Bref historique
Dans le sillage de la chute du régime de Mouammar Kadhafi, le Mali a connu des évènements qui ont mis au grand jour une réalité d’État failli (failed state). Au nord, les structures de l’État malien se sont effondrées sous la poussée du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), dont les Touareg sont la composante essentielle. À la différence des précédentes rébellions, début des années 1960, de 1990 et de 2006, celle conduite par le MNLA procède à la proclamation d’un État de l’Azawad.(1)
Au-delà de cette proclamation, le MNLA peine à établir un contrôle effectif et sans partage sur les territoires du Nord. Il subit dans les villes de l’Azawad une concurrence acerbe de la part d’un autre mouvement à composante targuie : Ançar Eddine. Viennent s’accoler à celui-ci des groupes terroristes – GSPC et Mujao – qui écumaient, depuis des années, l’espace sahélien. Le chef des Ançar, Iyad Ag Ghali, ancien leader des révoltes touareg, reconverti dans des activités de trafic, a découvert l’exceptionnelle compatibilité de l’idéologie islamiste avec ce genre d’activité. Il trouve là une couverture et une légitimation exceptionnelles à son mercantilisme. «L’islamisme», lui, est le prétexte à l’extension de ses activités à tout le territoire malien, d’où son rejet de la démarche autonomiste/indépendantiste qu’il a promue par le passé. Au sud, l’armée malienne a connu les contrecoups de sa défaite au nord. Des officiers subalternes, ligués avec la troupe, se sont mutinés contre leur hiérarchie, et rebellés contre l’ordre constitutionnel du Mali. Le 22 mars 2011, le capitaine Sanogo et ses acolytes s’emparent du pouvoir et institue un Comité national de redressement de la démocratie et de la restauration de l'État (CNDRE). L’Union africaine (UA) suspend le Mali. La dénonciation du coup d’État est unanime. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) monte au créneau. Elle réussit à peser sur l’apparence des choses. Elle amène le président Amadou Toumani Touré (ATT) à remettre sa démission, en contrepartie le CNDRE signe, le 6 avril 2012, un protocole d’accord avec cette organisation, non sans avoir obtenu la garantie de l’impunité la plus totale pour ses membres. Dioncounda Traoré, président de l'Assemblée nationale, hérite, pour une année, de l’intérim de la présidence. Il nomme Cheick Modibo Diarra, Premier ministre de transition chargé de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Agressé physiquement dans son bureau par des manifestants hostiles à son maintien, Diacounda Traoré ne rentre de France que le 27 juillet passé. La Cédéao peine à faire la preuve dans le rétablissement de l’ordre constitutionnelle à Bamako. Les conjurés du CNDRE, malgré la dissolution de leur comité par l’Assemblée nationale(2), continuent de sévir à l’encontre de leurs détracteurs, opérant enlèvements, «arrestations» et exécutions. Ils restent la force la plus influente à Bamako. Cet effondrement de l’État malien n’est que l’étape finale d’une situation qui perdure depuis des lustres. Le Mali situé au cœur du Sahel subit de plein fouet les effets de la crise sécuritaire qui y sévit. Cette région irriguée par de séculiers itinéraires caravaniers qui se sont vu investis par des caravanes d’un genre nouveau. Des groupes terroristes y ont fixé leurs bases. Les réseaux de cocaïne (de provenance sud-américaine) et d’héroïne (de provenance asiatique) l’ont élue comme plaque tournante de leurs activités à destination de l’Europe. Toutes ces activités illégales sont une source d’enrichissement pour des hommes politiques véreux, des fonctionnaires peu regardants, ou des chefs de tribu ou de clan séduits par un enrichissement rapide. Il faut être particulièrement ignorant de cette réalité de l’État malien pour parler aujourd’hui d’intégrité de son territoire !
