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A fonds perdus : Les bons chiffres de l’emploi

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  • A fonds perdus : Les bons chiffres de l’emploi

    L’inefficience chronique des mécanismes de création et de gestion de l’emploi dans la région Moyen-Orient-Afrique du Nord (MENA) est telle que la Banque mondiale s’autorisait récemment à se poser la question de savoir si travailler n’est pas devenu un «privilège » chez nous.

    Un de ses experts, Matteo Morgandi, se propose d’étudier la réalité du marché du travail dans la région, tout particulièrement pour les jeunes(*).

    A première vue, dans l’ensemble, le verdict paraît sévère : «Les emplois précaires accessibles aux jeunes des couches sociales les plus défavorisées ne leur permettent pas de construire un foyer ni d’envisager l’avenir avec sérénité.» Les meilleures offres d’emploi sont souvent réservées à une poignée de privilégiés, plus particulièrement les enfants de la nomenklatura, «dotés de ressources financières et bien introduits». On observe le même processus de successions et de cooptations chez nous.

    Le diplôme n’est plus le sésame d’antan, quelle que soit sa valeur.

    Bien au contraire, devant l’ampleur du phénomène que l’ONS qualifie de «chômage d’insertion», les non-diplômés affichent de meilleurs chiffres que les diplômés, notamment ceux de l’enseignement supérieur (qui affichent des taux trois fois supérieurs à ceux de la population non diplômée).

    De son séjour chez nos voisins marocains et de ses discussions avec les jeunes, Matteo Morgandi a retenu de «précieuses leçons» qu’on pourrait sans difficulté généraliser à notre pays.

    La première est que «le travail ne fait pas qu’assurer la subsistance d’un individu mais qu’il est essentiel à la réalisation personnelle (la fondation d’une famille, par exemple) et qu’il joue un rôle crucial dans la reconnaissance sociale et l'estime de soi qui lui est indissociable». A ce titre, il n’est pas exagéré de le considérer comme un droit fondamental de l’homme, tout aussi précieux que le pain qui le nourrit et l’air qu’il respire.
    Le nombre d'individus en âge de travailler et sans emploi forme dans nos pays «un immense gisement de ressources humaines non exploité».

    A son actif, l’Algérie enregistre l’un des taux de chômage les plus bas de la région MENA : il s’établit à 10% d’une population en âge de travailler qui est d’environ 26 millions d’habitants. Nous sommes loin des statistiques explosives de 2000 lorsque le taux de chômage atteignait les 29% de la population active, soit 2,5 millions de personnes dont 1,4 million de jeunes. Le taux de chômage a été divisé par trois au cours des dix années suivantes.

    De fait, un exploit. Une impulsion particulière est également à inscrire sur le compte des mesures d’urgence prises en févier 2011 qui ont accru le nombre de bénéficiaires d’insertions professionnelles de 600 000 personnes tout en doublant le nombre de créations d’entreprises inscrites au titre de divers dispositifs d’aide. Ce qui de l’avis du Fonds monétaire international devra faire reculer encore plus le chômage au cours des toutes prochaines années : à 9,7% en 2012 et à 9,3% en 2013.

    Sur le plan quantitatif, nous faisons certainement mieux que des pays membres de la zone sud de l’espace euro, comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal ou l’Italie, en passe de devenir exportateurs de main-d’œuvre. Il nous reste toutefois à nous assurer que les dispositifs de soutien à l’emploi des jeunes ne sont pas de simples revenus minimums de maintien à des occupations alimentaires durables tant que la manne pétrolière est là pour en assurer le financement. Il ne suffit donc pas de disposer de ressources abondantes pour assurer de bons emplois.

    Une autre étude de la Banque mondiale sur notre région(**) souligne que «trois moyens d’action sont essentiels pour créer de l’emploi durable dans la région MENA : une gestion macroéconomique prudente, une réglementation judicieuse de l’activité économique et la bonne gouvernance ». Autre enseignement : «La qualité des emplois disponibles importe tout autant que leur quantité». Or, sur ce plan en particulier, beaucoup reste à faire car il nous arrive souvent de faire beaucoup de choses mais mal.

    Pour l’essentiel, le tableau que dresse l’ONS dit ceci à propos du sous-emploi :
    - Primo, qu’il est plus présent en milieu rural par rapport aux zones urbaines ;
    - Secundo, qu’il semble affecter davantage les femmes que les hommes ;
    - Tertio, qu’il touche les populations les moins instruites et celles qui ne sont pas pourvues de diplôme
    - Et, quatro, qu’il est particulièrement présent parmi les 15-24 ans. La première disparité est donc sectorielle. On se croirait également à Alger lorsqu’on lit : «A éducation égale, les personnes perçoivent des salaires très inégaux, selon qu’elles sont employées dans le secteur public ou dans le secteur privé, qui demeure largement informel, la rigidité du cadre réglementaire empêchant les actifs de passer d'un secteur à l’autre ou d’atténuer ces disparités.» En Algérie, le secteur privé, qui était le plus gros employeur en 2010, absorbe 65,6 % du total des personnes occupées, soit près des deux tiers de la population active. Près de deux personnes occupées sur trois sont des salariés, plutôt non permanents, l’emploi indépendant touche un occupé sur quatre. Ils se recrutent principalement dans le BTP, le commerce et l’agriculture. La discrimination par rapport à l’âge reste tout aussi féroce qu’ailleurs : 21,5% des 16-24 ans (18,6% chez les hommes et 37,4% chez les femmes) sont sans emploi. Selon une enquête de l’ONS sur l’emploi en Algérie, un jeune (de la même tranche d’âge) sur quatre, soit plus d’un million de personnes, était au chômage en septembre 2010. Autre fâcheuse caractéristique de l’emploi dans nos pays : il ne couvre pas forcément contre les aléas de la vie. En Algérie, cela ressort de ce que «sur les 9 735 000 occupés, 4 879 000 personnes ne sont pas affiliées au régime de la Sécurité sociale, soit un occupé sur deux», selon une récente enquête de l’ONS. Parmi les marqueurs de la mauvaise qualité de l’emploi dans les autres pays arabes, il est enfin mentionné son déficit de mobilité : «Ceux qui détiennent un bon poste le gardent pratiquement à vie et ceux qui héritent d'un emploi précaire peuvent rarement trouver mieux. Les habitants de régions à fort taux de chômage ne disposent pas de moyens qui leur permettraient de migrer là où la demande est plus importante, ce qui explique le maintien de clivages nets entre zones rurales et zones urbaines.» Au final, même si l’abondance de ressources atténue momentanément les souffrances du chômage, les espaces sociaux sont figés : à moins d’évoluer vers le haut par effraction, tous les ascenseurs sociaux sont en panne, alors que les escaliers sont encombrés. L’accès aux couches moyennes est fermé et celles qui existaient et n’ont pas pris la précaution de sauter dans les wagons de l’oligarchie despotique des prévisions de parcours aléatoires sont irrémédiablement paupérisées.
    A. B.
    (*) Matteo Morgandi, Travailler, un privilège au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ? Un panorama des catégories les plus touchées par le piège du chômage, 20 août 2012.
    (**) Banque Mondiale, Moyen- Orient et Afrique du Nord, La solution miracle pour l’emploi, 19 avril 2012.

    Par Ammar Belhimer, le soir
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