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Exxon Mobil, empire moderne

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  • Exxon Mobil, empire moderne

    Avec un chiffre d'affaires digne du PIB d'une grande nation, le groupe pétrolier conduit une diplomatie et une politique de défense indépendantes du gouvernement américain. Et parfois opposées à ce que veut Washington.

    Quand l'Europe s'est lancée dans sa grande course aux colonies il y a plusieurs siècles, des entités curieuses, qui détenaient plus de pouvoir que nombre de gouvernements, occupaient le centre de la scène. La Compagnie Unie des Marchands d'Angleterre Commerçant avec les Indes Occidentales (plus connue sous le nom de Compagnie des Indes Occidentales) et la Compagnie Hollandaise des Indes Occidentales, avaient des vaisseaux de guerre et des armées, frappaient monnaie et gouvernaient des territoires - que la Grande-Bretagne et les Pays-Bas finirent par reprendre.
    Dans les siècles à venir, les historiens qui étudieront notre époque en mourant de chaleur sur une planète surchauffée considéreront sûrement les multinationales pétrolières comme des acteurs similaires. Ce n'est cependant pas en créant nos futures colonies qu'elles redéfinissent le monde d'aujourd'hui mais en allant chercher le pétrole et le gaz dont nous sommes si avides dans des lieux de plus en plus dangereux : au fond des océans, dans les sables bitumineux du Canada, dans des formations rocheuses souterraines, par fracturation hydraulique, et dans les eaux écologiquement fragiles de l'Arctique qui sont devenues accessibles avec la fonte de la calotte polaire – tout ceci à cause de notre dépendance vis-à-vis des carburants fossiles.

    Private Empire, un portrait d'Exxon Mobil dressé par Steve Coll, abonde en chiffres montrant que la compagnie est digne d'un empire. Les bénéfices réalisés par la société se sont montés à 21,3 milliards de dollars rien que pour le premier semestre de l'année dernière. Quand l'ancien PDG Lee Raymond s'est retiré il y a quelques années, il est parti avec un portefeuille valant 398 millions de dollars. Si le chiffre d'affaires de la société était un produit intérieur brut, Exxon Mobil ferait partie des trente premiers pays du monde. Elle dirige l'un des plus grands groupes de pression en activité à Washington, et compte non seulement des locaux et un gros personnel sur K Street mais emploie en outre une vingtaine d'anciens sénateurs, représentants, assistants parlementaires et autres.

    Pourtant, Private Empire n'évoque pas vraiment l'influence d'Exxon Mobil sur le gouvernement américain ; il décrit une société si grande et si puissante - active dans deux cents pays et territoires - qu'elle a en fait sa propre politique étrangère.

    Après avoir cité un câble de l'ambassade des Etats-Unis au Tchad selon lequel Exxon ignore les diplomates américains, Coll commente : "Et pourquoi en serait-il autrement ? Les investissements d'Exxon Mobil dans le projet pétrolier Tchad-Cameroun allaient se monter à 4,2 milliards de dollars. L'aide annuelle des Etats-Unis au Tchad n'était que de 3 millions de dollars."

    Une force diplomatique à part

    La politique étrangère d'Exxon Mobil, orchestrée par une division politique comprenant des anciens du Conseil National de Sécurité et du Département d'Etat, coïncide parfois avec celle des Etats-Unis, et parfois s'en écarte. La société n'était par exemple pas très chaude pour envahir l'Irak. Certes, le pays avait beaucoup de pétrole, mais comme la plupart des réserves sont de plus en plus difficiles à atteindre, les dirigeants de l'industrie pétrolière savaient que celui, quel qu'il soit, qui le gouvernerait, devrait de toute façon faire appel à la technologie et au capital des Exxon Mobil du monde. Et pensaient que s'il aurait peut-être été bien de posséder directement les puits de pétrole irakiens, la stabilité et la sécurité à long terme étaient plus importantes. Aujourd'hui, même si la société a investi des milliards pour extraire du pétrole des sables bitumineux de l'Alberta, en détruisant marais et forêts au passage, elle se moque de savoir si le projet d'oléoduc reliant le Canada au golfe du Mexique aura le feu vert du gouvernement Obama : si elle ne peut pas vendre son pétrole aux Etats-Unis, elle le vendra facilement à la Chine ou au Japon.

