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Maroc - LES SOUS-TRAITANTS MAROCAINS SE VOIENT GRANDS

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  • Maroc - LES SOUS-TRAITANTS MAROCAINS SE VOIENT GRANDS

    Les sous-traitants du royaume shérifien cherchent un nouveau souffle pour se développer. Reconnus par les industriels européens, ils misent sur la montée en gamme. Lorsqu'il regarde au loin les camions défiler à toute allure depuis la fenêtre de son bureau, Stéphane Giles a du mal à se souvenir du Maroc de ses débuts. Dix ans déjà que le directeur de Segaplast Maroc a traversé la Méditerranée pour y monter une unité de production de pièces de précision destinées principalement aux secteurs automobile, électronique et aéronautique. « Il n'y avait pas autant de voitures et encore moins d'autoroutes », observe Stéphane Giles, toujours impressionné par le développement accéléré du pays ces dernières années. Dans son atelier qui s'ouvre sur l'océan, 16 presses pour l'injection des thermoplastiques sont installées. En l'espace d'une décennie, le parc de machines de Segaplast Maroc a été entièrement renouvelé pour être aujourd'hui doté d'équipements allemands et autrichiens de dernier cri. Respectant les normes ISO 9001 et EN 9100, le site livre tous les jours des sous-traitants de premier rang comme Sumitomo ou Leoni installés à proximité. À l'origine, pourtant, Segaplast entendait suivre au Maroc l'un de ses principaux clients, le fabriquant de cartes et de composants électroniques Crouzet. « Aujourd'hui, plus que le coût, c'est notre positionnement extrêmement technique qui nous différencie sur le marché », assure Stéphane Giles.

    Segaplast est un peu le symbole d'une génération montante de sous-traitants marocains. Longtemps cantonnés dans la fabrication à façon, ils tentent de sortir de ce rôle étroit pour s'imposer face à leurs concurrents européens ou asiatiques. Le royaume chérifien déploie ainsi une palette de compétences proches de leurs homologues français : de la transformation des métaux aux fixations en passant par l'électronique, les emballages ou la transformation des plastiques et des caoutchoucs. Selon les pointages du ministère de l'Économie, plus de 5 000 entreprises travaillent dans ce secteur, qui reste cependant un Petit Poucet face aux Européens. En 2009, ses facturations se sont élevées à 4,8 milliards d'euros d'après les estimations réalisées par le cabinet de conseil DC (E+C) à partir des statistiques du ministère marocain de l'Industrie. Une paille comparée aux 68 milliards d'euros générés par la sous-traitance industrielle française ou aux 118 milliards de la sous-traitance allemande. « Le Maroc récupère les miettes de la sous-traitance industrielle européenne », assure sans détour un observateur du marché.

    Des racines françaises
    La réalité est sans doute moins caricaturale. Le pays dispose d'atouts indiscutables. À commencer par la proximité géographique et linguistique avec la France, et la compétitivité de la main-d'oeuvre locale. Comme le rappelle Hamid Benbrahim El-Andaloussi, le président du Groupement des industriels marocains aéronautique et spatial (Gimas), « dans le secteur de l'aéronautique, 85 % des opérateurs sont des entreprises françaises qui, poussées par leurs clients en quête de compétitivité, ont créé au début des années 2000, des filiales marocaines. Celles-ci travaillent soit pour la maison mère, soit pour ses clients finaux. » C'est le cas par exemple du groupe Piston français qui possède à Casablanca une filiale : la SERMP.
    Dans l'automobile, le développement des infrastructures (création de Tanger free zone, port de Tanger-Med, construction d'autoroutes) a contribué à accélérer la croissance du secteur. « Depuis 2005, on enregistre une progression à deux chiffres de l'exportation des pièces automobiles dans plus de soixante pays. La mise en service de l'usine Renault en janvier 2012 dans le nord du pays, avec un objectif de production de 170 000 véhicules dès l'an prochain, a accéléré l'installation des industriels », s'enthousiasme Larbi Belarbi, le président de l'Association marocaine pour l'industrie et le commerce de l'automobile (Amica).

    Une filière en plein boom
    Dans d'autres secteurs, la capacité à s'imposer comme un interlocuteur unique auprès des donneurs d'ordres peut faire la différence. Mostafa El Houari, le directeur commercial et export de Mafoder, en est persuadé. L'entreprise fabrique des pièces en fonte et en acier : « En Europe, la fonderie est un métier en voie de disparition ou alors les entreprises sont spécialisées dans un acte en particulier. Ce qui fait justement notre valeur ajoutée est notre capacité à travailler sur de petites séries, à proposer plusieurs nuances d'acier et de fonte et surtout à être présent sur l'ensemble de la chaîne de production, du modelage jusqu'à l'assemblage, en passant par le prototypage rapide. »
    La filière sous-traitance est donc en plein boom. Mais elle entend bien ne pas se contenter de cette manne « facile ». Des contacts ont été établis pour démarcher les industriels italiens et espagnols. Et, dans l'aéronautique, on pense déjà à la montée en gamme. « Le Maroc figure désormais sur la carte mondiale de l'aéronautique, assure le président du Gimas. Après avoir réussi au cours de ces dix dernières années à développer des centres d'excellence de grande qualité, nous préparons le second étage de la fusée. » Le pays souhaite en effet étendre son offre à des activités connexes comme le spatial, la défense, l'électronique embarquée ou encore les matériaux composites. Autant de chasses gardées européennes... « La recherche du prix bas ne doit plus être le seul argument des donneurs d'ordres », prévient Mohamed El Hark, le président de la Bourse nationale de la sous-traitance et des partenariats.

