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Rachid Mokhtari raconte Slimane Azem

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  • Rachid Mokhtari raconte Slimane Azem

    Béjaïa 4ème journée du Festival local de la chanson et de la musique kabyles

    Contrairement aux interventions trouvant appui sur les biographies des artistes, celles de Rachid Mokhtari s’intéressent davantage aux textes qu’à leurs auteurs. Toujours est-il, l’analyse fait appel à une biographie que d’aucuns considéreraient comme surannée, mais le communicant a su faire la jonction entre le vécu de Slimane Azem et des données internes à son répertoire de chansons.

    Au départ, le désir de comprendre le regard de l’artiste face à sa posture de poète et de chanteur. Pour R. Mokhtari, « Slimane Azem est le seul artiste à avoir engagé une réflexion sur son propre répertoire ».

    Partant de la conception que donne Ibn Khaldoun à propos de l’art, Rachid Mokhtari tente de comprendre la vision fondant le travail artistique de Slimane Azem. Pour Ibn Khaldoun, l’art musical est l’expression du raffinement, il est le premier à disparaître quand une société est en déclin. La société à laquelle s’adressait Slimane Azem aurait-elle pu s’offrir le luxe d’un esthétisme ne tenant compte que de la forme, sinon mettant le contenu au second plan ? L’esthétique sans le contenu ne rime à rien dans certaines situations, affirme l’intervenant, d’où le refus de Slimane Azem de voir en la chanson la quête du beau. Il va refuser toute légèreté de l’art et s’interdira le statut d’artiste rêveur.

    Afin de cerner cette conception à partir du répertoire-même de l’artiste, Rachid Mokhtari choisit de suivre l’usage de certains termes tels qu’ils apparaissent dans le répertoire de l’auteur. Il s’agit des termes chna, leghna et asefru. Les deux premiers signifiant chant avec cette distinction que le deuxième est un emprunt à l’arabe.

    Le troisième (asefru) réfère à la poésie. L’usage qui est fait de ces termes témoignerait de nuances révélatrices de cette posture. Le terme « leghna » tendrait à se rapprocher du chant léger pour divertissement, à l’exemple du chant « se donnant en spectacle ». « Chna » serait, par contre, vecteur d’une idée dépassant même l’art pour l’art pour contraindre l’individu à réfléchir sur son existence tout en refusant que son public soit un simple réceptacle, inerte et figé.

    Cette vision utilitaire sur fond d’existentialisme rapprocherait ce terme de « asefru » qui prend positivement place au sein de la société kabyle dans l’idée que la fonction de l’«asefrou » est de trouver solution (frou). L’usage que Slimane Azem fait de ces termes, explique, à lui seul, cette nécessité de dénoncer une situation, de dire un mal-être auquel même l’art dans lequel l’auteur a excellé n’y peut rien finalement. Fatalité, l’engageant à ne point faire des chansons pour le simple plaisir, tout en étant conscient que ce n’est pas la chanson qui ramènerait « la recette miracle ». D’où l’interpellation du public qui doit réagir, qui doit ne pas rester ni immobile ni passif.

    Et l’invocation de Si Moh Oumhand s’explique plus par un désir de prospection que par un fatalisme. Chna doit permettre de nous interroger sur notre existence, de faire un retour sur soi, d’approfondir son regard, et Slimane Azem réfère aux poèmes de Si Mohand souvent comme pour donner la sentence finale concluant ses chansons. Le premier à avoir extrait les poèmes de Si Mohand à l’instantanéité de l’oralité, d’autant plus que la tradition faisait que le poète ne disait qu’une fois son « asefrou », Slimane Azem a pu inscrire celui-ci dans l’éternité en le déplaçant vers un autre type d’oralité, le disque vinyle.

    Cela a été, peut-être, à l’origine d’une certaine désacralisation de la poésie mohandienne, du moins sa mise à la portée du profane, mais l’examen de conscience qu’elle permet, entre autres, explique les multiples recours de Slimane Azem à ce grand chantre de la poésie kabyle. En somme, l’auteur n’a pas voulu faire dans « leghna », il en parle comme d’un temps impossible à cerner ; « asmi sefruyegh, ttghennigh (quand je poétisais et chantais) », un temps incertain, lointain dans les souvenirs, sinon un temps mythique ne trouvant place sur aucun axe d’une quelconque chronologie.

    Le terme « asmi » (quand), signale une cassure manifestant le désir de Slimane Azem de ne pas être vu comme un artiste égayant les foules par sa voix et ses mélodies pour des moments de plaisir éphémères. Globalement, trois postures graduelles apparaissent chez Slimane Azem ; un certain refus de chanter ce qui pouvait choquer, qui relève davantage de l’éthique, une non-acceptation du statut de l’artiste rêveur et, enfin, une certaine volonté de donner une autre acception à la vision passéiste de Si Mohand Oumhand.

    Nabila Guemghar la dépêche de kabylie
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