dans une France qui a oublié Poulantzas, Ellenstein, Althusser, Garaudy, Balibar et Labica. Bien qu’opposé à votre vision sur la gestion libertaire du capitalisme», j’avais misé sur votre capacité de conférer à la philosophie et à l’intelligence, d’une manière générale, le pouvoir d’anticipation qui lui manque aujourd’hui, là où Edgar Morin a échoué en se faisant surprendre par la révolte de Mai 1968, là où Régis Debray a fait fausse route en suivant les «focos» guévaristes et là où Minc et Atalli se sont fait pièger par la crise mondiale du capitalisme financier. Finalement, j’ai dû descendre de mon nuage pour constater que la montagne n’a accouché que d’une souris, et que vous, comme beaucoup d’icônes de l’élite française d’aujourd’hui, à quelques exceptions près, comme l’inusable indigné Stéphane Hessel ou le lucide Olivier Le Cour Grand-maison, ressemblez beaucoup plus à «un ramassis de trotsko-balladuriens» et de «soixante-huitards alignés sur l’ultra- libéralisme» qui vivent entre eux, dans des cercles fermés, déconnectés des réalités du monde et des peuples ainsi que Jean-François Kahn vous a dépeints dans un de ses derniers ouvrages. Docteur Jekkyl et Mister Hyde ! quel mauvais ressort vous a réveillé du pied gauche pour vous faire dire, sans avoir vérifié vos sources ni relu les écrits des intellectuels algériens dans les revues Esprit et La Pensée, que «depuis le 8 Mai 1945 et la répression de Sétif et de Guelma, il est prouvé que les militants de l’indépendance nationale ont souhaité tout s’interdire qui soit du côté de la paix, de la négociation, de la diplomatie, de l’intelligence, de la raison. Ce sont les Algériens qui ont choisi la voie de la violence et sont à l’origine du plus grand nombre de morts du côté… algérien». BHL, Zemmour, Menard n’auraient pas mieux plaidé en faveur des Laquierre, Borgeaud, Blachére, Schiaffino, Salan, Degueldre, Tomazo et Lagaillarde ! Alors, convenez qu’après que vous nous ayez fait essuyer ce fatras d’immondices, nous nous employions, à notre tour, à décaper l’épaisse couche d’arrogance dont vous habillez vos fragiles certitudes. 1- Passe que vous fassiez l’article pour le compte d’Albert Camus à l’endroit duquel les Algériens ne nourrissent aucune animosité particulière pour avoir rejoint son camp naturel, au moment où il fallait, illuminé de l’aura de la reconnaissance internationale, qu’il se prononce, clairement, sur le combat anti-colonial de son pays natal. 2- Passe, encore, que vous demandiez que nous lui reconnaissions le droit de choisir ses sujets et de ne pas être obligé de faire la sociologie de son pays. Sauf qu’un écrivain est le miroir de son époque et de sa société comme le furent Neruda pour le Chili, Hikmet pour la Turquie et Neguib Mahfoud pour l’Egypte. L’acte d’écrire d’un romancier n’est pas gratuit, il revêt un sens et, dans cet ordre d’idées, l’œuvre prolixe et variée de Camus n’a pas livré des clefs de lecture suffisamment convaincantes pour dire, sans risque de mentir, qu’il avait opté pour la défense de la cause nationale du peuple algérien. Vous sentez bien que la faille est là et vous nous renvoyez, le rouge au front, à son roman inachevé, Le premier homme, pour prendre connaissance du message final qu’il aurait pu nous délivrer à ce sujet. Drôle de philosophe qui nous incite à juger à partir de pièces qui n’ont jamais existé et qui n’existeront jamais ! Sachez, de toutes façons, que les Algériens ont réglé leurs comptes politiques avec Camus, en pleine guerre de Libération. Ils n’ont pas attendu vos tardives justifications pour le faire. Le des camusiens, français comme leurs relais algériens, est de continuer à ramer à contre-courant de la vérité historique pour chercher dans les positions ambiguës de l’auteur de La Peste de quoi lui tisser les lauriers du révolutionnaire qui s’ignore alors qu’il était un communiste velléitaire, tout juste séduit par l’utopie de «la nation algérienne en construction» dans laquelle Maurice Thorez, l’ancien secrétaire général du PCF, invitait les Arabes, les juifs et les Européens à se fondre. 3- Il est de votre droit de traiter comme il vous plaît de la querelle entre Sartre et Camus. Il s’est écrit tant de choses sur cette rivalité entre la philosophie de la liberté et la philosophie de l’absurde que nous n’allons pas en rajouter dans un texte dont la vocation n’est pas d’aller dans l’exégèse. Il suffit de rappeler que Sartre, le philosophe de la responsabilité qui avait dit, reprenant Auguste Comte, «qu’on ne peut pas être à la fenêtre et se regarder passer dans la rue» a évolué et qu’il est passé de la neutralité du clerc des «mains sales» à l’engagement militant et à l’appui actif de la lutte de libération algérienne.
