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La guerre, cette maladie mentale

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    La guerre, cette maladie mentale:The emotional life of nations, de Lloyd deMause

    Les guerres sont-elles une maladie provoquée, donc, par des malades mentaux ? Dans La guerre du Golfe, une maladie mentale, l’Américain Lloyd deMause avance cette thèse et va plus loin encore. «Peu de présidents américains ont été capables de résister à l'appel de la nation en faveur d'une guerre.

    Des études ont montré que le facteur déterminant est le genre d'enfance qu'ils ont eu. Jimmy Carter a pu compter sur des parents relativement aimants, en particulier une mère qui encouragea l'épanouissement de sa personnalité et son indépendance, une qualité rare chez un parent des années 20. Ce n'est pas une coïncidence si, en rassemblant toutes les photos d'enfance des présidents américains que je pus trouver, je remarquai que seules celles de Jimmy Carter et Dwight Eisenhower (un autre président qui sut résister à l'appel de la guerre) montraient leur mère qui leur souriait», écrit-il. «Par contraste, l'enfance de Ronald Reagan ressemble à celle de la plupart des présidents : un cauchemar de négligence et d'abus, dominé dans son cas par une mère bigote et un père alcoolique et violent qui, disait-il, le «frappait avec ses bottes» et le «tabassait», lui et son frère (…). Devenu adulte, Reagan prit l'habitude de porter un pistolet chargé et envisagea même le suicide, mais il trouva dans la politique une stratégie inconsciente de défense et devint un ardent militant anti-communiste, partant en croisade contre des «ennemis» imaginaires qui furent persécutés pour des sentiments qu'il avait lui-même refoulés», ajouta-t-il.

    DeMause commence par rappeler que dans les années 80, l'Amérique avait connu une période de paix et de prospérité fondée sur la spéculation financière et sur des dépenses militaires extravagantes, financées par la dette publique. Au début des années 90, l'ennemi traditionnel des Etats-Unis, l'URSS, s'était effondré et une période de paix inattendue venait de «frapper le monde entier», selon l'expression de Newsweek.

    Peu après, l'Amérique et l'Europe plongèrent dans une récession économique. Mais, paradoxalement, fait remarquer l’auteur, l'Amérique se sentait terriblement mal après la chute du Mur de Berlin. «La démocratie est victorieuse, écrivait le New York Timesle 4 mars 1990, la course aux armements est terminée. Les méchants sont devenus gentils… l'Amérique a touché le jackpot. Alors pourquoi est-ce qu'on ne se sent pas mieux ?» Partout, on prédisait la ruine, le déclin et la mort du Rêve américain.

    Les médias se demandaient pourquoi, malgré le fait que la paix mondiale était atteinte et que l'économie américaine se portait bien, «les gens sont incroyablement déprimés» ( The New York Times) ou que «ces derniers mois, il y a une odeur distincte d'effondrement et de ruine en ville» ( New York Post) et en concluaient que « quelque chose de catastrophique est sur le point de se produire» (Washington Post)». Sans ennemi extérieur sur lequel projeter ses peurs, l'Amérique n'avait d'autre choix que de provoquer une récession économique de type sacrificiel pour sortir de sa dépression, s'infligeant ainsi une punition comme prix de la paix et de la prospérité.


    Le peuple américain était ainsi déprimé lorsque George Bush se présenta aux élections. Ceci favorisa, paradoxalement, sa victoire sur son concurrent moins déprimé que lui (les déprimés votent pour le plus déprimé). Lloyd deMause explique que l’une des raisons qui favorisèrent la victoire électorale de George Bush fut sa conviction que «nous devons tous faire des sacrifices». Tandis que l'économie continuait à progresser en 1989 et 1990, il pensa inconsciemment qu'il devait faire quelque chose de dramatique pour arrêter cette expansion, afin que les gens cessent de consommer et provoquent une récession qu'ils puissent ressentir comme une punition.

    «La potion que Bush administra à l'Amérique fut d'augmenter les impôts, de tailler dans les dépenses publiques et de s'opposer à toute législation allant dans le sens d'une reprise économique. Bien qu'il sache qu'une augmentation d'impôts le rendrait impopulaire et violerait ses engagements préélectoraux, il allait donner à l'Amérique la punition qu'elle demandait à un niveau inconscient plus profond». Il apparut vite que les recettes publiques seraient globalement moins importantes que si les impôts étaient restés inchangés, prouvant que l'objectif inconscient était bien de provoquer une récession – et non une augmentation des recettes fiscales – perçue comme nécessaire pour « nettoyer la pourriture du système», comme l'expliqua un haut fonctionnaire de l'administration Bush, fait encore remarquer l’auteur.

    Le sentiment national de culpabilité est généralement représenté dans les caricatures politiques comme une pollution. Chaque fois qu'une nation se sent plus prospère que son enfance déshéritée ne peut tolérer, elle imagine que c'est un péché.

    Alors, une «alerte à la pollution» est lancée sous la forme d’une croisade puritaine dans laquelle les médias remarquent soudain qu'il existe des choses comme la pollution atmosphérique (pluies acides), domestique (dioxine) ou sanguine (sida) ; qui toutes existaient auparavant, mais deviennent subitement des symboles d'un fantasme de pollution intérieure (péché, culpabilité, orgueil) qui doit être purifié.

