En Algérie, les pénuries d’eau touchent tout le territoire. Les habitants sont contraints de s’approvisionner avec des bidons aux sources ou aux camions citernes. Pourtant, la ville d’Alger est une référence mondiale en terme d’alimentation en eau.
«Depuis que ce n’est plus la commune qui gère directement l’alimentation en eau, nous sommes approvisionnés en moyenne une fois tous les 10-15 jours. Mais maintenant, regardez comment ça se passe. Depuis le début du Ramadhan, plus une goutte ne coule de nos robinets, alors que nous disposons de sources dans la région», indique ce groupe de villageois rencontrés sur la placette centrale. Malgré la fraîcheur d’altitude et l’omniprésence de forêts de chênes-lièges, Seraïdi, distante de 15 km de Annaba, sur les hauteurs de l’Edough, a très soif en cet été 2012, comme beaucoup de communes à travers le territoire national.
Le village lui-même dispose de deux sources où les habitants viennent s’approvisionner «en attendant des jours meilleurs», nous explique aâmmi Amar, 70 ans. Mais il reste très en colère quant à la situation qui perdure : «Quand on voit que l’Algérie dispose de ressources inestimables pouvant lui permettre de vivre presque dans l’excès et que l’eau ne coule plus à la maison, je me demande à quoi a servi le sacrifice de nos glorieux chouahada. L’eau nous parvient, directement de Annaba, et, question potabilité, le doute est réellement permis. Cette eau-là nous sert surtout pour les tâches ménagères.
Chaque matin, je me déplace à la source avec mes bidons. oualefna». Aâmmi Amar ne cache pas son dégoût pour les autorités et semble comprendre les exactions qui peuvent être déclenchées, telles que routes fermées, pneus brûlés, voire émeutes. «Ce pays ne nous appartient déjà plus, à moi et à ceux de ma génération. Il appartient à ces jeunes qui sont nés après l’indépendance et qui ont plein de qualités eux aussi, mais, Allah ghaleb, ceux qui sont à Alger ignorent ou feignent d’ignorer cette valeur.»
Kraht hayati
Certains, comme Nasser, cafetier d’une quarantaine d’années, se veulent malgré tout optimistes. «Le jour où nous aurons de l’eau 24 heures sur 24, nous mangerons une aâcida géante et c’est moi-même qui la préparerai.» Il explique comment se sont organisés les habitants pendant le Ramadhan : «Avec le mois sacré, beaucoup ont acheté des réservoirs, certains s’en sont même fabriqué de fortune avec des bâches. D’autres, qui ont plus de moyens, ont pu creuser des puits et ainsi dépanner les voisins. N’oublions pas que c’est le mois de l’entraide.» A l’intérieur d’une supérette, une femme d’une quarantaine d’années, lunettes de soleil, hidjab noir et longue robe noire s’emporte contre l’épicier.
L’eau minérale en bouteille n’est toujours pas disponible. «Ça fait 5 jours que j’attends, s’énerve-t-elle. Kraht hayati ! Un jour sur deux, je suis obligée de descendre à Annaba pour acheter des bouteilles. Pourquoi ne nous livrent-ils pas l’eau minérale ? Ils veulent nous laisser mourir de soif ? Nous avons des familles, des enfants. Je suis une femme, en plus. Imaginez une femme enceinte. Moi, je veux que Sellal démissionne, ou bien s’il est un homme qu’il vienne ici, il saura à qui parler. D’ailleurs c’est tout le gouvernement qui doit changer !»
La discussion prend une tournure clairement politique lorsque l’épicier évoque une éventualité d’émeutes. «Nous avons eu les émeutes de l’huile, du sucre, du lait, de la semoule, alors pourquoi pas des émeutes de l’eau ? De toute façon, pour un pays où chacun devrait disposer de ce liquide, ce sont toutes les institutions qu’il faut changer. Regardez nos jeunes, Sidi Salem (village côtier connu comme principal lieu de départ des harraga, ndlr) n’est pas loin d’ici.»