    Montée en gamme des prestations
    Les industriels marocains sont d'autant plus confiants dans cette transformation qu'ils ont, sous leurs yeux, un exemple à suivre : celui du textile. Dans ce secteur qui affiche un chiffre d'affaires de 7 milliards d'euros en 2010, la sous-traitance représente presque 70 % de l'activité. Développée dans les années 1970, cette filière s'est pendant des années cantonnée à des tâches de pure exécution. « Sous l'effet du démantèlement des quotas de l'accord multifibres, les choses sont en train d'évoluer, explique Mohamed Tazi, le président de l'association marocaine des industries du textile et de l'habillement (Amith). Les opérateurs marocains prennent en charge de plus en plus de services comme les opérations de dédouanement et l'achat de matières premières. » Les sous-traitants se sont spécialisés dans le « fast fashion », c'est-à-dire dans cette capacité à réagir aux rapides changements d'assortiments. « Ce que les sous-traitants chinois, à cause de leur éloignement et leur organisation en grande série, ne sont pas en mesure de faire, s'enthousiasme Mohamed Tazi. Il est d'ailleurs intéressant de noter que la forte hausse du coût de la main-d'oeuvre en Chine a fait revenir un certain nombre d'enseignes vers le Maroc. » Depuis le début de l'année, l'enseigne Camaïeu aurait ainsi augmenté de 30 % ses capacités de production au Maroc. Plus globalement, la profession mène une réflexion sur le repositionnement de la filière à l'horizon des dix prochaines années. « Le modèle du fast fashion a été conçu comme une réaction au démantèlement de l'accord multifibres. Il trouve à présent ses limites, en raison notamment de la carence en matières premières du pays », explique Mohamed Tazi. La priorité est désormais la montée en gamme des prestations en misant sur la création d'écoles de design, l'amélioration des structures logistiques mais aussi la mise à disposition de moyens en R et D. On l'a compris, les sous-traitants marocains veulent être aussi forts que les Européens...

    LA SOUS-TRAITANCE AU MAROC
    Chiffre d'affaires 4,8 milliards d'euros Effectif 291 426 personnes 5 826 entreprises Sources : ministère du Commerce, de l'Industrie et des Nouvelles Technologies

    L'industriel français devenu marocain
    Avant de débarquer au Maroc au début des années 2000, Gervais Gregoris a fait un tour en Europe de l'Est et a failli s'installer en Albanie. Finalement, c'est à Bouznika, à mi-chemin entre Rabat et Casablanca, que ce Palois a décidé d'établir son entreprise. Tecnum, 2,4 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2011, fabrique des pièces de précision pour l'aéronautique. « Cela faisait un moment que mes clients me poussaient à continuer mon activité dans un pays à bas coût. J'ai donc vendu mon entreprise à Pau pour recommencer ici. Lorsque je suis arrivé, nous n'étions vraiment pas nombreux », se souvient-il. En s'installant au Maroc, ses coûts de production ont chuté de 30 à 40 %. Selon le PDG, ce n'est pas le seul argument qui intéresse ses clients : « Ils savent que nous avons une véritable culture de l'aéronautique. »

    Hamid Benbrahim El-Andaloussi, président du Groupement des industriels marocains aéronautique et spatial«
    La sous-traitance renvoie à une image où les pays du Nord réfléchissent et ceux du Sud exécutent. Au Maroc, cette représentation est devenue caduque dans l'aéronautique. »

    L'Afrique et l'Europe, deux marchés porteurs
    Installé dans la banlieue de Casablanca, à Lissasfa, Mafoder commercialise des pièces en fonte et en acier. Les donneurs d'ordres français et européens contribuent en moyenne à 7 % du chiffre d'affaires de Mafoder. « L'Europe est un marché qui nous intéresse dans la mesure où, sur le plan technique, il nous tire toujours un peu plus vers le haut. C'est là aussi un signe fort de notre compétitivité », analyse Mostafa El Houari, le directeur commercial de Mafoder. Pour autant, l'entreprise qui, cette année, devrait afficher un chiffre d'affaires de 14 millions d'euros, ne saurait négliger le marché national, l'Afrique et le Moyen-Orient : « Les besoins sont immenses et nous permettent de nous développer sur des marchés diversifiés comme le ferroviaire, l'industrie du phosphate, les sucreries, les mines, les carrières. Surtout, nous n'avons pas à souffrir de certains préjugés », explique Mostafa El Houari. Selon le directeur commercial de Mafoder, il est bien difficile pour certains donneurs d'ordres européens de réprimer une frilosité à travailler avec des entreprises africaines et qui plus est arabes. C'est dommage. D'où l'intérêt de multiplier les rencontres entre les associations professionnelles afin de mieux se connaître. Pour sa part, Mafoder assure chaque année sa présence sur au moins cinq ou six salons professionnels.

    MARIE CADOUX | L'Usine Nouvelle
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