    Durant ces croisades puritaines à caractère émotionnel, les médias se mettent à lancer des appels hystériques en disant que le monde est devenu soudainement invivable. Plusieurs journaux américains reconnurent l'origine dépressive de l'humeur nationale et aussi le sentiment de culpabilité qui l'engendrait.

    Le Washington Post affirma que, après huit ans d'optimisme, «l'Amérique est dans… un accès répugnant de culpabilité, de terreur et de nostalgie. Une fois de plus, l'Amérique est déprimée.» Un éditorialiste avait souligné en 1990 : «L'Amérique est comme un ivrogne de bistrot. Un moment il se vante de son argent et de sa force, et pendant l'heure qui suit il se lamente de ses échecs et de son impuissance… La dépression de l'Amérique n'est pas le résultat d'une peste, d'un déluge, d'une famine ou d'une guerre… Nous nous sentons coupables, coupables, coupables… dépression, déclin, dépravation, dysphorie, déconstruction, désuétude, désœuvrement, défiance, drogues, désespoir… » Ces périodes de type maniaque se résolvent souvent par une guerre. Il n’y a qu’une seule façon d'éviter qu'une longue récession économique ne soit nécessaire pour guérir la nation de sa dépression : fabriquer un ennemi extérieur qui puisse porter le blâme de notre «cupidité» collective et être ensuite puni à la place de l'Amérique, assène Lloyd deMause. Mais «il fallait éviter à tout prix la culpabilité de démarrer la guerre, tout en la préparant. Dans l'esprit des Américains, leur pays n'a jamais attaqué un adversaire de toute son histoire. Il s'est seulement défendu ou a porté secours à d'autres pays en difficulté».

    Tandis qu'en 1990 la dépression nationale s'intensifiait, le défi de Bush fut de trouver quelqu'un qui soit disposé à attaquer un pays plus faible, afin que l'Amérique puisse venir en sauveur et redonner aux Américains le sentiment de puissance qu'ils avaient perdu. Dans les mois qui précédèrent la crise du Golfe, les magazines américains commencèrent à exprimer des désirs de mort à l'égard de la jeunesse, suggérant inconsciemment un sacrifice. Des enfants étaient dessinés poignardés, fusillés, étranglés ou jetés du haut d'une falaise. «Ce genre de représentations subliminales peut être qualifié de fantasme collectif, du type de ceux qui précèdent une guerre.

    Ces images étaient identiques aux pratiques bien réelles de l'Antiquité au cours desquelles des enfants étaient sacrifiés en masse pour apaiser les dieux et expier les péchés de la communauté. » Les médias montrèrent aussi un grand nombre d'images de femmes effrayantes. Une Madonna castratrice et râleuse faisait la couverture des magazines.

    «Ces images de mères terrifiantes, castratrices et envahissantes, ainsi que des suggestions subliminales de sacrifice d'enfants étaient si répandues dans les médias que je publiai un article, intitulé «It's Time to Sacrifice… Our Children», qui mettait en évidence le désir secret de l'Amérique de sacrifier sa jeunesse et prédisait que de nouvelles aventures militaires pourraient bien être entreprises dans le dessein inconscient d'accomplir ce sacrifice», écrit DeMause plus loin. Bush, poursuit-il, dut comprendre que ces messages inconscients lui commandaient d'entrer en guerre. Il sentit la détresse rageuse de la nation et réalisa qu'il devait vite faire quelque chose.

    Mais «dans ce monde de l'après-guerre froide, soudain si paisible, où pouvait-il trouver un ennemi assez fou pour défier l'armée la plus puissante de la planète, et suffisamment petit pour que nous puissions le battre facilement ?». Saddam Hussein, en envahissant le Koweït, lui donna cette occasion. Bush avait d’abord fait un «ballon d'essai» en envoyant 25 000 soldats au Panama, en prétextant y déloger Noriega pour son rôle dans le trafic de drogue. Cette opération embarrassât l'armée, qui la qualifia de ridicule parce que «toute cette foutue opération revient à trouver un seul gars dans un bunker», mais les Américains adorèrent le spectacle. La popularité de Bush augmenta et la permission lui fut donnée afin de poursuivre d'autres actions militaires. «La guerre du Golfe ne fut pas la seule occasion où l'Amérique se créa un ennemi afin d'engager un combat contre lui. Ce pays a une longue histoire de guerre contre des dictateurs qu'il a préalablement armés. Le but inconscient – comme dans les civilisations antiques – était de s'offrir une renaissance par le combat, dans des périodes où les nations se sentaient dépressives et « polluées », et organisaient des batailles destinées à se «purifier» pour «renaître» de leurs péchés», écrit en conclusion Lloyd deMause.

    Voilà certainement pourquoi l’Occident, frappé par la crise, se mêle du «Printemps arabe».

    Lloyd deMause, né en 1931 à Detroit (Michigan) est pionnier de la psycho-histoire. Il est aussi directeur de l'Institute For Psycho-history de New York et fondateur de The journal of Psycho-history. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont The emotional life of nations(éd.Karnac Books, 2004) et dont le deuxième chapitre est «La guerre du Golfe, une maladie mentale ».


    Par Le Soir.
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