Mohamed Chafik livre dans nos colonnes son analyse du nouveau gouvernement Sellal. Les lecteurs habitués aux articles de notre collaborateur remarqueront que si le ton est moins sec vis-à-vis du nouveau Premier ministre, le ton général vis-à-vis du bilan du président Bouteflika reste invariable.
Le Soir d’Algérie : Le président Abdelaziz Bouteflika vient, enfin, de procéder à la désignation du nouveau gouvernement. Quelle lecture politique faites-vous de la désignation de M. Abdelmalek Sellal au poste de Premier ministre ?
Mohamed Chafik Mesbah : Le choix de M. Abdelmalek Sellal pour la fonction de Premier ministre n’est pas pour étonner. Il est établi que les relations entre le président Abdelaziz Bouteflika et son précédent Premier ministre M. Ahmed Ouyahia étaient exécrables. A tel point qu’il n’y avait aucun contact direct entre eux et les échanges passaient par le secrétaire particulier du chef de l’Etat. Cette situation intenable avait, gravement, perturbé le bon fonctionnement des activités gouvernementales. A travers M. Abdelmalek Sellal, le choix s’est porté sur une personnalité qui réunit trois paramètres essentiels aux yeux du chef de l’Etat. Premièrement, M. Sellal est proche, presque affectivement, du président Abdelaziz Bouteflika. Deuxièmement, M. Sellal est une personnalité consensuelle et conviviale qui adopte, sur le plan pratique, une démarche aux antipodes de celles de son prédécesseur. Troisièmement, M. Sellal, jusqu’à preuve du contraire, ne nourrit pas d’ambition présidentielle. Cela le met en position d’appliquer, sans murmures, la feuille de route dictée par le chef de l’Etat. Ce sont plus, au total, des critères subjectifs que politiques qui ont prévalu dans le choix de M. Sellal pour le poste de Premier ministre.
Quel commentaire vous inspire la composition du gouvernement proprement dite ?
Comme je l’ai toujours évoqué, le choix des membres du gouvernement et des élites politiques et administratives en Algérie se déroule sur le mode endogamique. Il n’y a jamais eu, à proprement parler, de renouvellement des élites politiques. Dans le cas d’espèce, notez bien que la moyenne d’âge parmi les membres du gouvernement reste élevée et que les ministères régaliens restent entre les mains de responsables aux affaires depuis plus de dix ans. Même les ministères techniques ont été très peu touchés et, pour l’essentiel, restent confiés, quasiment, aux mêmes responsables qui les géraient depuis l’arrivée aux affaires de M. Abdelaziz Bouteflika. C’est à peine si l’on peut noter le départ de certaines personnalités influentes, réputées proches du chef de l’Etat. Les ministres nommés, directement, par M. Sellal se comptent enfin sur le bout des doigts. Bien plus, ces ministres occupent des postes d’intérêt secondaire. Bref, la composition du nouveau gouvernement ne comporte aucune innovation réelle. Ce n’est ni un gouvernement de technocrates ni un gouvernement politique. Cette composition reflète, naturellement, la marge de manœuvre laissée à M. Sellal, le centre de décision stratégique se situe toujours à la présidence de la République.
La fin de mission signifiée à M. Ahmed Ouyahia constitue-t-elle, selon vous, une sanction ?
M. Ahmed Ouyahia, aussi docile qu’il a pu être, a commis des incartades. Il a voulu, notamment, faire assumer par la présidence de la République le bilan négatif de la gestion économique et sociale du pays. M. Ahmed Ouyahia, depuis longtemps, a les yeux rivés sur l’élection présidentielle. A ses risques et périls, le voici déchargé d’une fonction qui, au regard de la détérioration de ses rapports avec le président de la République, constituait pour lui un frein plus qu’un tremplin pour la réalisation de ses ambitions. Pour parvenir à ses fins, Il manque, cependant, à M. Ouyahia un projet national cohérent, un ancrage social plus pertinent et l’appui de forces politiques et d’appareils administratifs agissants. Au surplus, M. Ahmed Ouyahia qui a cristallisé contre lui la vindicte populaire risque de connaître bien des déconvenues à l’épreuve d’une campagne électorale vraiment libre. Comme je l’ai déjà souligné, il est, à présent, bien exposé car dans la ligne de mire du président de la République.
Et dans le cas de M. Abdelaziz Belkhadem ?
M. Abdelaziz Belkhadem nourrit également des ambitions présidentielles. Sauf qu’à la différence de M. Ouyahia, il ne compte pas sur l’appui des appareils mais sur celui du courant islamiste adossé au Front de libération nationale. Seulement, la crise qui frappe actuellement le FLN, loin d’être passagère, est une crise structurelle. Il est probable que le FLN en sorte affaibli si, entre-temps, il ne disparaît pas.