La communauté internationale
La communauté internationale par la voix de l’actuel président du Conseil de sécurité, M. Gérard Araud (3) (France), montre bien qu’elle a la mesure du sérieux de la situation au Mali. Ses déclarations traduisent l’intérêt que la communauté internationale accorde à la crise du Sahel, mais trahissent aussi les limites et les pesanteurs qui grèvent l’action de cette communauté. En tête des souhaits exprimés viennent «la désignation rapide d’un gouvernement d’union nationale inclusif, la poursuite des efforts en cours en vue d’assurer la consolidation des institutions de la République du Mali et la tenue d’élections dans les plus brefs délais». Les membres du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) soulignent que le «rétablissement intégral et la préservation de l’ordre constitutionnel» passent par le «contrôle effectif du pouvoir civil sur les forces armées et de sécurité», d’où l’exigence formulée que les membres du CNDRE «cessent leur ingérence persistante dans le processus politique». La junte, selon le rappel du CSNU, devait être dissoute, et tous les membres des forces armées maliennes appelés à retourner dans leurs casernes. Insécurité, détérioration de la situation humanitaire au Mali et dans la région du Sahel, menace terroriste accrue, atteintes aux droits de l’homme et violations du droit international humanitaire «dans le nord du Mali», graves atteintes aux droits de l’homme «dans l’ensemble du pays», notamment contre des soldats, leurs familles, et des journalistes, le recrutement d’enfants soldats sont autant de sources de «profonde préoccupation» pour les membres du CSNU. Une condamnation ferme frappe «la destruction en cours des sites maliens inscrits au patrimoine mondial». «L’appel à toutes les parties à prendre immédiatement les mesures appropriées pour assurer leur protection» est pressant. D’ailleurs, le seizième point de la résolution 2056 (2012), adoptée par le Conseil de sécurité le 5 juillet 2012, souligne que «diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments à caractère religieux ou des monuments historiques, en dehors d’un conflit international armé, peut constituer une violation du droit international au regard du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, du Protocole additionnel II des Conventions de Genève de 1949 et de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et exhorte toutes les parties au Mali à prendre immédiatement les mesures voulues pour assurer la protection des sites maliens inscrits au patrimoine mondial». De tous les attendus rappels et recommandations exprimés par le CSNU, ce point qui fait référence au Statut de Rome et aux conventions de Genève risque de se révéler le plus significatif. Il pose une base à une possible internationalisation de la crise malienne, une internationalisation qui marginalise la Cédéao, l’UA et les pays de la région, les tienne en dehors de son traitement, et le réserve comme le pré-carré des puissants. Pour le moment, le CSNU souligne que «les efforts de planification stratégique en cours [pour] le déploiement d’une force de stabilisation de la Cédéao en vue de soutenir le processus politique au Mali, de restructurer et de réorganiser les forces de défense et de sécurité maliennes, et d’appuyer le maintien de l’intégrité territoriale du Mali et la lutte contre le terrorisme» doivent être réalisés dans le cadre d’une «coopération accrue de la Cédéao avec les autorités maliennes de transition, la Commission de l’Union africaine, et les pays de la région, avec le soutien du secrétaire général, afin de préparer des options détaillées concernant les objectifs, les moyens et les modalités du déploiement envisagé et sur d’autres mesures possibles ». Les membres du Conseil de sécurité devraient être informés, d’ici au 15 septembre 2012, «des progrès accomplis par le secrétaire général dans l’élaboration et la mise en œuvre, en consultation avec les organisations régionales, d’une stratégie intégrée des Nations unies pour la région du Sahel englobant les questions de sécurité, de gouvernance, de développement, des droits de l’homme et les questions humanitaires, notamment grâce à la participation du bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest».
Dans le sillage de la chute du régime de Mouammar Kadhafi, le Mali a connu des évènements qui ont mis au grand jour une réalité d’État failli (failed state). Au nord, les structures de l’État malien se sont effondrées sous la poussée du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), dont les Touareg sont la composante essentielle. À la différence des précédentes rébellions, début des années 1960, de 1990 et de 2006, celle conduite par le MNLA procède à la proclamation d’un État de l’Azawad.(1)
Au-delà de cette proclamation, le MNLA peine à établir un contrôle effectif et sans partage sur les territoires du Nord. Il subit dans les villes de l’Azawad une concurrence acerbe de la part d’un autre mouvement à composante targuie : Ançar Eddine. Viennent s’accoler à celui-ci des groupes terroristes – GSPC et Mujao – qui écumaient, depuis des années, l’espace sahélien. Le chef des Ançar, Iyad Ag Ghali, ancien leader des révoltes touareg, reconverti dans des activités de trafic, a découvert l’exceptionnelle compatibilité de l’idéologie islamiste avec ce genre d’activité. Il trouve là une couverture et une légitimation exceptionnelles à son mercantilisme. «L’islamisme», lui, est le prétexte à l’extension de ses activités à tout le territoire malien, d’où son rejet de la démarche autonomiste/indépendantiste qu’il a promue par le passé. Au sud, l’armée malienne a connu les contrecoups de sa défaite au nord. Des officiers subalternes, ligués avec la troupe, se sont mutinés contre leur hiérarchie, et rebellés contre l’ordre constitutionnel du Mali. Le 22 mars 2011, le capitaine Sanogo et ses acolytes s’emparent du pouvoir et institue un Comité national de redressement de la démocratie et de la restauration de l'État (CNDRE). L’Union africaine (UA) suspend le Mali. La dénonciation du coup d’État est unanime. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) monte au créneau. Elle réussit à peser sur l’apparence des choses. Elle amène le président Amadou Toumani Touré (ATT) à remettre sa démission, en contrepartie le CNDRE signe, le 6 avril 2012, un protocole d’accord avec cette organisation, non sans avoir obtenu la garantie de l’impunité la plus totale pour ses membres. Dioncounda Traoré, président de l'Assemblée nationale, hérite, pour une année, de l’intérim de la présidence. Il nomme Cheick Modibo Diarra, Premier ministre de transition chargé de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Agressé physiquement dans son bureau par des manifestants hostiles à son maintien, Diacounda Traoré ne rentre de France que le 27 juillet passé. La Cédéao peine à faire la preuve dans le rétablissement de l’ordre constitutionnelle à Bamako. Les conjurés du CNDRE, malgré la dissolution de leur comité par l’Assemblée nationale(2), continuent de sévir à l’encontre de leurs détracteurs, opérant enlèvements, «arrestations» et exécutions. Ils restent la force la plus influente à Bamako. Cet effondrement de l’État malien n’est que l’étape finale d’une situation qui perdure depuis des lustres. Le Mali situé au cœur du Sahel subit de plein fouet les effets de la crise sécuritaire qui y sévit. Cette région irriguée par de séculiers itinéraires caravaniers qui se sont vu investis par des caravanes d’un genre nouveau. Des groupes terroristes y ont fixé leurs bases. Les réseaux de cocaïne (de provenance sud-américaine) et d’héroïne (de provenance asiatique) l’ont élue comme plaque tournante de leurs activités à destination de l’Europe. Toutes ces activités illégales sont une source d’enrichissement pour des hommes politiques véreux, des fonctionnaires peu regardants, ou des chefs de tribu ou de clan séduits par un enrichissement rapide. Il faut être particulièrement ignorant de cette réalité de l’État malien pour parler aujourd’hui d’intégrité de son territoire !
