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“Nous avons engagé 15 000 hommes pour lutter contre les feux de forêt”

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  • “Nous avons engagé 15 000 hommes pour lutter contre les feux de forêt”

    Dans cet entretien, le patron de la Protection civile évoque les incendies de forêt qui, selon lui, ont pour origine l’homme. Estimant que cette année est marquée par des sinistres dépassant l’imaginaire ; notre interlocuteur a souligné le courage des soldats du feu, engagés sur tous les fronts pour minimiser les dégâts, déjà énormes. M. El-Hebiri a également abordé les moyens aéroportés qui, selon lui, ont été orientés vers l’acquisition des hélicoptères, non sans expliquer les raisons objectives qui ont motivé son institution à abandonner l’achat de canadairs. D’autres thèmes, comme la coopération internationale, la formation, l’opération du hadj et l’incendie de l’imprimerie de la Banque centrale d’Algérie, ont été évoqués dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder. Suivons-le…

    Liberté : M. El-Hebiri, depuis juin dernier, des milliers d’hectares en plus des moissons ont été dévorés par les feux de forêt. Les conséquences sont graves d’autant que ces sinistres ont touché pratiquement toutes les wilayas du pays ?
    M. El-Hebiri : Les forêts brûlent ! La forêt sacrée, qui est une couverture verte, part en fumée et tend à disparaître doucement. C’est vraiment triste ! Les gens voient ça et ne réagissent pas. Il y a comme une indifférence face à ce drame. Ces forêts, nous devons les préserver. Elles appartiennent à tout le monde. Car elles ont beaucoup subi depuis cinquante ans, ravagées et brûlées, mais elles n’ont pas été reboisées, et ce, avec tous les efforts des forestiers que je ne blâme pas. Ces derniers doivent être renforcés, car c’est leur patrimoine en premier lieu. Nous, nous venons en seconde position et en cas de sinistre.

    Vous estimez à combien le nombre d’hectares partis en fumée jusqu’à ce jour ?
    Nous sommes à plus de 30 000 hectares et plus de 7 000 maquis dévastés. Mais il faut parler des graves conséquences et l’impact de ces sinistres sur la couverture verte du pays. Aujourd’hui, chaque wilaya doit prendre en charge cet aspect avec un plan Orsec. Chaque wilaya et chaque localité doivent ouvrir des pistes et entretenir celles qui existent déjà pour pouvoir accéder et circonscrire les feux à temps. Il faut que les gens soient un peu sensibles à ce qui se passe actuellement. Nous avons vu des forêts qui ont vécu 100 ans et des arbres centenaires, comme le cèdre et l’olivier, partir en fumée en quelques minutes ! C’est catastrophique. D’autres richesses de la nature sont en train de brûler encore. Mais quand on voit le cèdre, dont la renommée est mondiale, s’effriter et être dévoré par les feux, nous arrivons à la conclusion que l’homme ne s’y intéresse pas.

    Tout de même, la Protection civile a réussi à circonscrire des milliers de foyers d’incendie. Avez-vous suffisamment de moyens pour pouvoir résister à ce déluge qui s’abat sur nos forêts ?
    Heureusement que nous avons des hommes bien formés et qui ont atteint un niveau de professionnalisme conséquent. Nous avons des élites formées en Algérie comme en France et qui font face, au quotidien, à tous genres de sinistres. Ces hommes sont à la hauteur de leur mission et sont sincèrement engagés. Je pense en toute objectivité qu’ils sont arrivés à minimiser les dégâts. Côté matériel, nous avons également tout ce qu’il faut pour intervenir et pour maîtriser des situations parfois inextricables. Sur ce plan, nous avons très bien avancé et nous pouvons maîtriser n’importe quelle forêt. Cette année, nous avons engagé près de 15 000 hommes pour lutter contre les feux de forêt. Il faut rendre hommage aux forestiers qui sont toujours avec nous. Il est temps d’aider les forestiers à mieux se former, ça fait de la peine. Car ce sont tous des spécialistes qui ont fait de études sur les forêts. Il suffit de mieux les organiser. Il n’y a pas que les sapeurs-pompiers sur le terrain. Cela dit, cette année ne ressemble guère aux précédentes en termes d’incendies et de dégâts. D’ailleurs, il y a eu tellement de feux de forêt que nos forces ont été éparpillées à travers les divers foyers. Ce qui fait qu’on a minimisé les dégâts. Mais il faut savoir que cette forêt n’a pas brûlé toute seule !

    C’est-à-dire ? L’homme est le premier facteur responsable.

    Il est vrai qu’il y a des verres loupes qui déclenchent parfois des feux. Cela arrive, mais rarement. Cette année, on a vu des départs de feux en nocturne. Le facteur du soleil est tout de suite écarté. Donc, l’homme est directement impliqué. Si vous voulez, c’est criminel ! Et ce sont les départs de feux de nuit qui inquiètent le plus. C’est rare qu’une forêt brûle toute seule. Il y a beaucoup de négligences. Il y a les charbonniers qui brûlent tout un champ pour vendre ensuite 25 kilos de charbon à 1 000 DA. Les agriculteurs aussi qui brûlent les herbes sauvages et qui sont ensuite surpris par la vitesse du vent avant d’abandonner le champ qui brûle. Il y aussi les propriétaires des terres qui ne nettoient pas leurs arbres et les herbes sèches. Certains brûlent des terres pour les besoins de leurs ruches. Il y a tellement de facteurs de négligence : l’homme reste le premier responsable.

    Est-ce que vous avez enregistré des pertes humaines lors de vos interventions ?

