La femme du “prince rouge” déchu Bo Xilai attend de connaître son sort pour le meurtre d’un homme d’affaires britannique. Avec une audience vite expédiée, le pouvoir chinois cherche d’abord à protéger le Parti communiste des éclaboussures d’une affaire retentissante, analyse The Hindu.
En Chine, la vie privée et les affaires des hauts dirigeants du régime sont un sujet si délicat que des directives, émises de longue date par le département de la propagande [du Parti communiste], interdisent aux médias ne serait-ce que de donner le nom des enfants et des épouses du président et du Premier ministre.
Aussi, peu de Chinois savent que les fils de Hu Jintao et de Wen Jiabao font de belles et lucratives carrières à la tête d’entreprises d’Etat et de sociétés privées d’investissement. Ou que des proches et des associés de Zhou Yongkang, grand manitou de la sécurité et membre du comité permanent du bureau politique du Parti, possèdent des intérêts dans des compagnies pétrolières d’Etat, et que l’entourage de l’ancien Premier ministre Li Peng détient des participations dans le juteux secteur de l’énergie.
Mais ces derniers jours, l’image particulièrement soignée que cultivent les dirigeants du Parti communiste chinois a volé en éclats dans une salle d’audience de Hefei [province d’Anhui, est de la Chine]. La justice, qui jugeait [le 9 août] pour meurtre l’épouse du membre du bureau politique Bo Xilai, vient de jeter une lumière inédite sur ce monde trouble fait de complots meurtriers, d’intrigues mafieuses et d’investissements étrangers de plusieurs millions de dollars au plus haut niveau de l’Etat.
Lors de son procès qui n’aura duré qu’une journée, Gu Kailai, l’épouse de l’ancien chef du Parti à Chongqing [centre de la Chine], n’a pas nié avoir empoisonné l’homme d’affaires [britannique] et ami de la famille Neil Heywood, grâce à un produit fourni par des membres de la mafia et à l’aide de responsables communistes de la province. Le Parti a soigneusement encadré cette audience : aucun lien n’a été établi entre Bo Xilai [qui fait l’objet d’une enquête disciplinaire menée par le Parti] et le meurtre ou les manœuvres qui par la suite ont visé à étouffer l’affaire.
Les manoeuvres douteuses de la famille Bo
Cependant, un compte rendu détaillé du dossier d’accusation, qui a filtré à la fin de la semaine dernière, dresse un tableau rare des agissements de celui qui fut l’un des hommes politiques les plus en vue de Chine jusqu’à sa suspension en avril.
Ces révélations dépeignent un monde fait d’hommes politiques influents et de chefs de la police locale peu regardants avec la loi, un monde dans lequel l’épouse d’un secrétaire du Parti [Gu Kailai] peut se rendre dans le bureau d’un commissaire en pleine journée pour lui demander si, pour un meurtre, il vaut mieux opter pour la fausse fusillade ou l’empoisonnement. Les manœuvres financières douteuses de la famille Bo sont également étalées au grand jour : selon la justice, le conflit avec Heywood avait pour motif un projet d’investissement immobilier en France.
Le jeune fils de Bo Xilai, étudiant à Harvard, serait ainsi impliqué dans diverses opérations en Europe aux côtés de Xu Ming, un des hommes d’affaires les plus riches de Chine – révélation qui soulève des questions embarrassantes pour le Parti sur les liens souvent opaques qu’entretiennent les familles des dirigeants provinciaux avec le milieu des affaires. Xu Ming, qui a fondé le groupe Dalian Shide et bâti sa fortune dans la ville portuaire de Dalian, dans le nord-est, lorsque Bo Xilai y était secrétaire du Parti [à la fin des années 1990], a depuis été arrêté.
Un cas isolé ?
Le Parti communiste chinois veut en finir avec cette crise avant son XVIIIe congrès, qui doit s’ouvrir en octobre ou en novembre prochain. Depuis une semaine, ses plus hauts dirigeants sont réunis à huis clos dans la station balnéaire de Beidaihe, près de Pékin. Le sort de Bo Xilai serait l’un des sujets à leur ordre du jour : l’ex-étoile montante du Parti devrait être exclue dans les semaines à venir.
Principal problème pour le Parti, les événements de ces derniers jours sont considérés par de nombreux Chinois comme étant le reflet de la corruption croissante des plus hauts échelons de l’Etat et le résultat de l’absence de contre-pouvoirs et du manque de transparence. Pour beaucoup, Bo Xilai n’est pas une exception, même si le Parti répète à l’envi que l’affaire ne va pas au-delà du cas isolé d’une épouse dévoyée coupable de meurtre et ne reflète en rien l’état général du système.
Mais rares sont ceux qui partagent ce point de vue, à en croire le ton des milliers de réactions des internautes sur les microblogs.Dans un article récent, l’éminent spécialiste de la Chine Perry Link reprend une blague en vogue ces temps-ci, illustrant le déni dans lequel se trouvent aujourd’hui les autorités. Wang Lijun [ancien chef de la police de Chongqing et bras droit de Bo Xilai, qui a révélé l’affaire en se réfugiant en février dans un consulat américain] est issu d’une minorité mongole, et selon certains médias Gu Kailai détiendrait une carte de résidente à Singapour. “C’est juste un Mongol qui est allé voir les Américains pour accuser une Singapourienne du meurtre d’un Britannique. Rien à voir avec la Chine.” Pas sûr que cela fasse rire le Parti.
