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Takfarinas au stade de l’Unité Maghrébine

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  • Takfarinas au stade de l’Unité Maghrébine

    Plus de cinq heures avant le début du méga-concert, prévu à 22 h, la star de la chanson kabyle veillait à ce qu’il n’y ait aucune fausse note, ni au figuré ni au propre.

    Absent de la scène algérienne depuis plus de vingt ans, c’est avec une grande émotion, mais aussi un grand professionnalisme qu’il dirige ses musiciens : Malik, Rafik, Farid, Phillipe (clavier, saxophone, guitare, flûte traversière…), Mick, Djamel et Nabil (Percussion) et Thérèse à la basse, sans oublier le chœur (Drifa, Nacira, Hakim et Madjid).

    A deux heures du spectacle, l’ambiance côté public était « électrique ». Les incidents caractérisant ce genre d’événements ont été évités de justesse. Des attroupements se sont formés devant la scène, pour approcher de très près l’idole et le mot est bien faible, à voir la détermination de ses « adorateurs ».

    Des familles, des jeunes et moins jeunes avaient tenu à saluer le retour de l’enfant de Texraine. La pareille leur sera rendue, lorsque le chanteur monta sur scène, s »en suivirent plus de deux heures non stop de spectacle, sous les ovations et les youyous qui fusaient de partout. Le bal fut ouvert avec « Azul », sous les cris de « Imazighen ». Le chanteur vêtu de son fameux gilet brodé de fil d’or mit le feu à la soirée qui commençait. Une armada de techniciens, des dizaines de mètres de câbles, un autre de retours, pour pouvoir mieux s’écouter, ornaient la scène. Le back-line est assuré par les organisateurs (le Comité des fêtes de la ville de Béjaïa) qui ont mis les petits plats dans les grands pour garantir la réussite de ce concert qui, à coup sûr, restera gravé dans la mémoire des Bougiotes pour longtemps. Cela rappelait le passage à Béjaïa d’une autre figure de la culture berbère, Mouloud Mammeri, trente ans plus tôt. Aucune personnalité du monde politique, de l’art et de la culture n’a réussi à rassembler autant de fans, soit quelques 40 000 spectateurs.

    « Quimeth yidi », Way thelha », « hommage à Matoub », « Awid », « Ay aâssass n zahriw », Yewwa remane, Äddan oussan » Ayes-iyi », Douga douga », Azar azar, « Zaâma zaâma », (avec ses sulfureuses sonorité pop-rock), autant de tubes qui ont fait se déchaîner la foule, une touche que seul un perfectionniste comme Takfarina a su donner à la chanson kabyle, lui donnant par là le YAL « chaque » qui caractérise le style du king. Un mélange recherché de moderne et de traditionnel : chaâbi, pop, rock et hard rock…Ce n’est pas pour rien qu’il a été élu meilleur chanteur nord-africain et a été distingué en recevant le trophée des mains de Mandela. A la fin du spectacle, il déclara en aparté : « Aujourd’hui, mon cœur est comblé, c’est un plaisir de retrouver ma famille algérienne qui m’a élu dans la musique à l’échelle internationale, je suis revenu à mon nid, quel plaisir ! ».

    Approchée juste à sa descente de scène, Thérèse, vêtue de la ‘’fouta’’ kabyle nous affirmera : « Cela va faire plus de deux ans que je travaille avec Tak, il est très exigeant, mais également aussi chaleureux et généreux que l’est sa musique. C’est merveilleux de me retrouver en Algérie, et je dois dire que les deux dates (Tizi-Ouzou et Béjaïa) ont une résonnance particulière pour Tak. Il est l’ami, le papa, le tonton de tous. Je garde un souvenir très très agréable et énergisant, malgré la peur que j’ai eu pour les jeunes qui sont montés sur la toiture. Je pensais que le concert du Zénith était l’apothéose de ce que j’avais vécu avec lui jusqu’à présent, mais je me rends compte que l’événement de ce soir dépasse tout ! ».

    Il est vrai que la scène artistique algérienne connaît un bon nombre d’artistes qui, chacun avec son style et son répertoire de chansons, arrivent à tenir en haleine un public aussi exigeant et critique que le public algérien. Mais le « phénomène Takfa » demeure singulier et aboutit à une symbiose jamais égalée entre le père de la « Yal music » et son public, grâce à ses rythmes musicaux et la force et la chaleur de sa voix. Une voix toujours aussi chaude vibrante. Les années l’ont même rendue plus sûre, plus tonitruante. Le perfectionnisme de notre vedette l’oblige à toujours pousser les limites de ses capacités, vocales, musicales mais aussi des thèmes qu’il traite.

    A propos de ces derniers, il faut dire qu’il y a eu du changement car nous sommes loin du « naïf » Yemma, tergagui tassa » (Mère, j’ai tremblé …), avec toutes nos excuses à l’artiste, victime d’une « petite misogynie » que l’on mettrait sans calcul sur le dos de la jeunesse.

    Etant à l’écoute de la société dans laquelle il vit, Takfarinas a poursuivi repris avec des thèmes qui informent sur une compréhension plus poussée de sa société et d’un désir de participer à la quête de celle-ci d’un « avenir meilleur ».
    En chantant à sa manière la berbérité, en disant autrement le désir de sa société d’aller vers la citoyenneté et « une démocratie majeure », Takfarinas a bien su exprimer sa révolte contre l’obscurantisme négateur du progrès tout en clamant son idéal de justice. Son album Paix et Salut demeure un très grand hommage à tous les artistes victimes de la répression.

    Honneur aux dames, sorti en 2004, signale son implication dans cette quête à travers sa dénonciation de l’oppression faite aux femmes. Slimane Azem, Idir, Matoub et certains autres ont su porter, chacun à sa manière, les sonorités kabyles à l’échelle mondiale, témoignage de l’inscription de toute une culture dans les annales de l’universel, Takfarinas a contribué grandement à ce travail, avec sa touche très personnelle.

    A signaler que le spectacle aurait pu tourner au drame, en raison de la fougue de certains jeunes qui ont pris place sur les barres soutenant la toiture de la tribune officielle, prenant ainsi le risque de tomber à tout moment. Le king a dû arrêter le spectacle pour les prier de descendre, mais c’était sans compter sur leur détermination à ne rater aucun détail de la fête.

    Notant enfin qu’à l’appel de l’artiste, le spectacle a été interrompu par une minute de silence en hommage à tous les martyrs de l’Algérie.

    Nabila Guemghar, la depêche de Kabylie
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