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Indonésie: Sur les berges du Citarum le «fleuve le plus pollué au monde»

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  • Indonésie: Sur les berges du Citarum le «fleuve le plus pollué au monde»

    A l’horizon, des dizaines de rizières d’un vert éclatant. Dans le ciel, une nuée de cerfs-volants, et tout proches, des rires d’enfants.

    A première vue, le village de Sukamaju a tous les charmes de la campagne indonésienne.Mais c’est sans compter cette puanteur qui souille l’air ambiant et dont la source se trouve en contrebas, à quelques dizaines de mètres du centre-ville.

    C’est là que coule le fleuve Citarum, avec ses monticules de déchets et de sacs plastiques jetés sur les rives, ses ramassis d’ordures qui flottent à la surface et sa teinte d’un vert extraterrestre.

    Cette immense poubelle aquatique serpente sur 297 kilomètres à travers l’île de Java, au centre de l’Indonésie, et vient abreuver la capitale indonésienne, Jakarta.C’est le fleuve «le plus pollué au monde», assure la commission spéciale mise en place pour tenter d’assainir le cours d’eau.

    Un statut que d’autres rivières lui disputent cependant dans le monde.

    Le Citarum est aussi la seule source hydraulique pour les 15 millions de Javanais qui vivent sur ses berges, malgré les risques qu’il fait peser sur leur santé et leurs récoltes.

    Sur la petite place de Sukamaju, trône le puits qui alimente la douche publique. Faute de moyens, il est raccordé directement à l’eau du canal. Noor, une villageoise d’une quarantaine d’années, montre les plaques blanches qui rongent ses bras. «Mes crises de démangeaison, c’est toujours après m’être lavée ici. C’est à cause de l’eau contaminée. C’est la faute des usines», explique-t-elle. On compte 1 500 usines textiles dans la région, qui déversent chaque jour 280 tonnes de déchets toxiques dans le Citarum, selon le gouvernement.

    Dans les canaux d’irrigation de Sukamaju, entre les plants de riz, l’eau des cultures a une couleur déroutante: un rouge profond, tirant sur le noir, qui court tout autour des champs. «C’est à cause des teintures dans les usines. La couleur change toutes les deux heures. Et l’impact est direct sur la qualité du riz», dénonce Deni Riswandani, en décortiquant un jeune brin.

    «Il n’y a plus de graines dans les cosses. On a une production qui est réduite de 50% par rapport à la normale», poursuit cet agriculteur qui tente de regrouper les communautés locales pour obtenir des compensations financières.A l’orée des plantations se dresse un bâtiment gris et massif, entouré de barbelés.

    Cette fabrique de tissus destinés à l’exportation évacue à intervalles réguliers ses résidus toxiques par une valve située à proximité immédiate des rizières.«Normalement, une fabrique ne peut pas reverser ses déchets dans l’eau sans retraitement», indique Deni Riswandani. “Si les industriels le font quand même, en théorie, il y a des sanctions très lourdes.


    Le gouvernement prétend qu’il y a des contrôles réguliers, mais sur le terrain, ça ne change pas», assène-t-il. Windya Wardhani, responsable du Bureau provincial pour l’environnement (BPLH Jawa Barat), certifie la présence de “métaux lourds dans l’eau du Citarum et dans les sédiments”. «Probablement à cause des industries, puisqu’on ne trouve pas de métaux lourds dans les déchets domestiques», ajoute-t-elle. «Nous contrôlons de manière intensive, et je crois que petit à petit les industriels se conforment aux règles établies. Mais peut-être pas tous les jours», confie-t-elle.

    L’Association textile d’Indonésie (API), qui défend les intérêts du secteur, assure cependant que la contribution de l’industrie à la pollution du fleuve Citarum ne dépasse pas «15 à 25%». «Elle vient principalement des déchets domestiques et des matières plastiques. C’est facile de compter le nombre d’usines, mais qui compte le nombre de personnes qui vivent le long du fleuve et y jettent leurs déchets?», accuse Kevin Hartanto, responsable de l’API à Bandung. La dépollution du fleuve Citarum et de ses 22 affluents a été classée priorité nationale par le gouvernement indonésien, qui a lancé en
    2010 un immense chantier de réhabilitation sur 15 ans de 3,5 milliards de dollars, dont 500 millions apportés par la Banque asiatique de développement (BAD).«Jusqu’ici les progrès ont été minimes», reconnaît Thomas Panella, spécialiste des ressources en eau à la BAD.

    «Mais cela fait finalement très peu de temps qu’on s’est attaqué aux problèmes de pollution. Il faut qu’on tire les leçons de pays comme la France, les Etats-Unis ou la Corée, qui avaient des cours d’eau affreusement pollués au début du XXe siècle: à l’époque, on pensait qu’il était impossible de les assainir. Il faut donc penser à long terme».


    Par Vincent Souriau, La Tribune
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