Menteurs
Il évoque l’absence d’une douche municipale pour les habitants et les gens de passage. A cette période de l’année, les sources sont à faible débit quand elles ne sont pas à sec. Il est parfois devenu difficile de remplir une simple bouteille de 1,5 litre. «Seraïdi est devenu un village de aâtchanine.» Aujourd’hui le problème c’est l’attente. Après les promesses des autorités, cette attente semble interminable. «Des promesses, nous en avons eues..., renchérit El Hadja Naïma, vêtue d’une mlaya (voile traditionnel noir, ndlr), septuagénaire domiciliée à Annaba, de passage chez sa fille. Jusqu’en 2006, nous étions approvisionnés correctement en eau. Depuis que c’est la Seata qui a pris le relais de la commune, rien ne va plus.
Maintenant on nous promet que l’eau courante va monter de Annaba. On nous promet même le gaz de ville. Ce sont des kedhabbine, rien de plus, je ne les crois plus.» Retour au café de la placette, où Nasser nous interpelle, affirmant que l’eau vient d’arriver chez lui : «Ma femme vient de m’appeler. L’eau coule. Ça fait 15 jours que nous sommes à sec. Elle m’a demandé d’acheter un poulet pour le préparer. Ceci dit, je sais que cette embellie ne va pas durer. D’ici ce soir, il n’y aura plus d’eau. L’eau coule tout doucement des sources.» Les deux sources du village sont chaque jour occupées par des habitants munis de jerricans, de bouteilles d’eau. Aïcha, 17 ans, lycéenne, assure chercher de l’eau à la source tous les jours. «Matin et soir, c’est le même rituel, la même corvée.
Je sors de la maison pour aller chercher de l’eau, et je ne suis pas la seule.» A côté de Aïcha, un jeune homme est là, à la fontaine à longueur de journée. Il semble faire partie des lieux. Abdelhamid, un père de famille, 45 ans, nous affirme qu’il s’agit d’un malade mental très connu au village. «C’est un peu le gardien des deux sources de Seraïdi. Les gens des villages voisins de Aïn Barbar et Bouzizi viennent jusqu’ici pour s’alimenter. C’est terrible. Comment, en 2012, pouvons-nous vivre une situation aussi intolérable que celle-ci ?»
«Depuis que ce n’est plus la commune qui gère directement l’alimentation en eau, nous sommes approvisionnés en moyenne une fois tous les 10-15 jours. Mais maintenant, regardez comment ça se passe. Depuis le début du Ramadhan, plus une goutte ne coule de nos robinets, alors que nous disposons de sources dans la région», indique ce groupe de villageois rencontrés sur la placette centrale. Malgré la fraîcheur d’altitude et l’omniprésence de forêts de chênes-lièges, Seraïdi, distante de 15 km de Annaba, sur les hauteurs de l’Edough, a très soif en cet été 2012, comme beaucoup de communes à travers le territoire national.
Le village lui-même dispose de deux sources où les habitants viennent s’approvisionner «en attendant des jours meilleurs», nous explique aâmmi Amar, 70 ans. Mais il reste très en colère quant à la situation qui perdure : «Quand on voit que l’Algérie dispose de ressources inestimables pouvant lui permettre de vivre presque dans l’excès et que l’eau ne coule plus à la maison, je me demande à quoi a servi le sacrifice de nos glorieux chouahada. L’eau nous parvient, directement de Annaba, et, question potabilité, le doute est réellement permis. Cette eau-là nous sert surtout pour les tâches ménagères.
Chaque matin, je me déplace à la source avec mes bidons. oualefna». Aâmmi Amar ne cache pas son dégoût pour les autorités et semble comprendre les exactions qui peuvent être déclenchées, telles que routes fermées, pneus brûlés, voire émeutes. «Ce pays ne nous appartient déjà plus, à moi et à ceux de ma génération. Il appartient à ces jeunes qui sont nés après l’indépendance et qui ont plein de qualités eux aussi, mais, Allah ghaleb, ceux qui sont à Alger ignorent ou feignent d’ignorer cette valeur.»