    Comme les compagnies de marchands d'antan, Exxon Mobil a sa propre armée – et en ces temps d'externalisation fait aussi appel à celle des autres. Au Tchad, elle employait 2 500 agents de sécurité qui patrouillaient dans des 4 x 4 blancs équipés de radio à la recherche de guérilleros ; et son service de renseignement était plus important et meilleur que la station locale de la CIA. Dans le delta du Niger, elle a donné des bateaux à l'armée nigériane, déployé ses propres bâtiments en mer pour repérer les pirates, et "recruté, payé, équipé et géré des unités entières de l'armée et de la police nigériane." Les policiers nigérians arboraient le fameux cheval volant de Mobil sur leur uniforme. A Atjeh, en Indonésie, Mobil payait la solde des membres des unités antirebelles indonésiennes, qui torturaient et tuaient les prisonniers sur son territoire. Les versements ont continué même quand le gouvernement américain a cessé de verser une aide à l'armée indonésienne à cause de ces abus.

    Réchauffement climatique et marées noires

    Comme d'autres journalistes avant lui, Coll fait remarquer que le lobbying d'Exxon Mobil ne vise pas seulement à maintenir les taxes sur le pétrole et le gaz naturel à un niveau peu élevé. Il influence également l'opinion des gens. Pendant des années, les compagnies pétrolières ont proclamé que la contribution de l'Homme au réchauffement climatique était négligeable et versé des millions de dollars à des organisations qui produisaient des études abondant en ce sens. Au cours des dernières années, Exxon Mobil a subtilement, graduellement arrêté de se voiler la face sur la question et s'est mise, sans reconnaître son erreur, à souligner que les économies du monde exigeaient toujours d'énormes quantités de pétrole et de gaz naturel, ce qui est malheureusement vrai.

    Les dirigeants d'Exxon Mobil se soucient moins des convictions des Américains en matière de réchauffement climatique que de leur penchant pour les poursuites judiciaires assorties de dommages et intérêts. Après une marée noire, la décision d'un jury peut coûter des milliards à la société. Il n'est donc pas surprenant qu'après la marée noire de l'Exxon Valdez, un représentant de la société a discrètement proposé de l'argent à un professeur de l'université du Wisconsin pour qu'il écrive un article s'élevant contre les dommages et intérêts dans "une revue universitaire respectable." L'homme a tout révélé, mais on ne sait pas combien d'autres universitaires ont reçu une telle proposition et l'ont acceptée sans rien dire.

    Private Empire remplit assurément son objectif : montrer les rouages internes de l'une des concentrations les plus importantes de pouvoir non élu du monde occidental. Et la façon dont ce pouvoir s'exerce a une énorme importance car les compagnies pétrolières jouent un rôle crucial dans l'économie émettrice de gaz carbonique à laquelle nous sommes malheureusement si attachés.

    source: courrier international

  • #2
    Et la façon dont ce pouvoir s'exerce a une énorme importance car les compagnies pétrolières jouent un rôle crucial dans l'économie émettrice de gaz carbonique à laquelle nous sommes malheureusement si attachés.
    le secteur pétrolier US dont fait partie Exxon Mobil est à lui seul la preuve de l'absence de pouvoir politique aux Etats Unis. le président démocrate Obama a donné cette année le feu vert à l'exploitation du gaz de schiste dont les conséquences sur l'environnement sont inconnus. les démocrates sont censées voter des lois pour préserver l'environnement. mais comme Exxon Mobil a investi à lui-seul quelque 40 milliards de dollar dans ce nouveau créneau, ça n'a aucune importance que le président soit démocrate ou républicain... ce qui est important, ce sont les quelques misérables millions de dollars (une centaine) par an qu'Exxon Mobil consacre au lobbying à Washington.

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