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«Mon enfant jeûne pour la première fois»

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  • «Mon enfant jeûne pour la première fois»

    Depuis la nuit des temps, chez les musulmans du monde entier, qu’un événement inhérent au mois sacré de Ramadan alimente aussi bien les albums photos que les souvenirs familiaux ; le premier jeûne des enfants est considéré comme une circonstance sans précédent et qui transforme nos petits bouts de chou innocents en vrais petits musulmans qui se lancent courageusement sur les traces de leurs ainés.

    Ramzy, 5 ans

    C’est un petit garçon plein de malice et d’éveil qui s’est hasardé, dès le cinquième jour du Ramadan, à entamer une expérience unique pour ses deux parents fiers de leur petit «cookie». Sa maman, Ludmila, ne cache pas son admiration face à l’initiative totalement personnelle de son petit garçon de quatre ans et demi : «Ce jour-là, Ramzy s’est réveillé à 7h, a ouvert le frigidaire, en a sorti un flan et en a mangé la moitié. Il s’est ensuite dirigé vers sa chambre pour jouer, regarder la télé ou feuilleter des livres. Au début, je n’ai pas fait attention, tout avait l’air normal sauf que mon petit n’avait pas réclamé de déjeuner, il l’avait même refusé quand je lui ai proposé son assiette. Prise par les tâches ménagères et par sa petite sœur, je n’ai pas vu le temps passer, quand, vers 17h30, j’ai vu mon bébé accourir vers moi pour m’annoncer tout de go : ‘’Ce carême me fatigue, il me fait mal au ventre.’’ C’est là que j’ai compris que mon ange nous avait courageusement imités en s’abstenant de manger durant toute la journée. Il est vrai qu’il s’est ensuite rué sur son flan pour le finir, mais le fait d’avoir eu le cran de jeûner me rend tellement fière et me rappelle que mon petit chou est devenu grand.» Une journée bien chargée pour cet enfant qui a tenu à l’achever après cette pause flan. Il s’est ensuite rattrapé avec les boureks et les amuse-bouche du f’tour que sa maman lui a spécialement confectionnés.

    Manel, 7 ans

    Pour cette petite fille, aînée de trois frères et inscrite en deuxième année primaire, l’expérience du jeûne a failli tourner au drame. En raison de la chaleur insoutenable, même pour les adultes, et les journées trop longues, laisser un enfant se priver d’eau et de nourriture n’est pas conseillé, voire proscrit pour une certaine catégorie d’enfants frêles et fragiles. Sa maman, Lydia, nous raconte, toujours choquée, comment s’est achevée une journée qui était censée être une fête pour toute la famille. «Manel avait décidé ce jour-là de jeûner pour la première fois. Elle s’est donc levée à 3h pour prendre un couscous aux raisins secs ainsi que d’autres sucreries qui lui auraient évité les creux durant la longue journée qui s’annonçait. Son père et moi n’avions aucune objection à cette courageuse initiative puisque nos traditions de musulmans encouragent les parents à habituer leurs enfants au jeûne du mois de Ramadan. Et même si jeûner en été est assez difficile, je n’ai, à aucun moment, cru mal faire en laissant ma fille tenter cette pieuse expérience. Durant la journée de son jeûne, Manel a demandé toutes sortes de plats et de sucreries ; une chorba rouge au tlitli, des boulettes de viandes, du flan, de la glace et des tartelettes aux fruits que son papa et moi avons réunis tant bien que mal pour les lui présenter sur la table du dîner. Cependant, vers 19h30, soit une demi-heure avant la rupture du jeûne, ma petite s’est mise sur son lit pour un petit somme, pensais-je. Mais à 20h, quand je suis allée la réveiller, elle ne voulait rien entendre et restait endormie, certainement trop affaiblie par cette rude journée. Heureusement que son état n’a pas été grave, puisqu’elle s’est enfin levée pour rompre le jeûne mais la pauvre n’a pu savourer aucun des mets que je lui avais tendrement préparés et est restée malade durant trois jours.» Une expérience assez douloureuse pour ces parents qui se sont promis de ne plus laisser leurs enfants, tant qu’ils sont jeunes, jeûner en été, fusset- il au détriment des bonnes habitudes musulmanes.