La communauté internationale
La communauté internationale par la voix de l’actuel président du Conseil de sécurité, M. Gérard Araud (3) (France), montre bien qu’elle a la mesure du sérieux de la situation au Mali. Ses déclarations traduisent l’intérêt que la communauté internationale accorde à la crise du Sahel, mais trahissent aussi les limites et les pesanteurs qui grèvent l’action de cette communauté. En tête des souhaits exprimés viennent «la désignation rapide d’un gouvernement d’union nationale inclusif, la poursuite des efforts en cours en vue d’assurer la consolidation des institutions de la République du Mali et la tenue d’élections dans les plus brefs délais». Les membres du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) soulignent que le «rétablissement intégral et la préservation de l’ordre constitutionnel» passent par le «contrôle effectif du pouvoir civil sur les forces armées et de sécurité», d’où l’exigence formulée que les membres du CNDRE «cessent leur ingérence persistante dans le processus politique». La junte, selon le rappel du CSNU, devait être dissoute, et tous les membres des forces armées maliennes appelés à retourner dans leurs casernes. Insécurité, détérioration de la situation humanitaire au Mali et dans la région du Sahel, menace terroriste accrue, atteintes aux droits de l’homme et violations du droit international humanitaire «dans le nord du Mali», graves atteintes aux droits de l’homme «dans l’ensemble du pays», notamment contre des soldats, leurs familles, et des journalistes, le recrutement d’enfants soldats sont autant de sources de «profonde préoccupation» pour les membres du CSNU. Une condamnation ferme frappe «la destruction en cours des sites maliens inscrits au patrimoine mondial». «L’appel à toutes les parties à prendre immédiatement les mesures appropriées pour assurer leur protection» est pressant. D’ailleurs, le seizième point de la résolution 2056 (2012), adoptée par le Conseil de sécurité le 5 juillet 2012, souligne que «diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments à caractère religieux ou des monuments historiques, en dehors d’un conflit international armé, peut constituer une violation du droit international au regard du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, du Protocole additionnel II des Conventions de Genève de 1949 et de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et exhorte toutes les parties au Mali à prendre immédiatement les mesures voulues pour assurer la protection des sites maliens inscrits au patrimoine mondial». De tous les attendus rappels et recommandations exprimés par le CSNU, ce point qui fait référence au Statut de Rome et aux conventions de Genève risque de se révéler le plus significatif. Il pose une base à une possible internationalisation de la crise malienne, une internationalisation qui marginalise la Cédéao, l’UA et les pays de la région, les tienne en dehors de son traitement, et le réserve comme le pré-carré des puissants. Pour le moment, le CSNU souligne que «les efforts de planification stratégique en cours [pour] le déploiement d’une force de stabilisation de la Cédéao en vue de soutenir le processus politique au Mali, de restructurer et de réorganiser les forces de défense et de sécurité maliennes, et d’appuyer le maintien de l’intégrité territoriale du Mali et la lutte contre le terrorisme» doivent être réalisés dans le cadre d’une «coopération accrue de la Cédéao avec les autorités maliennes de transition, la Commission de l’Union africaine, et les pays de la région, avec le soutien du secrétaire général, afin de préparer des options détaillées concernant les objectifs, les moyens et les modalités du déploiement envisagé et sur d’autres mesures possibles ». Les membres du Conseil de sécurité devraient être informés, d’ici au 15 septembre 2012, «des progrès accomplis par le secrétaire général dans l’élaboration et la mise en œuvre, en consultation avec les organisations régionales, d’une stratégie intégrée des Nations unies pour la région du Sahel englobant les questions de sécurité, de gouvernance, de développement, des droits de l’homme et les questions humanitaires, notamment grâce à la participation du bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest».
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