Courrier International
En Chine, la vie privée et les affaires des hauts dirigeants du régime sont un sujet si délicat que des directives, émises de longue date par le département de la propagande [du Parti communiste], interdisent aux médias ne serait-ce que de donner le nom des enfants et des épouses du président et du Premier ministre.
Aussi, peu de Chinois savent que les fils de Hu Jintao et de Wen Jiabao font de belles et lucratives carrières à la tête d’entreprises d’Etat et de sociétés privées d’investissement. Ou que des proches et des associés de Zhou Yongkang, grand manitou de la sécurité et membre du comité permanent du bureau politique du Parti, possèdent des intérêts dans des compagnies pétrolières d’Etat, et que l’entourage de l’ancien Premier ministre Li Peng détient des participations dans le juteux secteur de l’énergie.
Mais ces derniers jours, l’image particulièrement soignée que cultivent les dirigeants du Parti communiste chinois a volé en éclats dans une salle d’audience de Hefei [province d’Anhui, est de la Chine]. La justice, qui jugeait [le 9 août] pour meurtre l’épouse du membre du bureau politique Bo Xilai, vient de jeter une lumière inédite sur ce monde trouble fait de complots meurtriers, d’intrigues mafieuses et d’investissements étrangers de plusieurs millions de dollars au plus haut niveau de l’Etat.
Lors de son procès qui n’aura duré qu’une journée, Gu Kailai, l’épouse de l’ancien chef du Parti à Chongqing [centre de la Chine], n’a pas nié avoir empoisonné l’homme d’affaires [britannique] et ami de la famille Neil Heywood, grâce à un produit fourni par des membres de la mafia et à l’aide de responsables communistes de la province. Le Parti a soigneusement encadré cette audience : aucun lien n’a été établi entre Bo Xilai [qui fait l’objet d’une enquête disciplinaire menée par le Parti] et le meurtre ou les manœuvres qui par la suite ont visé à étouffer l’affaire.
Les manoeuvres douteuses de la famille Bo
Cependant, un compte rendu détaillé du dossier d’accusation, qui a filtré à la fin de la semaine dernière, dresse un tableau rare des agissements de celui qui fut l’un des hommes politiques les plus en vue de Chine jusqu’à sa suspension en avril.
Ces révélations dépeignent un monde fait d’hommes politiques influents et de chefs de la police locale peu regardants avec la loi, un monde dans lequel l’épouse d’un secrétaire du Parti [Gu Kailai] peut se rendre dans le bureau d’un commissaire en pleine journée pour lui demander si, pour un meurtre, il vaut mieux opter pour la fausse fusillade ou l’empoisonnement. Les manœuvres financières douteuses de la famille Bo sont également étalées au grand jour : selon la justice, le conflit avec Heywood avait pour motif un projet d’investissement immobilier en France.
Le jeune fils de Bo Xilai, étudiant à Harvard, serait ainsi impliqué dans diverses opérations en Europe aux côtés de Xu Ming, un des hommes d’affaires les plus riches de Chine – révélation qui soulève des questions embarrassantes pour le Parti sur les liens souvent opaques qu’entretiennent les familles des dirigeants provinciaux avec le milieu des affaires. Xu Ming, qui a fondé le groupe Dalian Shide et bâti sa fortune dans la ville portuaire de Dalian, dans le nord-est, lorsque Bo Xilai y était secrétaire du Parti [à la fin des années 1990], a depuis été arrêté.
Un cas isolé ?
Le Parti communiste chinois veut en finir avec cette crise avant son XVIIIe congrès, qui doit s’ouvrir en octobre ou en novembre prochain. Depuis une semaine, ses plus hauts dirigeants sont réunis à huis clos dans la station balnéaire de Beidaihe, près de Pékin. Le sort de Bo Xilai serait l’un des sujets à leur ordre du jour : l’ex-étoile montante du Parti devrait être exclue dans les semaines à venir.
Principal problème pour le Parti, les événements de ces derniers jours sont considérés par de nombreux Chinois comme étant le reflet de la corruption croissante des plus hauts échelons de l’Etat et le résultat de l’absence de contre-pouvoirs et du manque de transparence. Pour beaucoup, Bo Xilai n’est pas une exception, même si le Parti répète à l’envi que l’affaire ne va pas au-delà du cas isolé d’une épouse dévoyée coupable de meurtre et ne reflète en rien l’état général du système.
Mais rares sont ceux qui partagent ce point de vue, à en croire le ton des milliers de réactions des internautes sur les microblogs.Dans un article récent, l’éminent spécialiste de la Chine Perry Link reprend une blague en vogue ces temps-ci, illustrant le déni dans lequel se trouvent aujourd’hui les autorités. Wang Lijun [ancien chef de la police de Chongqing et bras droit de Bo Xilai, qui a révélé l’affaire en se réfugiant en février dans un consulat américain] est issu d’une minorité mongole, et selon certains médias Gu Kailai détiendrait une carte de résidente à Singapour. “C’est juste un Mongol qui est allé voir les Américains pour accuser une Singapourienne du meurtre d’un Britannique. Rien à voir avec la Chine.” Pas sûr que cela fasse rire le Parti.
Courrier International