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Marie-Claude Radziewsky: De Gaulle m’a traitée de traître

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  • Marie-Claude Radziewsky: De Gaulle m’a traitée de traître

    Marie-Claude Radziewsky, cinquante ans après l’indépendance“Je ne regrette pas ce que j’ai fait”L’oratrice a axé son intervention sur le rôle important qu’ont joué les avocats acquis à la cause algérienne lors de la lutte pour l’Indépendance.

    À l’occasion du cinquantenaire de l’Indépendance, le Forum “En toute liberté” a été, jeudi dernier, le théâtre d’une rencontre inédite. Une rencontre à la fois nostalgique et passionnante. Et pour cause, elle a rassemblé, autour d’une même table, un nombre important d’avocats du collectif du glorieux FLN, mais aussi des détenus qu’ils ont eu à défendre entre 1954 et 1962.
    Cinquante après, l’insigne-honneur de défendre cette frange de détenus-colonisés qui animait, à l’époque coloniale, les nombreux avocats, algériens et français, acquis à la cause algérienne, est resté presque intact. “Je ne regrette pas ce que j’ai fait pour cette noble cause, au contraire j’en suis très fière”, a déclaré, émue, Maître Marie-Claude Radziewsky, rappelant sa première assistance à un procès d’un militant FLN, en l’occurrence Mustapha Amor, qui allait carrément changer le cours de (sa) vie. Ayant, raconte-t-elle, prêté serment exactement en 1956, à l’âge de 22 ans, après un stage chez un avocat parisien renommé, Me Radziewsky est commise d’office pour la défense d’inculpés devant le tribunal correctionnel. En 1957, le procès de Mustapha Amor se déroule en sa présence, alors qu’elle y attend de défendre un de ses clients. “En écoutant son plaidoyer, j’ai appris les actes inhumains que la police de mon pays, encouragée par le gouvernement, commettait contre les Algériens pendant cette ère de colonisation. Mustapha Amor, que je n’ai pas connu, étudiant à la faculté de droit, poursuivi pour son adhésion au FLN, avait en effet, exposé brillamment le sort des Algériens. Le détenu a fait part notamment des sévices et de la torture dont il avait fait l’objet dans les locaux de la police à Paris. Et ça m’a vraiment bouleversée. C’est à partir de là que j’ai décidé de rejoindre le collectif des avocats du FLN. Je me suis vraiment sentie dans l’obligation de réagir et tenter de contribuer à mettre fin à ces dépassements. J’ai été réveillée quoi”, se souvient-elle. La mission de l’avocate devient alors plus large que la “simple” défense de détenus. Elle s’est engagée aussi à “dénoncer et alerter contre les sévices que la police de mon pays pratiquait sur des Algériens”.

    Poursuivant son témoignage à la mémoire de tous ses confrères acquis à la cause algérienne durant cette ère charnière de la guerre de Libération, Mme Marie-Claude Radziewsky souligne, avec une forte dose de nostalgie et d’émotion, que “ce fut plutôt un rapport de militant à militant que celui d’un avocat à un détenu”. Une réalité que l’assistance du forum, composée essentiellement d’avocats et de leurs anciens clients, ne manque pas d’approuver en applaudissant ce passage fort révélateur de l’intervention de Maître Radziewsky. Pour apporter de l’eau au moulin de l’avocate, certains de ses anciens clients ont, pour leur part, témoigné sur la façon dont “des détenus recevaient de l’argent, des vivres, et même des armes par le biais de leurs avocats”. “Le collectif des avocats du FLN avait joué un rôle balèze. En plus de leur mission de nous défendre lors des procès, ils ont joué le rôle de passeurs d’armes dans les prisons ; ils complotaient avec nous des opérations d’évasion (…)”, précise à ce titre, Mustapha Boudina, président de la Fédération nationale des anciens condamnés à mort.

    “De Gaulle m’a traitée de traître, et a refusé de me serrer la main”

    L’autre passage phare de l’oratrice qui a attiré l’attention de toute la salle concerne son témoignage sur l’affaire des jeunes déserteurs des camps de détention de Paris, condamnés à mort en 1961. Cette année-là, le climat est différent, l’indépendance de l’Algérie étant devenue imminente. Mais cela, se souvient encore l’avocate, n’a pas gêné la justice française pour prononcer son verdict et condamner à mort les accusés. Mme Marie-Claude Radziewsky n’a surtout pas oublié les larmes qu’elle avait versées, après ce jugement inadmissible. Une année plus tard, en 1962, l’Algérie devient enfin indépendante, et tous les condamnés libérés. L’avocate se rappelle que leur libération a été décidée, en l’absence de leur défense… Mieux, le président français, le général Charles de Gaulle traita les avocats des militants du FLN de “traîtres à la nation”. “Oui, après la guerre, et au moment de la libération des détenus, de Gaulle a refusé de me serrer la main, en me traitant de traître à la France”, a-t-elle confié pour conclure son témoignage sur cet épisode crucial de l’histoire de la guerre de Libération.


    Par Liberté
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