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Pic pétrolier : deux vice-présidents de Total répondent à [oil man]

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  • Pic pétrolier : deux vice-présidents de Total répondent à [oil man]

    par Matthieu Auzanneau



    Les deux hauts cadres de Total que j'ai interrogés n'ont pas souhaité fournir de liste, même approximative, des principales régions pétrolifères existantes dans lesquelles ils jugent qu'il sera possible de stopper, ou au moins de freiner l'hémorragie (c'est-à-dire l'épuisement inexorable des réserves et le déclin engagé ou imminent des extractions d'un nombre de plus en plus important de puits anciens). Seul le cas des Etats-Unis a été évoqué, en terme peu optimistes, comme nous allons le voir.

    Mme Kristoffersen et M. Chalmin ont notamment refusé d'avancer des éléments chiffrés concernant les pays de l'Opep et la Russie, se justifiant notamment, et sans doute un peu vite, par l'opacité des données disponibles. Dommage, car l'Opep et la Russie contrôlent l'essentiel des réserves prouvées d'or noir encore disponibles, mais font également partie des producteurs les plus anciens...

    Même pour les pays pétroliers les plus fermés, des données sont bien entendu disponibles. Des champs anciens y déclinent d'ailleurs nettement plus vite que les taux mondiaux moyens couramment admis, situés pour l'heure entre 2 et 5 % par an. Le directeur scientifique de Total, Jean-François Minster, m'a indiqué en avril que "dans les pays de l'Opep ou en Russie, les taux de déclin [de certains champs] peuvent atteindre 6 à 9 % par an".

    Pour répondre (indirectement, donc) à mes questions sur les 20 à 25 Mb/j manquant à l'addition totale des capacités nouvelles escomptées par Total, Helle Kristoffersen, directrice de la stratégie et de l'intelligence économique du groupe, a évoqué le montant colossal des investissements nouveaux consentis par l'industrie pétrolière un peu partout dans le monde : 600 milliards de dollars, rien qu'en 2011, soit près du quart du PIB de la France ! Toutefois, le retard très important subi par Total et ses partenaires dans le développement du champ géant mais difficile de Kachagan, en mer Caspienne, ou encore les impasses techniques rencontrées dans le grand Nord, notamment par BP, montrent que déverser des milliards ne suffit plus à garantir une production.


    Helle Kristoffersen, vice-présidente de Total en charge de la stratégie du groupe : les huiles de schiste nécessitent de forer "dix à cent fois plus de puits".
    Guillaume Chalmin, chargé de la stratégie d'exploration et de production de Total, a pour sa part insisté sur les progrès de la sismologie et des techniques de récupération. Il reconnaît néanmoins sans peine que ces progrès, une fois mis en oeuvre, ne garantissent en rien un accroissement de la production des champs anciens. Par ailleurs, la direction de Total exprime son scepticisme à l'égard du "miracle" des huiles de schiste promis par certains outre-Atlantique. Helle Kristoffersen souligne que l'extraction de ces réservoirs compacts nécessite de creuser "de dix à cent fois plus de puits" que pour du pétrole conventionnel. Jamais les Etats-Unis ne redeviendront auto-suffisants grâce à eux, précise-t-elle.

    Au 46ème étage de la tour Total à La Défense (vu duquel le monde peut sembler malléable), on donne l'impression de s'être résolus à s'accommoder d'inconnues énormes.

    Le scénario prospectif à trous qu'avance Total peut être comparé avec le pronostic considéré aujourd'hui comme le plus 'optimiste', celui publié en juin par Leonardo Maugeri, ancien dirigeant du pétrolier italien ENI.

    Cette comparaison a de quoi laisser perplexe.

    L'analyse de Leonardo Maugeri, en particulier son estimation d'un rythme lent de déclin de la production existante, a été jugé totalement irréaliste par plusieurs experts indépendants de premier plan, dans des tribunes publiées sur [oil man], sur le site du Financial Times, ou encore sur le principal site américain consacré au pic pétrolier, [TheOilDrum].

    Or sur le versant des capacités de production nouvelles attendues, la direction de Total se montre beaucoup plus optimiste que Maugeri lui-même.