Kraht hayati
Certains, comme Nasser, cafetier d’une quarantaine d’années, se veulent malgré tout optimistes. «Le jour où nous aurons de l’eau 24 heures sur 24, nous mangerons une aâcida géante et c’est moi-même qui la préparerai.» Il explique comment se sont organisés les habitants pendant le Ramadhan : «Avec le mois sacré, beaucoup ont acheté des réservoirs, certains s’en sont même fabriqué de fortune avec des bâches. D’autres, qui ont plus de moyens, ont pu creuser des puits et ainsi dépanner les voisins. N’oublions pas que c’est le mois de l’entraide.» A l’intérieur d’une supérette, une femme d’une quarantaine d’années, lunettes de soleil, hidjab noir et longue robe noire s’emporte contre l’épicier.
L’eau minérale en bouteille n’est toujours pas disponible. «Ça fait 5 jours que j’attends, s’énerve-t-elle. Kraht hayati ! Un jour sur deux, je suis obligée de descendre à Annaba pour acheter des bouteilles. Pourquoi ne nous livrent-ils pas l’eau minérale ? Ils veulent nous laisser mourir de soif ? Nous avons des familles, des enfants. Je suis une femme, en plus. Imaginez une femme enceinte. Moi, je veux que Sellal démissionne, ou bien s’il est un homme qu’il vienne ici, il saura à qui parler. D’ailleurs c’est tout le gouvernement qui doit changer !»
La discussion prend une tournure clairement politique lorsque l’épicier évoque une éventualité d’émeutes. «Nous avons eu les émeutes de l’huile, du sucre, du lait, de la semoule, alors pourquoi pas des émeutes de l’eau ? De toute façon, pour un pays où chacun devrait disposer de ce liquide, ce sont toutes les institutions qu’il faut changer. Regardez nos jeunes, Sidi Salem (village côtier connu comme principal lieu de départ des harraga, ndlr) n’est pas loin d’ici.»
Menteurs
Il évoque l’absence d’une douche municipale pour les habitants et les gens de passage. A cette période de l’année, les sources sont à faible débit quand elles ne sont pas à sec. Il est parfois devenu difficile de remplir une simple bouteille de 1,5 litre. «Seraïdi est devenu un village de aâtchanine.» Aujourd’hui le problème c’est l’attente. Après les promesses des autorités, cette attente semble interminable. «Des promesses, nous en avons eues..., renchérit El Hadja Naïma, vêtue d’une mlaya (voile traditionnel noir, ndlr), septuagénaire domiciliée à Annaba, de passage chez sa fille. Jusqu’en 2006, nous étions approvisionnés correctement en eau. Depuis que c’est la Seata qui a pris le relais de la commune, rien ne va plus.
Maintenant on nous promet que l’eau courante va monter de Annaba. On nous promet même le gaz de ville. Ce sont des kedhabbine, rien de plus, je ne les crois plus.» Retour au café de la placette, où Nasser nous interpelle, affirmant que l’eau vient d’arriver chez lui : «Ma femme vient de m’appeler. L’eau coule. Ça fait 15 jours que nous sommes à sec. Elle m’a demandé d’acheter un poulet pour le préparer. Ceci dit, je sais que cette embellie ne va pas durer. D’ici ce soir, il n’y aura plus d’eau. L’eau coule tout doucement des sources.» Les deux sources du village sont chaque jour occupées par des habitants munis de jerricans, de bouteilles d’eau. Aïcha, 17 ans, lycéenne, assure chercher de l’eau à la source tous les jours. «Matin et soir, c’est le même rituel, la même corvée.
Je sors de la maison pour aller chercher de l’eau, et je ne suis pas la seule.» A côté de Aïcha, un jeune homme est là, à la fontaine à longueur de journée. Il semble faire partie des lieux. Abdelhamid, un père de famille, 45 ans, nous affirme qu’il s’agit d’un malade mental très connu au village. «C’est un peu le gardien des deux sources de Seraïdi. Les gens des villages voisins de Aïn Barbar et Bouzizi viennent jusqu’ici pour s’alimenter. C’est terrible. Comment, en 2012, pouvons-nous vivre une situation aussi intolérable que celle-ci ?»
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