    Sofiane, 11 ans

    «C’est un peu difficile mais je suis bien obligé». Ce collégien gourmand et un peu capricieux n’en est pas à sa première tentative de jeûne, n’empêche que lui n’a jamais pu finir une journée complète en raison, dit-il, «de la difficulté à me priver de tout ce que j’aime, surtout ces dernières années puisqu’il fait très chaud et que je ne peux vraiment pas supporter la soif, la faim et les journée sans fin. C’est pour cela, qu’à chaque fois, j’interrompais mon jeûne au grand désespoir de mes parents». Néanmoins, cette année, Sofiane est devenu grand, en troisième année du collège. Ce préadolescent a été contraint par ses parents de jeûner pendant au moins quelques jours. Sa maman Zakia explique cette décision pour le moins expéditive : «Mon fils est grand, c’est vrai qu’il n’est pas encore pubère, mais c’est le moment pour lui de commencer à se responsabiliser et à supporter la faim et la soif comme les milliers d’autres enfants de son âges. Au début, je comprenais la difficulté qu’il avait à ne pas pouvoir jeûner toute une journée, mais depuis quelques années, je m’inquiète réellement de le voir grandir et rester tout aussi gamin qu’à l’âge de 6 ans. Je sais qu’il va bientôt atteindre un âge où il sera obligé de jeûner tout le mois, et pour cela, il faut qu’il commence à s’habituer à l’abstinence comme tout bon musulman. C’est pour cela que son père et moi l’avons contraint cette année à jeûner un jour sur deux, au risque de le punir s’il rompt la journée avant le Adhan. Nous voulons qu’il comprenne qu’au-delà de l’obligation divine, jeûner le Ramadan est un acte de spiritualité et de contrôle de soi qui l’aidera à s’affirmer dans l’existence et à ne pas céder aux tentations.»

    Maghnia, 55 ans
    «
    Le premier jeûne d’un enfant doit rester inoubliable. «C’est vers l’âge de 6 ou 7 ans que mes enfants ont tenté l’expérience du jeûne pour la première fois, le 27 du mois du Ramadan, Leilat el Kadar, est le plus propice à ce genre d’événement, car c’est un jour spécial et mystique plein de spiritualité et de traditions. C’est pour cela que nombre de familles algériennes et musulmanes encouragent leurs progénitures au jeûne durant cette journée. Et afin de bien marquer l’événement qui revêt pour les enfants un caractère encore plus spécial que pour les adultes, ils font un réel travail sur eux-mêmes pour supporter les difficultés de la faim et de la soif et prouver leur courage, des usages transmis au fil des générations restent de vigueur et sont strictement respectés au plus grand bonheur des jeunes jeûneurs. Ainsi, ce jour-là, l’enfant pourra choisir les plats et mets qu’il désire et les verra, sans conteste, sur la table du f’tour. Pour ma part, j’ai eu droit à l’envie inopinée de ma fille pour des sardines grillées alors qu’un de mes fils a exigé un poulet rôti, une grosse pomme rouge et de la zlabia jaune. Les envies de fruits exotiques sont aussi de mise, comme pour les ananas ou les cerises parfois introuvables et qui gâchent un peu la fête. C’est pour la rupture du jeûne que la tradition nous a fixé le plus d’usages, le jeune jeûneur, à l’heure du Adhan, est juché sur le toit de la maison, dans temps, les immeubles n’étaient pas aussi nombreux que maintenant et les toits étaient assez bas et donc accessibles, puis rompt son jeûne avec un verre de lait contenant une bague en argent au fond ainsi que trois dattes. Une tradition qui est devenue pour mes petits un réel moment de magie mêlée de fierté et de courage qui s’est malheureusement perdue de nos jours pour être remplacée par des sucreries et des jouets pour les courageux élus.»

    Par Katya Kaci, Le Soir
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