    Maugeri débute son rapport en affirmant que ces nouvelles capacités de production pourraient, dans l'absolu, atteindre 49 Mb/j dès 2020. Mais il ramène immédiatement ce chiffre à 29 Mb/j - ce qui est déjà au-delà de ce que l'industrie a jamais réussi à accomplir dans un laps de temps aussi court -, en prenant en compte, dit-il, des "risques" et des "restrictions" de nature aussi bien technique que politique. On est très en-deçà des 45 Mb/j supplémentaires à l'horizon 2025 prévus par Total. (Les cinq années qui séparent les dates butoir des deux pronostics sont relativement peu significatives, dans la mesure où il faut compter de sept à dix ans pour mettre en production tout nouveau champ.)

    Les capacités de production nouvelles attendues par Total apparaissent donc beaucoup plus massives que celles envisagées par le plus optimiste des experts pétroliers.

    Qu'en conclure ? Au moins ceci : à Total ou ailleurs, l'incertitude dans laquelle baigne désormais l'industrie la plus vitale pour l'avenir de l'économie mondiale paraît atteindre un degré ahurissant.

    La difficulté à renouveler les réserves épuisées est désormais une réalité centrale pour cette industrie, depuis le géant américain Exxon, qui n'est parvenu à reconstituer que 95 % de ses stocks d'or noir pompés au cours des dix dernières années, jusqu'au 'petit' pétrolier franco-britannique Perenco, qui fait face à un effondrement de ses perspectives de production.

    Le pdg de Total, Christophe de Margerie, a joué une musique dissonante lors de la dernière grand-messe annuelle de l'industrie de l'or noir. En décembre au Qatar, il a abordé ouvertement le problème du pic pétrolier, tabou pour les dirigeants des autres majors. D'après 'Big Moustache', la production mondiale de brut atteindra son maximum au cours des années 2020, à 95 millions de barils par jour (Mb/j) contre 83 Mb/j aujourd'hui.

    Au-delà, c'est le "point d'interrogation", a reconnu Christophe De Margerie, tempérant néanmoins aussitôt :

    "Nous disposons d'énormément de ressources. Le problème, ce ne sont pas les ressources, c'est savoir comment les extraire, d'une manière acceptable."

    Guillaume Chalmin insiste : les 45 Mb/j de capacités supplémentaires qui doivent impérativement être mis en production pour atteindre le niveau de production de brut total de 95 Mb/j promis par le pdg du Total, "ce n'est pas de la communication".

    Toutefois, cette prédiction fantastique n'a pas la moindre chance de se réaliser si jamais les banquiers et les assureurs ne sont pas convaincus de son réalisme (la banque globale HSBC ainsi que la doyenne des compagnies d'assurance, la Lloyd's, font déjà part de doutes profonds). On peut craindre que l'existence nécessaire d'une telle condition auto-réalisatrice pèse sur la crédibilité de l'ensemble du pronostic défendu ici par Total.

    Autrement dit, il est décidément plausible que le "point d'interrogation" situé par Total quelque part au cours de la décennie 2020, surgisse en fait bien plus tôt.

    Se peut-il que les rois du pétrole soient nus ?


    http://petrole.*****************/fil...otal-20301.png

    Ce graphique est tiré du dernier document prospectif publié par Total, en 2008. Le pic pétrolier y était alors placé aux alentours de 2020. Total a désormais reculé quelque peu cette date fatidique. Mais ce regain d'espoir du géant pétrolier français est-il fondé ?
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Toutefois, cette prédiction fantastique n'a pas la moindre chance de se réaliser si jamais les banquiers et les assureurs ne sont pas convaincus de son réalisme (la banque globale HSBC ainsi que la doyenne des compagnies d'assurance, la Lloyd's, font déjà part de doutes profonds). On peut craindre que l'existence nécessaire d'une telle condition auto-réalisatrice pèse sur la crédibilité de l'ensemble du pronostic défendu ici par Total.
    des banquiers, des escrocs (assureurs) et des pétroliers. humm, des gens biens et dignes de confiance.
    ils peuvent tous allers se faire f... avec leurs prédictions!

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