Je dois avouer que personne, avant vous, ne s’est aventuré, aussi loin, dans la négation du martyre algérien. Pas même les généraux de la conquête, de l’occupation et de la guerre de 1954, qui ont laissé derrière eux des témoignages matériels et écrits accablants sur les crimes contre l’humanité qu’ils ont délibérément commis en Algérie. Goebbels, dans sa furie extatique de propagandiste hitlérien zélé, n’avait pas osé dire ce que vous avez dit. Je ne savais pas que l’hédonisme pouvait provoquer un état de dégénérescence mentale aussi avancé qui vous fait tenir, dans une démence d’une agressivité inouïe, des propos aussi violents, hostiles, insensés et fantasques à l’encontre des Algériens que vous accusez d’avoir été «les premiers à avoir choisi la violence et d’être à l’origine du plus grand nombre de morts du côté… algérien» ! Comparé à vous, Benjamin Stora passerait pour une innocente Sylphide, égarée dans le Jardin des Hespérides. Monsieur Onfray, quand on fume un joint, on prend la précaution de ne pas baver sur le col de sa chemise, et quand on s’oublie, il ne faut pas s’étonner qu’une âme charitable, de passage, vous mouche proprement. Qu’est-ce qui vous a pris d’insulter, frontalement, dans le jargon des charretiers, les élites algériennes que vous logez, indistinctement, à l’enseigne de «la cour des plumitifs», des «supposés» et prétendus» intellectuels prisonniers de l’esclavage mental qui est encore le leur» ? Quelle mouche néocolonialiste vous a piqué pour vous en aller attaquer l’Algérie et son Etat, vous permettant de traiter les Algériens «d’indigènes» qu’un demi- siècle d’indépendance» n’a pas réussi à libérer «d’une servitude contemporaine » d’où sont bannis «l’intelligence et l’esprit critique» osant déclarer que l’indépendance en Algérie est un combat qui reste à mener…»? Quelle prétentieuse impudence pour un philosophe que j’avais cru, un moment — hâtivement et à tort —, bien parti pour donner un coup de jeune à la philosophie, de la sortir du ghetto bourgeois de la grande loge, de la jeter dans la rue et de l’enseigner dans les universités populaires dans le but de la délivrer de l’aveuglement des préjugés raciaux, idéologiques et religieux ! Je vous considérais comme un philosophe neuf et audacieux qui proposait une alternative plus crédible que la fausse philosophie du marigot fangeux et putride dans lequel s’ébrouent, depuis 20 ans, les BHL, les Gluksman, les Finkelkrault, héritiers des intellectuels français qui ont cautionné la collaboration avec l’Allemagne nazie et les dérives colonialistes des deux siècles derniers. Mieux encore, il m’avait semblé que vous avez emprunté une voie originale pour renouer avec la pensée progressiste, dans une France qui a oublié Poulantzas, Ellenstein, Althusser, Garaudy, Balibar et Labica. Bien qu’opposé à votre vision sur la gestion libertaire du capitalisme», j’avais misé sur votre capacité de conférer à la philosophie et à l’intelligence, d’une manière générale, le pouvoir d’anticipation qui lui manque aujourd’hui, là où Edgar Morin a échoué en se faisant surprendre par la révolte de Mai 1968, là où Régis Debray a fait fausse route en suivant les «focos» guévaristes et là où Minc et Atalli se sont fait pièger par la crise mondiale du capitalisme financier. Finalement, j’ai dû descendre de mon nuage pour constater que la montagne n’a accouché que d’une souris, et que vous, comme beaucoup d’icônes de l’élite française d’aujourd’hui, à quelques exceptions près, comme l’inusable indigné Stéphane Hessel ou le lucide Olivier Le Cour Grand-maison, ressemblez beaucoup plus à «un ramassis de trotsko-balladuriens» et de «soixante-huitards alignés sur l’ultra- libéralisme» qui vivent entre eux, dans