    Des pertes humaines oui, des blessés aussi. Nous avons perdu à Souk-Ahras deux jeunes sapeurs-pompiers pris dans un piège avec un forestier. Ils ont été brûlés avec le camion suite à un retour de feu. Sinon, on a enregistré des blessés, mais sans gravité. Nous avons aussi constaté d’autres blessés très légers à l’imprimerie de la Banque centrale d’Algérie, mais ça c’est un autre problème.

    La Protection civile a opté pour les hélicoptères bombardiers d’eau au lieu des avions canadairs. Pouvez-vous nous donner plus de précisions ?
    L’acquisition de canadairs relève d’une impossibilité, car il ne faudra pas un seul avion. Il nous faudra au moins 7 avions de ce genre. Ils sont utilisés dans les grands pays et ils ont montré leurs limites. Ils ne sont pas aussi efficaces qu’on le pense. D’abord, il faudra s’approvisionner en mer, ensuite il faut les utiliser pendant la journée. Mieux, ils ne s’adaptent pas à tous les reliefs, surtout les bas reliefs. Si nous avons un feu à Sétif ou à Tiaret, il faudra au moins 90 minutes pour intervenir, le temps de ramener l’eau. Or, notre mission se base sur l’action instantanée. Aussi, il nous faudra des aérogares, des pilotes chevronnés ayant dépassé les 4 000 heures de vol, l’entretien des appareils et leurs coûts de revient. Raison pour laquelle nous avons opté pour 6 hélicoptères qui seront de service en 2013, le temps de préparer les pilotes. Mais ces appareils sont faits pour maîtriser certains départs de feu d’environ 40 mètres carrés, mais pas plus. Un hélicoptère coûte environ 11 millions d’euros. Alors qu’un canadair coûte au moins 50 à 60 millions d’euros et qu’on utilisera quatre ou cinq fois par année. Maintenant, si on veut avoir un canadair pour une journée ou un peu plus, c’est possible. Il suffit de faire appel aux Français avec qui nous avons signé une convention. Mais sans aller vers l’achat. Il y a aussi les Italiens et les Espagnols. Même en Europe, ils ont de sérieux problèmes avec les canadairs. Chez nous, on peut maîtriser n’importe quel feu de forêt, car ce sont des îlots éparpillés et non des grandes forêts. Nous avons les hommes et les équipements. Ce qu’il nous faut, au risque de me répéter, ce sont les pistes. Parfois, nos agents pleurent car ils n’arrivent pas au départ du feu à cause de ces pistes inexistantes. Les wilayas doivent faire encore un effort. Sinon, nous avons les hommes, les moyens terrestres et aériens adaptés à toute situation, en plus des conventions que j’ai évoquées.

    Justement, où en êtes-vous en matière de coopération internationale ?
    On a signé plusieurs conventions internationales. En 2006, on a signé avec la France une convention qui nous a permis de former 5 000 cadres. Ces derniers jouissent de grandes compétences et d’un haut niveau opérationnel. Ces officiers aguerris sont ensuite invités à faire des conférences en Europe, comme en Algérie. Surtout à cause de l’expérience acquise en Algérie suite aux catastrophes qu’on a subies. Là, nous sommes au stade des échanges ordinaires. Nous n’avons rien à envier aux Européens. Pas du tout alors.

    Qu’en est-il de votre dernière visite à Aix-en-Provence ?
    Je suis constamment invité à chaque fois. J’ai même donné des conférences et j’ai effectué des visites pour voir de visu les formations et le matériel pédagogique.

    Vous avez supervisé vous-même le dernier incendie de l’imprimerie de la Banque centrale d’Algérie. Pouvons-nous en savoir un peu plus sur la nature de votre intervention et comment les soldats du feu sont arrivés à bout du sinistre  ?
    Il faut savoir que nous intervenons, chaque jour, dans 40 à 50 incendies en milieu urbain. La majorité sont des incendies d’appartements. Concernant l’incendie de l’imprimerie de la Banque centrale, nous étions sur les lieux 10 minutes après l’alerte. J’ai supervisé moi-même l’opération de sauvetage et d’extinction de l’incendie. Le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur étaient constamment en contact avec moi au téléphone jusqu’au dernier jour, car il s’agit d’un site stratégique. Nous avons concentré tous nos efforts vers l’imprimerie car si elle est touchée, l’Algérie pourrait sombrer dans la crise de billets pendant 4 ou 5 ans ! Nos hommes étaient engagés, mais j’ai été aussi marqué par les fonctionnaires de cette imprimerie engagés, eux aussi, à nos côtés jusqu’à la fin du sinistre pour sauver ce site névralgique et les machines. Effectivement, nous avons enregistré des blessés parmi les agents de la Protection civile, mais c’était sans gravité. D’ailleurs, nous les avons traités sur place.

    Vous supervisez cette année également l’opération du hadj…
    Oui, cela fait cinq ans déjà que nous supervisons cette opération très réussie. Cette année, nous avons mobilisé 180 agents très compétents et qui accompagnent quelque 25 ou 30 000 hadjis en Terre sainte pour les assister et les aider en toute circonstance, voire les secourir en cas de nécessité. Nous avons acquis un professionnalisme extraordinaire. Notre mission est bien claire.

    Un dernier mot sur les agents engagés sur les sites balnéaires ?
    Nous avons 14 wilayas avec un effectif assez nombreux pour couvrir toutes les plages du pays. Nous avons réussi à sauver des milliers de jeunes, mais malheureusement il y a eu des décès dans des plages interdites à la baignade, les retenues collinaires et les bassins où la vase ne pardonne pas, mais surtout où nos agents sont absents. Mais notre travail est énorme. Nous sommes présents à longueur d’année et partout au service du citoyen. Mais sachez que nous faisons notre maximum pour aider les gens. C’est notre mission.


    Par liberté
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