Vous pensez que les islamistes ont encore un avenir en Algérie ?
Contrairement aux analyses de courte vue, qui stipulent que les dernières élections législatives ont été le tombeau de l’islamisme en Algérie, je soutiens le contraire. Les islamistes, en général, n’ont pas voté le 10 mai 2012. Ils attendent le moment propice pour apparaître en force sur la scène politique. L’islamisme radical s’est nourri du désordre social et moral, il faut donc croire que les islamistes ont, en effet, un avenir devant eux.
Comment expliquez-vous que le FLN majoritaire à l’Assemblée populaire nationale n’ait pas bénéficié du poste de Premier ministre ?
En premier lieu, il faut se rendre à l’évidence, la victoire écrasante dont se prévaut le FLN est une victoire virtuelle. Examinez bien le taux d’abstention ainsi que les réserves exprimées par la mission d’observation de l’Union européenne ainsi que par l’ONG américaine NDI sans oublier, au passage, le jugement, sans appel, de la Commission nationale d’observation électorale composée de représentants de partis. Vous conclurez, de vous-même, que l’APN actuelle est démunie de légitimité. Selon toute vraisemblance, M. Abdelaziz Bouteflika utilise, pour sa finalité politique, des instruments qu’il méprise au fond de lui-même. Je ne crois pas que l’évolution actuelle du FLN réponde à l’aggiornamento attendu de lui. Il me paraît, hélas pour moi si attaché à ce parti, que c’est le chant du cygne…
Comment expliquez-vous le départ du gouvernement de personnalités réputées très proches du président de la République : Yazid Zerhouni, Abdelhamid Temmar ou même Abdelaziz Belkhadem ?
A l’évidence, M. Abdelaziz Bouteflika a lui aussi — et pour cause — les yeux rivés sur le scrutin présidentiel de 2014. M. Abdelaziz Bouteflika veut se représenter, éventuellement, en meilleure posture sans ses proximités encombrantes. Il se débarrasse de collaborateurs qui lui ont porté tort. Il les préserve, sans doute, de poursuites éventuelles. Mais, leur limogeage est un aveu implicite de leur échec dans la gestion des affaires publiques.
Que faut-il penser du choix de ministres représentant les nouveaux partis qui n’appartenaient pas à l’Alliance présidentielle ?
Le Soir d’Algérie : Le président Abdelaziz Bouteflika vient, enfin, de procéder à la désignation du nouveau gouvernement. Quelle lecture politique faites-vous de la désignation de M. Abdelmalek Sellal au poste de Premier ministre ?
Mohamed Chafik Mesbah : Le choix de M. Abdelmalek Sellal pour la fonction de Premier ministre n’est pas pour étonner. Il est établi que les relations entre le président Abdelaziz Bouteflika et son précédent Premier ministre M. Ahmed Ouyahia étaient exécrables. A tel point qu’il n’y avait aucun contact direct entre eux et les échanges passaient par le secrétaire particulier du chef de l’Etat. Cette situation intenable avait, gravement, perturbé le bon fonctionnement des activités gouvernementales. A travers M. Abdelmalek Sellal, le choix s’est porté sur une personnalité qui réunit trois paramètres essentiels aux yeux du chef de l’Etat. Premièrement, M. Sellal est proche, presque affectivement, du président Abdelaziz Bouteflika. Deuxièmement, M. Sellal est une personnalité consensuelle et conviviale qui adopte, sur le plan pratique, une démarche aux antipodes de celles de son prédécesseur. Troisièmement, M. Sellal, jusqu’à preuve du contraire, ne nourrit pas d’ambition présidentielle. Cela le met en position d’appliquer, sans murmures, la feuille de route dictée par le chef de l’Etat. Ce sont plus, au total, des critères subjectifs que politiques qui ont prévalu dans le choix de M. Sellal pour le poste de Premier ministre.
Quel commentaire vous inspire la composition du gouvernement proprement dite ?