des cercles fermés, déconnectés des réalités du monde et des peuples ainsi que Jean-François Kahn vous a dépeints dans un de ses derniers ouvrages. Docteur Jekkyl et Mister Hyde ! quel mauvais ressort vous a réveillé du pied gauche pour vous faire dire, sans avoir vérifié vos sources ni relu les écrits des intellectuels algériens dans les revues Esprit et La Pensée, que «depuis le 8 Mai 1945 et la répression de Sétif et de Guelma, il est prouvé que les militants de l’indépendance nationale ont souhaité tout s’interdire qui soit du côté de la paix, de la négociation, de la diplomatie, de l’intelligence, de la raison. Ce sont les Algériens qui ont choisi la voie de la violence et sont à l’origine du plus grand nombre de morts du côté… algérien». BHL, Zemmour, Menard n’auraient pas mieux plaidé en faveur des Laquierre, Borgeaud, Blachére, Schiaffino, Salan, Degueldre, Tomazo et Lagaillarde ! Alors, convenez qu’après que vous nous ayez fait essuyer ce fatras d’immondices, nous nous employions, à notre tour, à décaper l’épaisse couche d’arrogance dont vous habillez vos fragiles certitudes. 1- Passe que vous fassiez l’article pour le compte d’Albert Camus à l’endroit duquel les Algériens ne nourrissent aucune animosité particulière pour avoir rejoint son camp naturel, au moment où il fallait, illuminé de l’aura de la reconnaissance internationale, qu’il se prononce, clairement, sur le combat anti-colonial de son pays natal. 2- Passe, encore, que vous demandiez que nous lui reconnaissions le droit de choisir ses sujets et de ne pas être obligé de faire la sociologie de son pays. Sauf qu’un écrivain est le miroir de son époque et de sa société comme le furent Neruda pour le Chili, Hikmet pour la Turquie et Neguib Mahfoud pour l’Egypte. L’acte d’écrire d’un romancier n’est pas gratuit, il revêt un sens et, dans cet ordre d’idées, l’œuvre prolixe et variée de Camus n’a pas livré des clefs de lecture suffisamment convaincantes pour dire, sans risque de mentir, qu’il avait opté pour la défense de la cause nationale du peuple algérien. Vous sentez bien que la faille est là et vous nous renvoyez, le rouge au front, à son roman inachevé, Le premier homme, pour prendre connaissance du message final qu’il aurait pu nous délivrer à ce sujet. Drôle de philosophe qui nous incite à juger à partir de pièces qui n’ont jamais existé et qui n’existeront jamais ! Sachez, de toutes façons, que les Algériens ont réglé leurs comptes politiques avec Camus, en pleine guerre de Libération. Ils n’ont pas attendu vos tardives justifications pour le faire. Le des camusiens, français comme leurs relais algériens, est de continuer à ramer à contre-courant de la vérité historique pour chercher dans les positions ambiguës de l’auteur de La Peste de quoi lui tisser les lauriers du révolutionnaire qui s’ignore alors qu’il était un communiste velléitaire, tout juste séduit par l’utopie de «la nation algérienne en construction» dans laquelle Maurice Thorez, l’ancien secrétaire général du PCF, invitait les Arabes, les juifs et les Européens à se fondre. 3- Il est de votre droit de traiter comme il vous plaît de la querelle entre Sartre et Camus. Il s’est écrit tant de choses sur cette rivalité entre la philosophie de la liberté et la philosophie de l’absurde que nous n’allons pas en rajouter dans un texte dont la vocation n’est pas d’aller dans l’exégèse. Il suffit de rappeler que Sartre, le philosophe de la responsabilité qui avait dit, reprenant Auguste Comte, «qu’on ne peut pas être à la fenêtre et se regarder passer dans la rue» a évolué et qu’il est passé de la neutralité du clerc des «mains sales» à l’engagement militant et à l’appui actif de la lutte de libération algérienne.
Commentaire