Comme je l’ai toujours évoqué, le choix des membres du gouvernement et des élites politiques et administratives en Algérie se déroule sur le mode endogamique. Il n’y a jamais eu, à proprement parler, de renouvellement des élites politiques. Dans le cas d’espèce, notez bien que la moyenne d’âge parmi les membres du gouvernement reste élevée et que les ministères régaliens restent entre les mains de responsables aux affaires depuis plus de dix ans. Même les ministères techniques ont été très peu touchés et, pour l’essentiel, restent confiés, quasiment, aux mêmes responsables qui les géraient depuis l’arrivée aux affaires de M. Abdelaziz Bouteflika. C’est à peine si l’on peut noter le départ de certaines personnalités influentes, réputées proches du chef de l’Etat. Les ministres nommés, directement, par M. Sellal se comptent enfin sur le bout des doigts. Bien plus, ces ministres occupent des postes d’intérêt secondaire. Bref, la composition du nouveau gouvernement ne comporte aucune innovation réelle. Ce n’est ni un gouvernement de technocrates ni un gouvernement politique. Cette composition reflète, naturellement, la marge de manœuvre laissée à M. Sellal, le centre de décision stratégique se situe toujours à la présidence de la République.
La fin de mission signifiée à M. Ahmed Ouyahia constitue-t-elle, selon vous, une sanction ?
M. Ahmed Ouyahia, aussi docile qu’il a pu être, a commis des incartades. Il a voulu, notamment, faire assumer par la présidence de la République le bilan négatif de la gestion économique et sociale du pays. M. Ahmed Ouyahia, depuis longtemps, a les yeux rivés sur l’élection présidentielle. A ses risques et périls, le voici déchargé d’une fonction qui, au regard de la détérioration de ses rapports avec le président de la République, constituait pour lui un frein plus qu’un tremplin pour la réalisation de ses ambitions. Pour parvenir à ses fins, Il manque, cependant, à M. Ouyahia un projet national cohérent, un ancrage social plus pertinent et l’appui de forces politiques et d’appareils administratifs agissants. Au surplus, M. Ahmed Ouyahia qui a cristallisé contre lui la vindicte populaire risque de connaître bien des déconvenues à l’épreuve d’une campagne électorale vraiment libre. Comme je l’ai déjà souligné, il est, à présent, bien exposé car dans la ligne de mire du président de la République.
Et dans le cas de M. Abdelaziz Belkhadem ?
M. Abdelaziz Belkhadem nourrit également des ambitions présidentielles. Sauf qu’à la différence de M. Ouyahia, il ne compte pas sur l’appui des appareils mais sur celui du courant islamiste adossé au Front de libération nationale. Seulement, la crise qui frappe actuellement le FLN, loin d’être passagère, est une crise structurelle. Il est probable que le FLN en sorte affaibli si, entre-temps, il ne disparaît pas.
Vous pensez que les islamistes ont encore un avenir en Algérie ?
Contrairement aux analyses de courte vue, qui stipulent que les dernières élections législatives ont été le tombeau de l’islamisme en Algérie, je soutiens le contraire. Les islamistes, en général, n’ont pas voté le 10 mai 2012. Ils attendent le moment propice pour apparaître en force sur la scène politique. L’islamisme radical s’est nourri du désordre social et moral, il faut donc croire que les islamistes ont, en effet, un avenir devant eux.
Comment expliquez-vous que le FLN majoritaire à l’Assemblée populaire nationale n’ait pas bénéficié du poste de Premier ministre ?
En premier lieu, il faut se rendre à l’évidence, la victoire écrasante dont se prévaut le FLN est une victoire virtuelle. Examinez bien le taux d’abstention ainsi que les réserves exprimées par la mission d’observation de l’Union européenne ainsi que par l’ONG américaine NDI sans oublier, au passage, le jugement, sans appel, de la Commission nationale d’observation électorale composée de représentants de partis. Vous conclurez, de vous-même, que l’APN actuelle est démunie de légitimité. Selon toute vraisemblance, M. Abdelaziz Bouteflika utilise, pour sa finalité politique, des instruments qu’il méprise au fond de lui-même. Je ne crois pas que l’évolution actuelle du FLN réponde à l’aggiornamento attendu de lui. Il me paraît, hélas pour moi si attaché à ce parti, que c’est le chant du cygne…
Comment expliquez-vous le départ du gouvernement de personnalités réputées très proches du président de la République : Yazid Zerhouni, Abdelhamid Temmar ou même Abdelaziz Belkhadem ?
A l’évidence, M. Abdelaziz Bouteflika a lui aussi — et pour cause — les yeux rivés sur le scrutin présidentiel de 2014. M. Abdelaziz Bouteflika veut se représenter, éventuellement, en meilleure posture sans ses proximités encombrantes. Il se débarrasse de collaborateurs qui lui ont porté tort. Il les préserve, sans doute, de poursuites éventuelles. Mais, leur limogeage est un aveu implicite de leur échec dans la gestion des affaires publiques.
Que faut-il penser du choix de ministres représentant les nouveaux partis qui n’appartenaient pas à l’Alliance présidentielle ?
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